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Vivre avec un enfant précoce : entretien avec Gabrielle Sebire

Les enfants précoces ou à haut potentiel intellectuel (HPI), un sujet compliqué et délicat, sur lequel mes connaissances sont, je l’avoue, limitées. En revanche, certains parents autour de moi sont directement concernés. Et je vois bien que c’est loin d’être simple au quotidien, dans leur scolarité, à l’adolescence…C’est pour cette raison que j’ai eu envie de vous parler d’un livre qui vient de sortir sur ce sujet et qui me semble bien fait et concret.

Revenons un peu en arrière… Il y a quelques mois, suite à la ré-orientation éditoriale de mon blog j’ai eu l’occasion de rencontrer Gabrielle Sebire, professeur des écoles et mère des 4 enfants, pour discuter éducation. Nous avions notamment évoqué les groupes de partage d’expériences de parents qu’elle anime dans un cadre associatif (les chantiers éducation dont je parlais dans ce billet). Elle s’occupe plus particulièrement de ceux destinés aux parents d’enfants à haut potentiel. Forte de cette expérience, elle a écrit avec Cécile Stanilewicz « Avec lui c’est compliqué ! Vivre avec un enfant précoce, l’aider à grandir et réussir » qui vient de sortir aux Editions Eyrolles. Gabrielle (à gauche sur la photo) a répondu à mes questions pour en savoir plus sur la genèse et les objectifs de cet ouvrage (qui s’adresse essentiellement aux parents d’enfants HPI de moins de 12 ans).

Pourquoi as-tu souhaité écrire ce livre ?

Avec Cécile, nous organisons des groupes de partage d’expérience appelés « Chantiers-Education zèbres ». Nous avons pu expérimenter combien la démarche des chantiers était positive et permettait de construire le sur-mesure dont ont besoin les enfants précoces/surdoués/HPI. Un bénéfice tel que nous avions envie de le partager !

A la suite de cette expérience et devant le constat de toutes les ressources accumulées au fil des échanges, nous avons été contactées pour organiser des formations auprès des parents par l’association Aid’Etudes. Cette association proposait des bilans, un suivi des enfants mais cherchait à proposer un soutien et des ressources aux parents qui venaient chercher de l’aide auprès d’elle.

A la fin d’une des formations, l’un des parents, un papa, nous dit « c’est incroyable toutes les astuces que vous nous avez données pour comprendre et accompagner nos enfants, je n’ai jamais lu ça dans les livres, vous devriez en écrire un ! ». Avec Cécile, on prend ça à la rigolade, avec nos 4 enfants chacune, nos boulots respectifs, on court après le temps. Il est minuit passé, on débriefe de la formation ensemble et on se chambre à propos de cette proposition qui nous fait bien rire, on n’y croit pas un instant !

De blague en blague, nous nous disons que ce papa a peut-être raison, les participants à nos formations nous le disent à nouveau. Alors nous nous lançons. Nous nous disons que c’est quand même dommage d’avoir recueilli tant d’expériences de parents et de ne pas les partager, de les garder sous le boisseau. Et de fil en aiguille, Eyrolles, à notre plus grande surprise, nous fait confiance !

Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les parents d’enfants précoces ?

Quand les parents viennent nous voir, que ce soit dans le cadre des chantiers ou dans celui des formations, ils sont tout d’abord heureux de trouver enfin un lieu bienveillant où ils pourront parler de leurs difficultés sans être jugés. En effet, les a priori sur les enfants précoces sont tenaces et souvent les parents n’osent pas en parler autour d’eux ou bien ont la réponse « de quoi te plains-tu ? Ton enfant est « très intelligent », quelle chance ! » et du coup, lorsqu’ils rencontrent des difficultés liées à cette spécificité, ils n’ont nul endroit où se confier et trouver du soutien et se retrouvent très seuls.  Les principales difficultés qu’ils rencontrent ont trait à l’aspect très intense, « monsieur ou madame PLUS » de leur enfant. Tout va très vite dans leur cerveau. Ils semblent insatiables. Leur hypersensibilité leur joue des tours et peut être épuisante pour l’entourage. Le manque de compréhension de leur spécificité à l’école rend le parcours scolaire compliqué car les enseignants sont souvent peu formés aux adaptations et aménagements que l’on peut mettre en place afin que cela se passe bien (pourtant il suffit parfois de peu de choses pour que cela se passe bien même s’il faut à chaque fois trouver une nouvelle solution qui ira pour cet enfant et lui seul). Ces enfants ont souvent des difficultés avec l’autorité et n’ont de cesse d’interroger les règles, de demander de la cohérence, du sens, de la justice. Malheureusement pour eux, le monde qui les entoure n’a pas toujours le sens qu’ils en attendent, les adultes sont parfois incohérents, et le monde injuste ! Et ça les rend très malheureux ! Enfin, leur lucidité, leur sensibilité ne les aide pas à rester sereins. Ils peuvent s’inquiéter plus facilement, être plus angoissés par des choses qui ne sont pas de leur âge.

Les parents vont devoir accueillir leurs spécificités et souvent trouver des astuces, des adaptations pour que tout se passe au mieux avec le moins de heurts possible et le plus de sérénité possible. Les parents peuvent avoir l’impression qu’ils ne savent pas y faire avec leur enfant, perdent confiance en leurs ressources (qu’ils ont pourtant, il suffit d’aller les chercher en eux le plus souvent). L’intensité de cet enfant peut également être épuisante pour les parents, pour le couple qui ne trouve plus de temps pour se retrouver…Il y a donc plusieurs défis à relever même si ce n’est pas une pathologie !

As-tu l’impression que la prise en charge des enfants HPI évolue dans le bon sens ou pas ?

Depuis plusieurs années, la littérature sur le sujet est prolixe, les parents sont mieux informés sur les spécificités de leur enfant même s’ils se retrouvent souvent démunis une fois le test fait : « Et qu’est-ce qu’on fait maintenant ? », c’est à cette question que nous avons essayé de répondre dans le livre. En ce qui concerne l’école, les enseignants commencent à être mieux formés même s’il y a encore de gros progrès à faire, certains enseignants continuant de nier l’existence même de cette particularité (je l’ai encore vu dans un article d’un prof de conservatoire, il y a peu, en 22 ans, il n’avait jamais vu d’enfants précoces, ce qui est statistiquement impossible !). Comme il existe des profils très divers, certains profils sont bien identifiés mais d’autres non, comme par exemple le « décrocheur » qui va rêver près du radiateur car il s’ennuie au risque d’accumuler de vraies lacunes.

La prise en charge est en bonne voie, il reste maintenant à montrer que de petits aménagements peuvent aisément venir à bout de la majorité des problèmes rencontrés par ces enfants. Un simple regard bienveillant et la connaissance des particularités, par exemple, simplifient considérablement les rapports entre l’enseignant et l’élève, entre le parent et l’enfant. Cela permet de lâcher-prise, de choisir ses batailles et d’arrêter de s’épuiser !

Vous pouvez retrouver également Gabrielle et Cécile sur leur page Facebook Happy HP Family

Et quelques mots sur leur livre : selon elles, « ce haut potentiel n’est ni une chance ni un handicap, mais une caractéristique avec laquelle nous devons apprendre à composer ». Les pistes qu’elles donnent visent à aménager la vie familiale pour anticiper les crises et diminuer leurs fréquences, à s’appuyer sur les forces de l’enfant pour mieux avancer ensemble en termes de socialisation, d’autonomie et d’intégration scolaire et enfin à proposer à l’enfant des situations, des activités qui sauront répondre à ses besoins et le faire progresser. Elles s’appuient sur un trio gagnant : l’humour, la créativité et le sens. Elles proposent des outils, des méthodes et partagent de nombreux témoignages. A la fin, sont indiqués des livres, des sites internet ou des associations qui peuvent être utiles aux parents.

Et pour finir, à la question complexe de l’origine de la précocité, Cécile m’a indiqué que de récentes études (dont celle-ci) menées par le docteur Olivier Revol notamment, montrent un fonctionnement spécial des connexions du cerveau, une activité cérébrale intense. Mais il reste encore beaucoup à découvrir sur ce sujet. Pour l’instant, on constate surtout un fonctionnement du cerveau différent qui engendre les particularités que l’on peut constater.

2 thoughts on “Vivre avec un enfant précoce : entretien avec Gabrielle Sebire

  1. Merci pour cet article sur un sujet pas assez traité, j’aimerais juste revenir sur le débat pathologie/chance.
    En fait selon moi, c’est une chance à la base, il est juste très difficile d’en profiter.
    Notre société n’est pas adaptée, l’école est faite pour tous et ce qui fonctionne pour tous ne fonctionne pas pour un enfant HPI. Sans traitement individuel le risque de décrochage est grand, l’enfant HPI apprend vite, trop vite, il lui faut des exercices spécifiques dans toutes les matières pour maintenir son intérêt, quand c’est le cas, c’est une chance pour lui, pour ses enseignants et pour ses camarades de classe.

      

  2. Parents de deux petits zèbres, nous comprenons parfaitement l’acceptation de la différence.
    Pour nous communication et amour ont été la clé de l’équilibre pour notre famille.
    Mais c’est vrai que c’est pas des vacances tout les jours !
    Merci pour votre article

      

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