Spécial Eté

Chronique de Fatma Bouvet de la Maisonneuve autour d’un nouveau féminisme

Pour cette 3ème chronique de la rubrique Spécial Eté, je suis heureuse d’accueillir Fatma Bouvet de la Maisonneuve, médecin psychiatre et consultante en entreprise, qui a publié récemment Le Choix des femmes chez Odile Jacob (dont j’avais parlé ). Un grand merci à elle !

De l’analyse des nouveaux troubles psychiques des femmes actives vers un nouveau féminisme
 
Depuis les récents évènements, les média ont enfin accordé de la place aux femmes et à leurs vies de tous les jours. On a découvert, ô surprise que la France était encore un pays machiste. Et de l’absence d’article sur la place des femmes, nous sommes passés à une avalanche de papiers traitant de situations le plus souvent dramatiques et graves. C’est ce qui fait lire, bien sûr ! Cependant, très vite le rythme s’est calmé et les journaux dits généralistes ont vite fait d’oublier les femmes : leurs lecteurs seraient mécontents de voir ce type d’analyses « polluer » leurs pages. Pendant quelque jours, on a ressorti  quelques féministes des placards pour les interroger sur la situation. Mais ont-elles toutes choisi les bons mots, sont-elles toutes représentatives des attentes de femmes d’aujourd’hui ?  On le sait, jamais catégorie n’a suscité autant d’ambivalence chez les femmes en proie à  leurs difficultés identitaires et nous ne parlerons pas de ce qu’elles suscitent chez certains hommes.  Dans le cadre de mes consultations pour femmes, le sujet essentiel qui pose problème est celui de la confiance à avoir en sa féminité quoi qu’il en soit. Or, les femmes d’aujourd’hui, toujours très reconnaissantes aux aînées qui leur ont permis l’accès à leurs droits, ont du mal à se reconnaître dans les discours de l’époque. L’affranchissement par le travail ne saurait, en aucun cas, être remis en cause, mais, en gagnant sur ce point, ces femmes ont l’impression d’avoir perdu sur tous les autres plans, y compris, paradoxalement, celui de la libération sexuelle. En effet, les plus jeunes ont l’impression d’avoir égaré au passage leur féminité et d’être obligées d’avoir appuyé sur le mode « Homme » pour réussir. Parasitant au passage sans doute les repères de genre, et entraînant ainsi incompréhension, solitude et troubles psychiques. La maternité, ringardisée par les féministes traditionnelles, semble pourtant figurer parmi les priorités des femmes, mais leur solitude ne les aide pas à y accéder. C’est grâce à la rencontre avec ces femmes en souffrance souvent du fait de leur féminité que j’ai décidé d’écrire sur le nouveau féminisme, celui par le choix, celui de la fierté d’être femme. Le féminisme est un combat encore bien nécessaire puisqu’il se définit comme  » un ensemble d’idées politiques,philosophiques et sociales cherchant à promouvoir ce qu’il considère être les droits des femmes et leurs intérêts dans la société civile… Le féminisme travaille à construire de nouveaux rapports sociaux et développe des outils propres à la défense des droits des femmes et de leurs acquis « . Cette définition mentionne à quel point les chantiers sont encore vastes. Le malentendu de ce «  rejet » du féminisme par les plus jeunes semble venir du fait que les féministes traditionnelles françaises n’aient pas mené de front le combat pour la libération sexuelle avec celui pour la maternité et les tâches qui en découlent. Contrairement à leurs homologues scandinaves, qui, elles ont tout de suite inclus la notion de partage des tâches dans leurs luttes. En France, cet oubli semble s’être traduit, d’une part par un manque de considération concernant la place de l’enfant ainsi que, d’autre part, par la méconnaissance du surmenage de celles qui en ont la charge puisque la naissance n’a pas été pensée collectivement. Aujourd’hui, les Françaises considèrent la maternité comme un facteur principal d’épanouissement, sans pour autant négliger leurs ambitions de carrières. La majorité d’entre elles revendiquent leur droit à la différence tout en restant vigilantes sur le respect de l’égalité. Les messages paradoxaux qu’elles reçoivent comme « sois un homme ma fille pour ce qui concerne ta réussite professionnelle, mais surtout reste une femme pour fonder une famille »  les déstabilisent quelque peu. Si l’on rajoute à ce genre d’injonction le cumul des responsabilités qui fait qu’elles supportent les mêmes contraintes que les hommes au travail, mais avec en plus 80 % des responsabilités domestiques, la sentence est sans appel.

Cette prise de conscience brouille les critères traditionnels et le temps où la femme se valorisait  en adoptant le point de vue de l’homme est désormais derrière nous. Le droit à la différence est le seul socle sur lequel peuvent se bâtir encore de nouveaux acquis. Les femmes que je vois refusent aujourd’hui qu’on les infantilise encore en leur signifiant que leurs choix leur sont dictés par des stéréotypes culturels et sociaux qui les ont piégés. Elles connaissent parfaitement leurs intérêts, sont lucides sur leurs choix, assument leur différence avec les hommes et refusent l’uniformisation que tend à suivre la société actuelle. Oui, les conditions environnementales, sociales, politiques et culturelles ne leur sont pas toujours favorables, et nous l’avons vu. Mais acceptons que dans la majorité des cas, elles parviennent à s’en émanciper en partie, ainsi donc si elles préfèrent la médecine à l’informatique, si elles préfèrent être auprès de leurs enfants plutôt que travailler quatorze heures par jour, c’est leur choix. Et si elles suivent une autre voie, aussi. Il est fini le temps de leur donner des leçons et de leur apprendre la vie. Leurs décisions, elles en assument la responsabilité avec toute la maturité nécessaire. Il faut accepter ce fait. Définitivement.

Reste que cette posture reste cantonnée dans le cadre de l’intimité d’une consultation médicale lorsque ces femmes vont mal, ou dans celle d’une discussion amicale.

Elle ne fait hélas pas encore l’objet d’un réel débat public, alors que notre retard en matière de parité relève de l’urgence. La représentativité féminine n’est pas à la hauteur des enjeux ni des attentes. Pourtant tous, hommes comme femmes doivent s’emparer sérieusement du sujet pour une meilleure harmonisation sociale. Nous sommes entrés en période de campagne et près de 53% du corps électoral français est féminin : attention, il bouillonne  d’impatience !

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