Alors que la solidarité et et l’entraide entre femmes se développent à grande vitesse, la question de la rivalité féminine mérite cependant d’être posée. Sans aller jusqu’à évoquer le duel féroce entre Ségolène Royal et Martine Aubry lors des primaires du Parti Socialiste en 2008 (lire à ce sujet le billet du psychiatre Serge Hefez), il est intéressant de lever le voile sur ce sujet encore peu étudié. Rivalité féminine : réalité ou stéréotype ?
Il est indéniable qu’une grande entraide entre les femmes se met en place : il suffit de voir la vivacité des réseaux féminins (virtuels ou réels), la multiplication des opérations de mentoring ou de tutorat (citons par exemple l’opération Elles débutent avec elles mise en place par l’APEC), cependant tout n’est pas forcément rose dans le monde de l’entreprise entre les femmes.
Elles ne sont pas toujours tendres entre elles et le fait de travailler avec des femmes n’est pas toujours chose aisée. D’ailleurs, selon un sondage réalisé en 2003 par le site Monster, 88 % des femmes interrogées déclaraient préférer travailler pour un homme !
France 5 Emploi s’était penché sur cette question en interrogeant Louise Doucet, une consultante québécoise en santé et mieux-être au travail. Celle-ci a mené en 2005 une étude internationale en interrogeant plus de 600 femmes et hommes dans différents pays, dont la France, et a constaté que les relations professionnelles entre les femmes sont loin d’être harmonieuses.
Parmi les commentaires laissés, on pouvait notamment lire ces deux témoignages :
–Je trouve qu’elles sont plus dures, à l’affût du moindre détail et ne laissent rien passer! Les malentendus ou les désaccords peuvent vite dégénérer… Pour moi une rivalité féminine demeure, surtout si le patron est un homme, et qu’en plus il a énormément de charisme…
–Ce sondage reflète bien la réalité professionnelle au sein des entreprises féminines. J’ai travaillé dans une mutuelle et le harcèlement moral venait des femmes cadres. Elles étaient ultra jalouses et ne supportaient aucune rivalité au point de détruire ses collègues. Brrr, j’en ai encore des frissons dans le dos !!!
De nombreuses femmes estiment que les femmes entre elles peuvent être « de vraies vipères ». Qu’une équipe féminine est plus facilement propice aux embrouilles, rivalités, mesquineries, jalousies, compétitions mal placées, tandis que les relations entre hommes seraient plus franches et directes, tout en étant parfois très brutales. Certaines femmes sont même accusées d’être
misogynes dans le travail…
Un article paru sur femmes-emploi.fr « Une pour toutes ? Toutes pour une ? » et rédigé par Juliette Ghiulamila (ancienne consultante pour le Lab’Ho, Observatoire des Hommes et des Organisations du groupe Adecco ) évoquait également le sujet. En voici un extrait :
« Dans l’imaginaire collectif, mais aussi très souvent dans la réalité, c’est aux femmes qu’il revient d’être auprès des enfants. On comprend alors comment une concurrence sournoise peut se mettre en place entre femmes : c’est sur le front des enfants (en avoir ou pas ? être à leurs côtés ou pas ?…) que le débat se déplace. Les femmes avec enfants et ayant décidé de ne pas tout sacrifier à leur vie professionnelle se trouvent souvent en moins bonne position que celles qui se donnent corps et âme à leur entreprise (enfin en moins bonne position à court terme car l’avenir nul ne peut plus en préjuger…). Alors bien sûr il arrive à des femmes de s’épauler, se donner des tuyaux mais il serait illusoire de croire qu’une solidarité féminine se développe entre femmes en entreprises. Faut-il pour autant le regretter ? Ici ou là, des femmes, des hommes, des hommes et des femmes vont tisser de bonnes relations. Ailleurs elles seront mauvaises. »
France 5 Emploi avait également interviewé Brigitte Livet, coach et spécialiste des relations humaines dans l’entreprise. A la question : La rivalité féminine, est-ce un mythe véhiculé par les hommes ?, elle répondait :
– Quand deux hommes sont en rivalité professionnelle, le discours tend à présenter cela comme un challenge, une compétition positive, stimulante mettant en jeu leurs compétences. Quand cette même rivalité existe entre deux femmes, on considère cela comme de l’hystérie. Je pense que ce sont les hommes qui véhiculent cette image de femmes revanchardes, méchantes entre elles. Mais certaines femmes ont tendance à reprendre et véhiculer ces mêmes stéréotypes machistes. Pour preuve lors de la campagne présidentielle, les principales attaques subies par la candidate socialiste, Ségolène Royal émanait d’autres femmes. Dans l’entreprise, certaines femmes vont faire le choix de se désolidariser de la gent féminine pour mieux s’imposer.
Cette dernière analyse est également celle avancée par Cécile Guillaume. Cette sociologue au CNRS, auteur d’une étude sur le plafond de verre dans une grande entreprise publique, disait lors d’une interview (Entreprise & Carrières du 23 septembre 2008) que « les femmes dirigeantes ne favorisent pas nécessairement leurs consoeurs. Elles ont souvent intégré les représentations masculines du pouvoir et estiment qu’il faut se couler dans le moule. »
Pour terminer, lire également cet article paru dans Libération sur le sujet.
Que vous inspire tout cela ? Pour vous, la rivalité féminine est-elle une réalité ou un mythe ? L’avez-vous déjà vécu ? Ou au contraire, estimez-vous que la solidarité féminine joue à fond ?
Vos témoignages sont les bienvenus !!
La photo vient du site 24heures.ch
Faire des généralités…c’est toujours être en dehors de la réalité…Je crois que tous les cas de figures existent, en tout cas j’ai vécu les deux… mais pas avec les mêmes personnes.
Et c’est pareil chez les hommes, sauf que c’est beaucoup mieux vécu, puisque nous vivons dans un monde fait par les hommes et pour les hommes…Tant qu’on ne sortira pas de là, les femmes qui voudront « réussir » comme un homme devront intégrer les valeurs masculines…et comme une Margareth Thatcher devenir « pire » (ou « mieux » selon ses opinions) que tous les hommes…parce qu’une femme doit bosser deux fois plus qu’un homme pour arriver à la même situation…
Guern’ de Bé
Bon sujet. Je pense que c’est plus difficile pour les femmes de réussir. Et que les hommes et les femmes sont très durs avec les femmes réussissantes. D’où des projections de « vipères », « d’hystériques », de « méchante maman »… Oui, c’est dur c’est une femme qui a du succès professionnel.
Côté « sororité », soutien, je le vis tous les jours dans les réseaux féminins que j’anime. Bien sûr, il peut y avoir de « l’envie », et pour moi, c’est plutôt motivant. Je crois au pouvoir des réseaux féminins, car les femmes ont besoin d’information et de soutien.
Chine
Bonjour Gaëlle,
Très interessant, ce billet. Personnellement, pour avoir un poste « à responsabilité’ comme on dit, qui encadre des femmes dans un secteur à 90% masculin, je dirais que je suis assez de l’avis du sociologue cité. Les rivalités féminies que j’ai pu observer sont plus directes, plus saines que j’ai pu observer chez les hommes face à ces femmes. Nos comparses masculins peuvent etre largement plus vicieux voire malsains dans leur compétition ! J’en retire la conclusion qu’il n’y a pas de règle en la matière et que la notion de rivalité et ses attributs sont tout simplement… humains !
A bientôt,
Guylaine
Guylaine
@ Guern’ de Bé, Chine et Guylaine : merci beaucoup à toute les 3 pour vos commentaires !
Il semblerait que la personnalité et le parcours professionnel expliqueraient les comportements de rivalité, de compétition ou de concurrence davantage que le fait d’être un homme ou une femme.
En tout cas, la solidarité entre femmes au travail constitue un levier très puissant de progrès et de motivation. Sachons l’apprécier et en être soi-même actrice 🙂
Gaëlle