Ancienne responsable des ressources humaines chez Pepsico France, Solenne de Thésut, 30 ans, a lancé en juin 2008 le blog meilleures-entreprises.fr, sur lequel elle décortique chaque jour les pratiques RH des entreprises qui favorisent le développement de leurs collaborateurs. Actuellement, 200 pratiques de 140 entreprises sont répertoriées.
Quel est votre parcours professionnel ?
Solenne de Thésut : Après une maîtrise de droit privé et un DEA de droit social à Assas, j’ai obtenu un DESS RH au Ciffop. J’ai débuté chez Johnson & Johnson en tant que chargée de recrutement puis sur un poste de responsable de ressources humaines (RRH). Ensuite, je suis partie 6 mois en Guyane faire une mission humanitaire d’alphabétisation. A mon retour, j’ai été embauchée par Pepsico France comme RRH. Au bout de 2 ans et demi, j’ai démissionné car mon mari a eu l’opportunité de travailler à Riga, à Lettonie. Nous y sommes depuis 1 an. Là-bas, j’ai eu mon premier enfant. Puis, j’ai lancé mon blog en juin 2008. L’idée me trottait dans la tête depuis un moment. Je voulais aider les personnes à connaître les pratiques RH des entreprises pour les aider à bien choisir leur entreprise.
Comment avez-vous choisi les 6 critères pour décrire les pratiques d’entreprises (développement des compétences, développement durable, environnement de travail, management, promotion de la diversité, rémunération) ?
S. de T. : Plutôt que de critères, je préfère parler de dimensions. Mon objectif est d’apporter un éclairage sur une pratique mais nullement de noter une entreprise. Jamais, je ne publierai un Top 10 des entreprises. J’ai retenu ces dimensions par rapport à mon expérience, à ce qui influence, selon moi, l’épanouissement et le bien-être des salariés, en essayant de couvrir toutes les dimensions de la fonction ressources humaines.
Où trouvez-vous les informations ? Quelles sont vos sources ?
S. de T. : Elles sont multiples. D’une part, je reçois des informations de mon propre réseau professionnel. Ensuite, je lis beaucoup la presse écrite et lorsqu’une pratique m’interpelle, j’approfondis en contactant l’entreprise. J’utilise également les bilans sociaux. Enfin, des salariés commencent à m’envoyer des pratiques, que je vérifie bien entendu.
D’autre part, j’essaye également de recueillir des pratiques de PME mais elles ne sont pas faciles à obtenir. C’est l’un de mes prochains objectifs !
Parmi les pratiques RH dont vous vous faites écho, quelles sont celles qui vous semblent les plus intéressantes ? Et à contrario, celles qui vous semblent les plus contre-productives ?
S. de T. : Parmi celles qui me semblent intéressantes, je citerai les démarches sociétales mises en place par des entreprises pour prendre le relais de lacunes de l’Etat. On peut citer SFR sur la question du handicap, Thalès sur celle des seniors ou encore Danone qui a mis en place un programme permettent aux ouvriers d’accéder à des diplômes. J’ai aussi apprécié celles qui associent davantage ou de façon créative les salariés aux résultats de l’entreprise, comme Dassault ou Facéo.
En revanche, je me méfie beaucoup des pratiques qui surfent sur les nouvelles tendances ou les effets marketing. Je pense notamment aux blogs d’entreprise (et ne pas confondre avec les Intranets). Je ne suis pas favorable à ces tentatives de créer une communauté. Cela pose en plus des problèmes de confidentialité, de diffamation, de règles d’utilisation, etc.. Autre pratique discutable : celle de Gan Patrimoine qui a utilisé une émission de télé- réalité pour recruter. Cela me semble peu respectueux des candidats. Une autre pratique qui me semble contre-productive est celle de yahoo, qui explique à tous ces managers comment licencier « froidement, sans commettre d’impair juridique ». Cela crée une culture d’entreprise « inhumaine », à l’opposé de ce en quoi je crois.
De nombreux salariés connaissent très mal ce que font leurs DRH et/ou ne comptent pas beaucoup sur eux pour faire avancer les choses. En tant qu’ancienne responsable RH, qu’avez-vous envie de leur dire ?
S. de T. : Je pense effectivement qu’il y a beaucoup d’incompréhension de part et d’autre. S’il est légitime d’attendre beaucoup d’un RRH, il faut également comprendre qu’il n’est pas en charge du bien-être des salariés. Il est là pour construire des process (autour des parcours professionnels, de la formation, de l’évaluation), pour garantir l’équité d’une promotion, de la rémunération mais ensuite, c’est aux managers de proximité de relayer et de diffuser les messages. Pour moi, ce n’est donc pas parce que l’on n’a pas de contact avec son RRH qu’il est forcément mauvais.
D’autre part, il faut bien reconnaître que les RH ne sont malheureusement pas présentes dans toutes les entreprises ou alors encore trop cantonnées à un rôle purement administratif. C’est une fonction encore relativement nouvelle.
En terme de conciliation vie privée / vie professionnelle, quelles tendances percevez-vous ? Quelles pratiques RH vous semblent vraiment concrètes et utiles ?
S. de T. : Les actions et initiatives sont un peu partout les mêmes, comme les codes de bonne conduite pour les horaires de réunions, des formations sur l’organisation du temps ou encore les crèches et conciergeries d’entreprise. La conciliation vie privée/vie professionnelle est un vraie demande mais je trouve que l’on traite les effets et pas la source du problème.
Ces pratiques facilitent certes un meilleur équilibre mais une formation ne suffit pas à faire changer profondément les choses. Ce sont les mentalités et la culture qu’il faut revoir complètement.
Pour moi, cette question rejoint beaucoup celle de l’égalité hommes/femmes car ce sont quand même majoritairement les femmes qui rencontrent des problèmes pour concilier les deux ! Par conséquent, je considère que la promotion de l’égalité hommes/femmes au sein d’une entreprise est un bon indicateur de la prise en compte de la conciliation vie privée/vie professionnelle.
Pour faire progresser profondément les choses, il faut développer le respect de l’autre. Mais quand on voit que dans les instances dirigeantes, ce sont essentiellement des hommes qui n’ont aucune contrainte personnelle et même pas le réflexe d’être sensibles aux contraintes personnelles des autres, on se dit que le chemin est encore long à parcourir….
Vous écrivez dans la présentation de votre blog, « être convaincue que la finalité de l’entreprise est le développement des hommes ». Mais alors comment expliquez-vous que les entreprises n’en soient pas plus conscientes ?!
S. de T. : Je pense que l’on est tellement enfermé dans le système financier qu’on en oublie que l’entreprise a été créée par l’homme et pour servir le développement de l’homme. Je pense qu’il est temps de retrouver un certain équilibre entre l’économique et l’humain. Pourquoi ne pas créer pas un indice humain à côtés des indices financiers ? Peut-être la crise actuelle va -t-elle permettre une meilleure prise en compte de la « valeur humaine » dans les entreprises…
Les témoignages de salariés restent encore peu nombreux. Avez-vous des idées pour les faire participer davantage ? Comment expliquer leurs réticences à témoigner ?
S. de T. : Si je suis très satisfaite du nombre de visites (entre 500 et 600 par jour, hors WE), je suis en revanche un peu déçue par le nombre de commentaires que je souhaiterais plus nombreux. Car rien ne vaut une vision de l’intérieur. Je réfléchis à comment inciter les personnes à laisser leurs commentaires, par exemple en étant moins affimative dans mes propos. J’espère aussi qu’avec la notoriété grandissante du blog, certains finiront par oser témoigner !
Ils parlent aussi de ce blog (Courrier Cadres, L’usine nouvelle, le Figaro Réussir).
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Bonjour Gaëlle,
Je tiens à vous féliciter pour votre blog. La richesse des informations, des liens, des articles, dense et intéressant et de qualité. Merci et bravo.
L’équilibre de VieS est un sujet qui me passionne, femme, mère mais aussi épouse et femme active j’ai à coeur de mettre mon énergie dans ces différentes identité de rôles afin de garder l’équilibre. C’est un investissement de tous les jours car comme tout équilibre il est précaire !
Je pense que la crise actuelle est une transition vers un monde différent. Nous devrions voir l’émergence d’un nouveau style de leadership dans l’entreprise et nous sommes en mesure de contribuer à cette évolution. Car aujourd’hui nous pouvons constater une hémorragie des femmes de 35-45 ans dans l’entreprise et c’est un vrai sujet dans les organisations.
Dans ce cadre d’ailleurs, je viens de créer le réseau « Dauphine au féminin », en collaboration avec l’association des anciens de Dauphine. Ce réseau s’adresse aux anciennes de Dauphine qui souhaitent échanger, réfléchir et contribuer à faire évoluer le rôle de la femme dans l’entreprise. Beaucoup d’initiative vont dans ce sens aujourd’hui, je pense que nous devons continuer à faire évoluer les mentalités. Déjà les jeunes générations envisagent le travail autrement….
PS Je n’arrive pas à accéder au site de Solenn via Mozilla ??
A bientôt,
Christèle
Christèle
Bienvenue Christèle et merci beaucoup pour vos encouragements !
La période 30-40 ans me semble effectivement la plus délicate à gérer en tant que femme active…d’où « hémorragie » que vous évoquez.
Bravo pour l’initiative « Dauphine au féminin » (j’ai une amie qui fait aussi partie des anciennes, je vais lui en parler).
PS : pour accéder au site de Solenne, le lien est le suivant : http://www.meilleures-entreprises.fr/blog/
Gaëlle