Il y a quelques jours, le Centre d’Etudes de l’Emploi a publié une étude intitulée « J’ai une femme exceptionnelle. Carrières des hommes hauts fonctionnaires et arrangements conjugaux« . Je vous laisse la lire en détail, mais je partage ici la conclusion :
« Cette enquête montre à quel point, même (ou a fortiori) dans la Haute Fonction publique, la conciliation entre sphères professionnelle et privée reste un problème essentiellement féminin. En effet, l’organisation du travail y est telle que seuls peuvent se plier aux exigences de leurs postes les cadres dont la conjointe, bien que tout aussi diplômée, assume l’exclusivité des charges familiales et désinvestit la vie professionnelle, devenant « une femme exceptionnelle »au service de la carrière de son conjoint. Ces cadres ne modifient leurs arrangements conjugaux que lorsque leur couple est en danger ou qu’ils éprouvent des déconvenues dans leur carrière. Des constats qui font mesurer le chemin restant à parcourir sur la voie de l’égalité professionnelle ».
Récemment, j’ai eu des conversations avec deux hommes, qui confirment ou nuancent cette conclusion.
– Le premier travaille dans une organisation qui a lancé une étude sur la conciliation vie perso / vie pro. Quatre femmes mariées de son service ont été sollicitées pour répondre à cette étude. Pas d’homme. Une de ces femmes lui a dit « de toute façon, il n’y a que les femmes qui sont concernées par cette problématique ». Cela l’a profondément agacé. Il m’a dit « nous aussi, pourtant, nous sommes concernés. Dommage que l’on ne me demande pas mon avis ». A titre personnel, je pense que bien évidemment les hommes sont concernés, mais je constate qu’autour de moi, ce sont encore en grande majorité les femmes qui se posent le plus de questions, qui font des choix professionnels différents (par choix ou par contrainte…toutes les nuances entre la liberté et à la contrainte existent), des concessions (volontaires ou non volontaires). Bien sûr, les choses évoluent, et les hommes qui se mobilisent sur le sujet sont de plus en plus nombreux.
– Le second est un australien, marié, 3 enfants. Il a suivi sa femme qui travaille à l’Ambassade d’Australie à Paris. Il est paysagiste. Travailler en France dans son secteur est très compliqué, il a fait le choix de faire une pause professionnelle pour s’occuper de ses 3 enfants. Il me disait que cela l’occupait bien !
Tout cela me fait dire que la conciliation vie perso / vie pro est une question qui reste compliquée, sans recette miracle, qu’il est difficile de mener de front deux carrières surtout quand la mobilité s’en mêle. Les arrangements conjugaux sont multiples, mélange de choix individuels et collectifs. Il faut noter que certains hommes font bouger les lignes (aidés ou non par leur entreprise).
Je vous renvoie également à la lecture deux billets sur ces mêmes questions :
– Petits arrangements entre famille et travail
– Conciliation au sein des couples : accords et désaccords
Image Alex Domanski/REUTERS trouvée dans cet article de l’Express
C’est intéressant de mettre en avant le fait que c’est la carrière professionnelle est au final un engagement de couple voire familial.
J’ose espérer que, contrairement à ce que soutend l’article, les choix de carrière sont ouvertement discutés au sein des couples, et non pas « larvés » : « c’était son truc, elle voulait s’occuper de la famille » … !
moino
Bonjour, personnellement cette étude me laisse un goût amer… que la carrière de l’uun s’appuie sur le soutien de l’autre me choquerait peu si les femmes étaient « celui qui fait carrière » dans un cas sur deux.
Je ne peux que constater que nous sommes encore et toujours considérées par défaut plus attachées à la famille et aux soins aux enfants. Je n’ai pas d’enfants mais ayant un métier prenant on me parle tous les jours de « quand j’aurai des enfants, ce ne sera plus possible » sans que personne ne me parle des éventuels choix de mon conjoints!
Que les femmes fassent des choix elles-même je le conçoid mais je m’interroge sur la liberté réelle de choix quand la société entière nous martèle que les femmes sont plus soucieuses de leur famille que les hommes et valorisent toujours plus une épouse dévouée qu’une mère qui fait carrière.
Au delà de la simple question de choix de vie, je m’interroge sur le gâchis de talents que cela représente: n’avons-nous pas renvoyé à la maison des femmes brillantes tandis que des hommes auraient été d’excellents papa poules?
Delphine
Ce questionnement, à mon sens, devient plus pertinent et constructif, s’est est abordé dans un contexte élargie du mécanisme de fonctionnement de nos sociétés.
En effet, la fonction sociale est encore fortement déterminée par le genre. Dans les sphères professionnelles élevées (dont il est question dans cet article), la culture dominante attribue « spontanément » certains domaines aux femmes (comme le met en lumière le faite que seules les femmes soient interrogées dans cette étude).
Une réelle mixité des fonctions pourra émerger avec la transformation effective de la société. Comment le père vit sa paternité dans les sphères professionnelle, sociale, familiale, personnelle ? Quelle place est-il prêt à prendre sans (trop) se marginaliser ?
Je reste optimiste, les lignes bougent ! Aux mères de leur laisser un espace d’investissement et d’évolution, aux pères à dépasser les résistances culturelles, sociales et éducatives pour s’investir dans ce domaine. Les grands vainqueurs seront nos enfants…
Sophie