Telle est la phrase très forte que prononce Marie Pezé, psychanalyste, dans une interview donnée à Paris Match cette semaine. Elle dirige à Nanterre le premier cabinet de consultation psychologique spécialisé dans les souffrance au travail. J’avais déjà eu l’occasion de parler de cette femme et de son livre bouleversant, « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés« . J’avais également eu la chance de l’interviewer pour le site femmes-emploi.
Le magazine Paris Match consacre donc un document sur « Le harcèlement moral dopé par la crise ». Selon le journaliste, « de méthodiques comportements sadiques sont en train de ronger le monde du travail. A tous les niveaux de la hiérarchie et dans tous les secteurs : finance, grande distribution, tourisme, fonction publique, hôpitaux ». Trois témoignages complètent le reportage. Ils sont accablants. Ils évoquent l’isolement, la marginalisation, le dénigrement systématique. Selon des spécialistes, les seniors seraient en première ligne. Plus personne ne serait à l’abri, même des cadres supérieurs, voire des membres d’équipes de direction.
Pour Marie-France Hirigoyen, auteur du best seller « Le harcèlement moral. La violence perverse au quotidien », la conjoncture économique aggraverait le phénomène. Le harcèlement moral serait stratégique, c’est-à-dire, employé de manière consciente et intentionnelle.
On se demande comment peut-on en arriver à de telles souffrances… Comment se met en place un management de la maltraitance ? Comment les conditions de travail peuvent-elles se détériorer à ce point ? Par quels mécanismes un salarié encaisse, encaisse…avant de finir par craquer (dépression, arrêt maladie, burn out, voire plus grave, comme on le sait tous).
Malheureusement, si le travail peut être facteur d’épanouissement, de construction identitaire, de reconnaissance et de valorisation, il peut aussi être aussi facteur de destruction, de violence et de souffrance psychique.
On ne parle pas là de stress, de fatigue, de surcharge temporaire de travail, situations que tout le monde connait un jour ou l’autre, mais de détresse, de situations de harcèlement, de surcharge mentale.
Marie Pezé disait : « Il n’ y pas de fatalité, il faut témoigner ».
Témoigner quand cela va bien et témoigner quand cela va mal. Avant que cela n’aille trop mal.
J’ai crée un site pour sortir de l’urgence de l’isolement dans ces situations, allez le visiter et faites le savoir, il s’agit de : http://www.alloboulotbobo.fr
Victor
Un collègue m’a déclaré ainsi, l’autre jour, avoir des preuves du harcèlement moral que son supérieur exerce sur lui. Je savais que cela ne se passait pas très bien, car il fait partie de ces collègues avec qui je discute « vraiment » de temps à autre (pour savoir comment cela va « vraiment », bref, aller un peu plus loin que les apparences), mais j’avais été loin de deviner à quel point cela allait loin, alors que nous travaillons dans le même département (25 personnes sur notre site), que 2 jours par semaine, nos bureaux sont quasi côte à côte. Cela fait froid dans le dos. La « recette » ? En partie, le repli sur soi de certaines équipes, à l’initiative du ou des supérieurs hiérarchiques. Communiquer le moins possible, soutenir aveuglément les chefs d’équipe.. Tout du moins, voici ce que je déduis de cette situation.
Anne-So
@ Victor : merci pour l’information. Pourriez-vous nous confirmer ou nous infirmer le fait que « la crise dope le harcèlement moral « ? Quelle est votre analyse de la situation au vu des retours que vous avez à travers le site dont vous êtes à l’origine ?
@ Anne-So : merci également pour ton témoignage. Les personnes en situation de grande souffrance au travail, en général, en parlent peu ou en tout cas minimisent la gravité de la situation (peur de ne pas être cru ? par honte ?…). Difficile également de réagir…que faire ? juste l’écouter ? ou l’orienter vers un professionnel ? alerter ? Ces questions là sont difficiles et délicates.
Gaëlle
Billet très juste… Même si cela est difficile (car le harcèlement est aussi lié au pouvoir et vise à l’isolement de la victime), l’essentiel est de sortir du silence… Quitte à ne pas être cru (ce qui est le cas dans 99 % des cas…) car les harceleurs effectuent un véritable travail de sappe, de manipulation, mais aussi et surtout de fausses preuves… Mais la priorité reste de ne pas cautionner, ne pas être victime, et continuer à porter ses valeurs coûte que coûte… et ainsi conserver son intégrité et sa dignité… car aucun travail ne justifie que l’on y perde sa vie… Voir sur mon blog (http://slauro.blog.pacajob.com, consacré aux risques psychosociaux et particulièrement au harcèlement moral, l’interview d’Ariane Bilheran psychologue clinicienne et Docteur en psychopathologie)…
La lumière est au bout du chemin à toutes et tous, continuez la lutte et ne vous découragez jamais face à ces vampires…
Merci Gaëlle pour ces mots…
Sylve
J’ai moi-même été le témoin impuissant de la destruction d’un individu
par une hiérarchie sadique. Le plus troublant, c’est que ce sadisme ce
n’applique qu’à certains éléments que l’on aura jugé mauvais ou
inaptes, et que ceux-là même qui en persécutent certains seront
agréables avec les autres : on se sent privilégié de n’être pas
humilié comme le collègue persécuté, et toute solidarité disparait,
par peur d’être assimilé au « looser ».
J’ai été extrêmement déstabilisée par la violence de ces
comportements, comme si nous étions en guerre et que tous les coups
étaient permis pour conserver sa place, son fameux statut. Après ma
démission, qui a été largement influencée par le spectacle quotidien de
cette mise à mort d’un collègue et aujourd’hui ami, j’ai décidé que je
ne voulais plus jouer à la guerre, et que je ne mettrai plus les pieds en
entreprise. C’est une décision radicale, surtout pour moi qui ai fait des
études qui ne destinaient qu’à ça, mais c’est la seule possible pour mon
équilibre.
Et ces idées se répandent, je ne suis pas seule à tourner le dos au
système entrepreneurial classique, beaucoup dans ma promotion sont prêts
à renoncer à une carrière tracée pour être en adéquation avec
d’autres valeurs. Je crois sincèrement qu’une autre façon de travailler
est possible, et qu’un virage est entrain de s’amorcer.
Mon amie chômeuse