Reprise des témoignages autour de la conciliation vie perso / vie pro avec Raphaël, 44 ans, professeur dans l’enseignement supérieur, chroniqueur de radio, marié et père de 3 ans. Un grand merci à lui pour sa confiance ! J’ai toujours plus de mal à convaincre les hommes que les femmes à s’exprimer sur ce sujet.. pourtant ils ont des choses très intéressantes à dire eux aussi 😉
Peux-tu retracer en quelques mots ton parcours professionnel et personnel ?
J’ai passé un bac économique et social puis j’ai fait de l’anglais. A la suite de quoi j’ai pu entrer à l’IEP de Paris où je me suis mis à faire des sciences sociales à haute dose en enchainant avec l’agrégation de sciences sociales. Je suis devenu enseignant, dans le secondaire d’abord, invité dans le supérieur maintenant. Parallèlement j’ai fait dans les diverses villes où j’ai vécu – et ça depuis tout jeune – de la radio, dans différentes stations (commerciales ou associatives, en réseau ou pas). Et je réalise une vingtaine d’enquêtes par an pour un site d’info local à l’écrit. Dans ma vie privée je suis marié depuis 17 ans et nous avons trois enfants dont deux ont quitté l’enfance et une petite dernière à laquelle je m’accroche comme à une bouée 😉
Actuellement es-tu plutôt satisfait ou insatisfait de la façon dont tu concilies vie perso et vie pro ? Peux-tu expliquer pourquoi ?
C’est une question difficile. Car au sein de chacune de ces sphères que vous séparez (vie perso et vie pro) il existe encore des conciliations à faire. Ma vie professionnelle par exemple est censée se partager entre l’enseignement, le journalisme (en fait c’est la partie de vulgarisation ou de « recherche appliquée » pour parler comme les sciences dures) et la recherche. Et ces conciliations sont déjà difficiles à faire. Un enseignant dans le supérieur n’a très peu d’heures de travail vraiment imposées par rapport à un Cadre de même niveau scolaire (les heures de cours peuvent ne prendre que 6 heures dans la semaine – en fait c’est très variable suivant les statuts et les décharges). Une fois cela effectué, il s’agit de concilier des activités chronophages mais pourvues d’exigences diverses. Les questions administratives qu’un enseignant n’est pas censé faire mais qui ont un retentissement assez immédiat s’il ne les fait pas (les étudiants ne peuvent obtenir une camera vidéo pour un exercice, il faut donc faire une lettre auprès du service concerné pour qu’elle leur soit prêté) ou de la recherche (qu’il est censé faire, mais il ne se passera pas grand-chose s’il ne fait rien cette année ou l’année suivante). Donc la question de la conciliation au sein de la sphère professionnelle est permanente. Pour ce qui est de l’équilibre pro/perso, d’une façon générale pour moi la famille est prioritaire sauf si un événement pro est classé « haut » en importance (une interview obtenue après des mois de relance) et que l’événement conflictuel dans la sphère perso est classé « bas » (assister à une réunion parent/prof de la classe de mon fils)
As-tu eu l’impression au cours de ton parcours de faire des concessions soit dans la sphère perso soit dans la sphère pro ? si oui, en regrettes-tu certaines ?
Je suppose que j’ai dû faire des milliers de concessions au cours de mon parcours puisque chaque semaine j’en croise quelques-unes. Mais je crois que le nombre a tendance à diminuer avec les années et les enfants grandissants. Si je regrette quelque chose c’est plutôt de n’avoir pas toujours bien réussi à être uniquement concentré sur les événements familiaux quand j’étais en famille et professionnels quand j’étais au travail.
Dans cette conciliation vie perso / vie pro qu’est-ce qui te semble le plus compliqué ? (l’organisation, le manque de temps, de disponibilité, ou autre chose)
La difficulté c’est la fatigue. En vieillissant on devient plus lent pour tout. Pour sa vie professionnelle et pour sa vie privée. La conciliation me parait plutôt plus facile qu’il y a quelques années, en revanche le fait de réussir à être efficace dans les deux domaines me parait plus difficile que dans le passé.
Que représente ton métier et plus généralement la vie professionnelle ? Est-ce que cela a évolué au cours des années ?
C’est difficile de se souvenir de ce que représentait mon métier au tout début. Depuis il a beaucoup changé et de nouvelles tâches se sont ajoutées même si formellement il y a encore beaucoup d’enseignement. Mais je pense que je n’ai jamais trop pensé que j’allais avoir beaucoup de chance de me réaliser dans le travail quand je faisais mes études, car ce qui m’attirait dans la vie était souvent lié avec la pratique des sciences de la nature alors que j’étais nul en science et en math. Donc je pense que j’ai choisi une vie professionnelle qui me laisse du temps pour faire autre chose (ou plus basiquement pour ne rien faire du tout). Avec le temps je pense que le fait de faire bien son travail est devenu plus important car mes enfants ont grandi et ils ont eu moins besoin de moi en termes d’assistance dans la vie de tous les jours.
La conciliation pro / perso, le partage des tâches, est-ce un sujet dont tu discutes régulièrement avec ta conjointe ? Est-ce que cela donne parfois lieu à des désaccords, voire à des “conflits” ? Comment parvenez-vous à un compromis / consensus ?
Ah non je ne pense pas que nous en discutions beaucoup. Ma femme a un emploi de cadre en CDI dans une grosse entreprise. Quelque chose de classique, d’assez stable. Elle gagne mieux sa vie que moi, mais elle travaille plus (en tout cas elle est plus souvent au travail que moi). Je fais plus de choses pour la gestion matérielle de la vie familiale (les courses, le ménage, les réparations, la gestion administrative de la famille). Mais elle s’occupe autant que moi des enfants. Il n’y a pas de discussion de ce point de vue-là.
Concernant l’éducation des enfants, quels sont les points sur lesquels tu es particulièrement attentif / vigilant ? Quelles valeurs souhaites-tu leur transmettre ? As-tu là encore l’impression de changer, d’évoluer sur certains points ? Qu’est-ce que tu trouves le plus gratifiant, le plus “ingrat” ?
Je pense que je n’avais pas d’idées très claires sur ce que je voulais transmettre. Mais il est certain que je n’avais pas non plus anticipé la puissance de la concurrence des écrans divers et variés par rapport à mon message à moi. J’étais très préparé à ne pas laisser la télévision entrer dans leur vie, et ça j’ai bien réussi. Mais les autres écrans sont parvenus à contourner mon pare-feu paternel. J’ai passé pas mal de temps à leur lire des histoires mais je n’ai pas tellement réussi à leur communiquer le virus de la lecture. Il est vrai qu’il est un peu passé chez moi aussi avec les années. J’essaye de lutter contre le consumérisme en insistant sur la nécessité de garder les objets le plus longtemps possible, apprendre à résister à l’envie d’acheter par réflexe etc.
Aujourd’hui l’importance de la direction professionnelle vers laquelle s’orienter devient plus prégnante. J’essaie de ne pas valoriser mon mode de vie professionnel ou celui de ma femme. J’essaie d’attirer leur attention sur le fait qu’il y a mille autres métiers que les miens ou celui de ma femme pour eux. Je ne serai pas déçu qu’ils deviennent enseignant ou journaliste, mais je serais quand même inquiet si c’était le cas en pensant que je n’ai pas su leur montrer qu’il y avait d’autres choix possibles.
J’ai sans doute changé vis-à-vis d’eux mais je ne réussirai jamais à changer autant qu’eux-mêmes changent. C’est effrayant, je ne m’y attendais pas du tout. J’espère que ça va s’arrêter…
Parviens-tu à t’offrir des moments rien que pour toi ? Et pour ton couple ? Est-ce important pour toi ?
Oui il y a plein de moment juste pour moi : quand je demande qui veut m’aider à mettre la table, ou alors quand je me brosse les dents. Sérieusement, c’est assez irrégulier dans l’année. Mais c’est toujours possible car nous autres enseignants nous avons plus de vacances en été que les autres. Mais ce qui est important est de savoir exactement ce que l’on veut faire de ces moments pour soi, et ce n’est pas toujours facile. On ne peut pas passer son temps à s’interroger sur quels sont ses vrais désirs dans la vie.
Comment te projettes tu d’ici quelques années ?
Je ne crois pas qu’il soit souhaitable de se projeter dans l’avenir car ce que je considérais comme un avenir aussi éloigné que nous le sommes d’alpha du centaure s’est rapproché à une vitesse terrible de mon présent (par exemple le fait que mon bébé numéro 1 passe le bac cette année !)
Et si tu souhaites rajouter un petit mot, tu es le bienvenu !
Il faut que je finisse une plaquette de présentation pour un séminaire et que je fasse réviser la guerre de 14-18 à ma fille de 13 ans.
photo d’illustration
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