Aurélie
Diaporama Portraits de femmes Que deviennent-elles (ils) ? Témoignages vie privée / vie pro

Parcours au fil du temps : Aurélie

Aurélie

Aurélie a témoigné pour la première fois en 2014 sur En Aparté autour de la conciliation vie perso / vie pro. Elle était à l’époque responsable d’une association dans le domaine de l’entrepreneuriat et community manager en auto-entrepreneur. Elle avait une petite fille, en garde alternée. En 2015, suite à un licenciement économique, Aurélie, pleine réflexion professionnelle, envisageait de suivre une formation longue. 

Depuis ton dernier témoignage, comment a évolué ta vie professionnelle et personnelle ?

Il y a eu pas mal de changements !

En 2015-2016, pas grand-chose de nouveau, j’étais toujours free-lance en communication digitale. En revanche, le projet de quitter Paris à plus ou moins long terme prenait de plus en plus forme.

Début 2017, j’ai rencontré quelqu’un dont je suis tombée amoureuse. Cette personne m’a incité à passer des tests psychologiques car il pressentait que j’avais un profil un peu atypique. J’ai été détectée HP, ce diagnostic m’a permis d’expliquer beaucoup de choses (mon insatisfaction, le fait que je m’ennuyais vite dans un emploi ou encore d’avoir toujours plein de projets en tête).

Mon amoureux est ensuite tombé très gravement malade. Nous nous sommes alors installés en Normandie, avec son fils, pour qu’il puisse s’éloigner de la frénésie parisienne et se soigner au calme. De son côté, ma fille est restée avec son père à Paris. Nous avons affronté la maladie ensemble et cela nous a beaucoup rapprochés.

J’ai également pris le temps de me poser et de réfléchir à ce que je voulais faire au niveau professionnel. J’ai décidé de suivre une formation pour changer de métier. J’avais fait le tour de la communication digitale et le diagnostic qui avait été posé m’a donné des ailes pour explorer d’autres choses. C’est ainsi qu’à 40 ans, j’ai démarré une VAE qui se poursuit aujourd’hui sous formes de cours à distance, en vue d’obtenir un master en documentation et gestion des connaissances, avec le CNAM. Étudiante, j’avais travaillé au service documentation d’une agence de relations publiques et je m’étais rendu compte que j’avais une vraie appétence pour la gestion de l’information, des sources, la veille documentaire, la rédaction de synthèses, etc.

Parallèlement, on a continué à creuser avec mon compagnon car on avait l’impression que l’on avait encore des choses à découvrir sur nous-mêmes. Et après pas mal de rendez-vous, on m’a diagnostiqué des troubles du spectre autistique Asperger. Ces diagnostics m’ont bouleversée. J’ai réalisé que depuis des années, je trichais avec moi-même, je cherchais toujours à m’adapter, mais au prix de beaucoup de stress et d’une perte de confiance en moi. Les personnes comme moi, on est  invisibles surtout les femmes, car nous sommes capables de camoufler instinctivement. Beaucoup d’entre nous avons vécu des situations de harcèlement à l’école, car nous ne se relions pas aux autres de la même façon alors que nous en avons envie. Je suis enfin devenue ce que je suis.

Ce double diagnostic nous a permis d’envisager la suite de nos vies. A alors émergé le projet de vivre à la campagne. On a racheté une vieille ferme en Charentes que l’on a retapée. L’idée était de se rapprocher de nos familles et de ma fille (qui depuis était allée vivre à Bordeaux avec son père).

Pendant ce temps, mon compagnon qui a mis trois ans à guérir a conservé son emploi en région parisienne, mais avec des aménagements.

Depuis bientôt deux ans, je suis AESH (accompagnante d’élève en situation de handicap) à temps partiel dans un collège proche de chez nous.

Et puis il y a pile un an, nous avons eu une petite fille ! Cette naissance est l’aboutissement d’un très grand amour. Mais ce n’est pas évident de redevenir mère après 40 ans, surtout par rapport au manque de sommeil ! 😉 C’est une petite fille très vive qui nous sollicite beaucoup. Heureusement, nous vivons à la campagne. Mais la contrepartie, c’est que nous avons peu de relais ou de structures d’accueil pour les tout-petits.

L’an prochain, je vais rester à la maison m’occuper de ma fille et poursuivre mes études à distance. A terme, j’envisage de faire un doctorat. J’ai vraiment envie de prendre le temps de me poser. J’aime beaucoup écrire et la voie des publications me tente. Et je suis conscience qu’à 45 ans, le monde de l’entreprise ne m’attend plus forcément !

Avec le recul, referiez-vous des choses différemment ?

Je ne regrette rien.

Cependant, si ces diagnostics avaient été posés plus tôt, je pense que pour mes parents et pour moi, cela aurait été plus simple. Ils sentaient que j’étais à part mais ils ne savaient pas forcément comment gérer cela. Peut-être auraient-ils pu m’éviter de faire certaines erreurs….

As-tu des conseils à donner à des jeunes femmes/jeunes mères ?

Ne pas se mettre trop de pression. Beaucoup d’injonctions fortes pèsent sur les femmes : la réussite professionnelle, l’indépendance financière, la disponibilité pour les enfants, etc. c’est un rôle social lourd. J’ai le sentiment que l’on s’est un peu fait avoir avec cette notion de femme indépendante. J’estime qu’une sorte de revenu universel pour élever ma fille, m’occuper de la maison et de la mère de mon mari, pourrait être une bonne chose. Là je paye plutôt pour aller travailler, alors que cet investissement domestique et familial a du sens et devrait être plus reconnu. J’en suis revenue de la start-up nation et de certains modèles de réussite féminins. On nous a vendu un modèle de femme forte et indépendante mais on s’est épuisé à tenter de le suivre.

Et ne pas hésiter à s’accorder du temps pour soi. Moi-même j’ai appris à lâcher du lest alors que j’’ai longtemps porté beaucoup de choses toute seule.

As-tu des projets à court ou moyen terme ?

Nous réalisons que ce choix de vivre à la campagne en Charentes n’était peut-être pas le meilleur. Nous avons l’impression de fournir beaucoup d’efforts et d’avoir peu de soutien. En fait les néo-ruraux sont très minoritaires et pas toujours bien compris. Les gens oscillent entre admiration et incompréhension à notre égard. Et puis pour les enfants, c’est compliqué (mon beau-fils a dû partir en internat). Mon compagnon doit également faire des allers-retours sur Paris pour son travail qui ne sont pas toujours simples. C’est un mode de vie hybride, pas très confortable. C’est pour cela que nous envisageons à moyen terme de nous réinstaller en Normandie, en bord de mer, dans une petite ville où nous bénéficierons à la fois d’une bonne qualité de vie et d’infrastructures notamment pour les enfants.

Sinon, j’ai un manuscrit de roman commencé il y a 18 mois, j’ai vraiment envie de le continuer. Par ailleurs, depuis que je suis AESH, je prends des notes sur les élèves que j’accompagne (et qui ne sont pas dans le moule, alors que nous vivons dans un monde très normatif), les profs, la direction, le monde rural, etc. Je suis en train de retranscrire et mettre en forme toutes ces notes que j’aimerais bien ensuite publier. L’idée est de rendre visible des métiers essentiels mais peu connus, invisibles.

A mon sens, il serait peut-être temps de chercher davantage ce qui nous relie plutôt que la réussite individuelle, de mettre en avant moins les parcours de réussite que les mouvements de coopération et d’entraide. Il faut trouver des moyens de relier les gens du haut et du bas, car pour le moment ils sont très éloignés et c’est bien dommage.

Vous pouvez retrouver l’ensemble des témoignages dans la rubrique Parcours au fil du temps.

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