Autour du travail

Interrogations sur la perte du collectif au travail



A l’heure où l’on parle beaucoup de la perte du collectif au travail (ici et par exemple avec Christophe Dejours), je voudrais revenir un peu sur la notion de solidarité au travail, qui me semble fondamentale.

Personnellement, je trouve que parmi l’un des aspects positifs que peut apporter le travail est justement ce sentiment de faire partie d’un collectif, d’une équipe. Du collectif peuvent naître des échanges, des apprentissages, des complicités, des solidarités, de l’entraide, de l’émulation, des fous rires mais aussi des coups de g…., des tensions, des jalousies, des clans… La vie, en somme !

D’ailleurs, parmi les inconvénients du travail à domicile, cette perte du collectif est (à juste titre) très souvent souligné. Lorsque l’on travaille en free-lance ou en télétravail, on effectue un travail solitaire. La personne n’est pas entourée par un collectif pour la motiver, discuter d’un projet, confronter des idées (ni pour s’agacer, se disputer, supporter les humeurs, les susceptibilités, les jalousies, non plus, bien sûr…)

Il est important de noter que lorsque l’on interroge les salariés français sur ce qui comptent pour eux au terme de qualité de vie au travail, 96% estiment que les relations entre les collègues sont importantes (cf. les sondages réalisés pour l’ANACT par le CSA). Et d’ailleurs, 90% des salariés déclarent les juger satisfaisantes (49% très satisfaisantes et 41% plutôt satisfaisantes). A noter que c’est sur cet item que le niveau de satisfaction est le plus élevé.

Certains spécialistes dénoncent les pratiques managériales basées sur l’individualisation (des compétences, des parcours professionnels, des évaluations, des rémunérations…) qui entraînent une perte du collectif, un amoindrissement de la solidarité, un isolement et une mise en concurrence dangereuse entre les salariés.

Alors, qu’en est-il du collectif ? Est-il plus fragile (fragilisé), plus mouvant, plus rare ?

Et lorsque les conditions de travail deviennent difficiles ou la situation économique tendue, les solidarités ont-elles tendance à se renforcer ou au contraire, à se distendre ? Les tensions entre les individu sont-elles exacerbées ou l’esprit collectif en sort-il grandi ?

Au passage, une remarque de Marie-France Hirigoyen lue ici (p. 22) qui me semble intéressante :

« Il est indéniable que le monde du travail a entraîné une chute du collectif. Je partage ce constat, même si j’adopte une autre voie. Il me semble que la perte du collectif et l’absence de solidarité constituent des phénomènes globaux, qui ne sont pas l’apanage des entreprises. Preuves en sont les émissions de télévision fondées sur la compétition et l’élimination. C’est pourquoi il serait vain de tenter la réintroduction de certaines valeurs, dans des lieux précis alors que toute la société est affectée ».

Qu’en pensez-vous ? Comment vivez-vous cet équilibre ou cette tension entre l’individuel et le collectif, entre l’esprit d’équipe et l’esprit de compétition, entre la solidarité entre collègues et la rivalité ?

Ce dessin est tiré de l’excellent Le monde merveilleux de l’entreprise de Voutch (Le Cherche Midi, 2009, 18,50 euros) dont j’avais parlé ici

 

4 thoughts on “Interrogations sur la perte du collectif au travail

  1. Pour ma part, l’entreprise devient schizophrène et ce à chaque strate. De l’ouvrier ou l’employé au dirigeant.

    Intervenant régulièrement dans les entreprises pour des actions de formation liées à la relation client et au management, je suis toujours étonné de la réaction des participants.

    Prenons le cas de cadres du middle management. Ils dirigent et sont dirigés.
    En fonction des mises en situation que nous leur demandons de réaliser, ils ont des comportements et des réflexions différentes voire opposées suivant qu’on leur demande de se mettre dans la peau
    d’un manager ou d’un collaborateur. Rôles qu’ils ont à tenir au quotidien.

    L’exemple le plus flagrant est la mise en situation sur le savoir dire non tant aux collaborateurs qu’au manager. Dans ce cadre, ils nous rapportent qu’ils ne peuvent dire non au manager alors que
    leur direction a bien acheté le programme de formation qui inclut cette séquence pédagogique.

    Une participante d’origine asiatique nous disait qu’avec sa culture, elle ne pouvait dire non. Toutefois, devant les bénéfices qu’elle avait observé lors des mises en situation, elle s’essaierait à
    le faire d’abord avec son mari. J’ai pris cette exemple, non pour stigmatiser une culture mais plutôt pour mettre en lumière un choix individuel au nom d’une norme collective que personne ne
    souhaite.

    Evidemment, je ne suis pas à ce point naîf pour ne pas savoir que dans certaines sociétés, il s’agit d’une volonté délibérée. Toutefois, dès lors que nous avons une approche pragmatique orientée
    sur les résultats économiques de la performance attendue, chaque interlocuteur (indépendamment de sa place dans l’organisation) adhère à une plus grande liberté d’expression et une meilleure
    cohésion d’équipe.

    Le télétravailleur tout comme le demandeur d’emploi peut perdre en lien social, il n’appartient qu’à lui de mettre en place des solutions pour ne pas s’isoler. Des associations aux réunions
    participatives, les solutions ne manquent pour qui souhaite intégrer un « collectif » pour mieux réussir à mieux vivre.

    Qu’en dites-vous ?

      

  2. @ Sebastien : merci pour ce retour d’expérience très intéressant sur la schizophrénie ambiante au sein des (grandes) entreprises.  

    Concernant le lien social du télétravailleur ou du free-lance, il existe effectivement des collectifs, des réseaux très utiles pour amoindrir son isolement social, mais ce n’est pas pareil que de
    faire partie d’une équipe qui travaille dans la même direction, sur les mêmes projets. Enfin là, c’est mon expérience personnelle qui parle.

      

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