Autour du travail Lu pour vous

Le culte de l’urgence. La société malade du temps

41Uem4hStHL__« Le culte de l’urgence » (sous titré : la société malade du temps) de Nicole Aubert fait partie de ces essais qui vous donnent l’impression d’être plus intelligent une fois que vous l’avez lu ;-). Je vous en avais parlé rapidement lors d’une de mes revues de presse et de blogs mais je trouve qu’il mérite que l’on prenne le temps de s’y intéresser.

Selon Nicole Aubert, nos sociétés occidentales vivent une mutation radicale dans leur rapport à temps. Les deux nouvelles mesures du temps sont désormais l’urgence et l’instantanéité, en raison de la mondialisation économique et financière et du développement des nouvelles technologies. Ensuite, elle montre que l’individu face à ce culte de l’urgence oscille entre jouissance et épuisement. Dans une troisième partie, Nicole Aubert évoque le retour du refoulé, l’urgence, les crises et les catastrophes, indicateurs de l’effondrement brutal du culte de l’urgence et de la vitesse. Dans une quatrième partie, elle se demande si l’homme hypermoderne est un homme sans avenir, qui aurait remplacé la quête d’éternité par la quête d’instantanéité.

Urgence et instantanéité : les nouvelles mesures du temps. La logique du marché, la mondialisation de l’économie et la révolution de l’instantanéité rendue possible par les technologies de la communication expliquent le règne de l’urgence et l’obligation de réagir « dans l’instant ». Dans certaines entreprises, le temps est de plus en plus comprimé, manipulé, densifié et marqué par l’urgence. La compétition économique a basculé dans le champ du temps (et non plus seulement de l’espace). Il faut être plus rapide, plus réactif que les autres, en gagnant du temps…Le temps constitue un avantage concurrentiel décisif, l’action est survalorisée.

Les systèmes d’organisation (flux tendu, juste à temps) mais aussi les méthodes de management (management par objectifs) peuvent amplifier ce sentiment d’urgence.

Sur le plan individuel, cela se traduit par des individus qui veulent triompher du temps, en être maîtres. Or, les nouvelles technologies permettent de pouvoir réaliser ses désirs sans plus attendre, de jongler avec le temps, d’être joignable partout et tout le temps. Internet incarne la victoire de la technologie sur les limites du temps et de l’espace. Cela donne le sentiment de pouvoir rentabiliser le temps au maximum et de pouvoir le dominer. L’homme devient prisonnier du temps réel, avec l’exigence de réagir immédiatement.

L’homme à flux tendu : on se sent obligé de travailler dans l’urgence quelle que soit l’importance réelle des problèmes. Cette capacité à faire le tri entre urgent, important, pas important, délégable et à dégager du temps pour le stratégique et le ressourcement personnel semble de plus en plus mise à mal par le contexte économique. On assiste à l’émergence de fausses priorités, d’urgences non importantes, l’accessoire finissant souvent par recouvrir l’essentiel,

L’activité permanente, l’urgence succédant à l’urgence deviennent des gages de réussite, de vie bien remplie, d’une carrière réussie, seules preuves de l’accomplissement de soi dans un monde où les références à un au-delà ont disparu.

Tout se passe ici et maintenant dans le seul présent, un présent que l’homme contemporain sacralise et absolutise, ce qui explique et justifie la logique de l’urgence.

Le vécu de l’urgence : entre jouissance et épuisement

Nicole Aubert indique que certains individus sont « shootés à l’urgence », comme si l’urgence servait d’amphétamine. Ils ressentent l’ivresse de l’urgence et la jouissance de l’instant, une impression de toute puissance. L’urgence stimule, incite à donner le maximum de soi-même et à se surpasser sans cesse.

« La gestion de l’urgence entraîne une montée de l’adrénaline que je trouve agréable » indique une femme dirigeante qu’elle a interviewée.

L’auteur estime que le problème est globalement plus aigu pour les femmes car l’intensité de leur effort se déroule sur deux fronts en même temps, ce qui est loin d’être le cas pour la grande majorité des hommes. « Confrontées à une pression domestique qui se télescope avec les exigences de leur vie professionnelle, les femmes plus que les hommes vivent dans la tension permanente de ces temporalités contradictoires ». La volonté de beaucoup de femmes d’assumer la plénitude de leurs potentialités, donc de ne rien lâcher, ne fait qu’accroître le phénomène.

Elle évoque ensuite les pathologies de l’urgence : la dépression, la corrosion du caractère, le burn out, les désordres psycho somatiques, les désajustements temporels.

La personne n’arrive plus à « tenir » dans le temps face aux pressions qu’elle subit ou aux délais impartis trop serrés.

Elle définit la dépression par le sentiment que l’on n’est plus maître de ce qu’on fait, avec un sentiment d’impuissance,  de manque de perspective, de perte de contrôle et d’impossibilité de se fixer des idéaux. « La dépression est une tragédie de l’insuffisance ». Face à la multiplicité des possibles et à l’impossibilité de tous les réaliser, l’individu ressent le sentiment de ne jamais pouvoir en faire assez et de ne pas être à la hauteur, mais aussi celui de devoir courir sans cesse sans maîtriser le temps ou sans parvenir à produire un travail ou une œuvre chargée de sens.

Face à l’accroissement de la pression à la performance, l’homme est pressé, pressuré, compressé. La réaction à cette pression peut être la dé-pression. Elle évoque également le syndrome d’épuisement ou burn out.

Face à cette pression de l’urgence, l’entreprise peut avoir tendance à économiser sur les temps non directement productifs du salarié (formation par exemple) et à favoriser les actions avec une visée uniquement immédiate et « rentabiliste ». Mais ceci est dommageable pour tout le monde (destruction du lien social, disparition des collectifs de travail et démotivation).

Retour du refoulé, : urgence, crises et catastrophes

D’autre part, à force d’aller vite, on rate des choses et on peut commettre des erreurs.

« Pris dans les méandres des rythmes organisationnels et dans des flux d’activité quasi irréversibles, l’homme n’a plus la possibilité de rattrapages des aléas ». De l’erreur à la crise, le scénario se déroule sans lui. « La logique implacable du temps revient alors comme pour lui rappeler qu’un système qui ne respire plus ne peut que dégénérer et mourir ».

A force de chercher à domestiquer, posséder, comprimer, accélérer le temps, bref le soumettre au rythme d’une volonté de rentabilisation maximum individuelle ou collective, le temps parfois fait son retour dans la vie des individus ou des systèmes sous forme d’une irruption brutale, selon une logique qui n’appartient qu’à lui. Nicole Aubert décortique différentes crises (catastrophe ferroviaire, accident majeur dans la production électrique nucléaire…) de façon très intéressante. Lorsque la complexité du fonctionnement technologique jointe aux exigences de rentabilité n’a pas permis de donner du temps au temps ou plus précisément n’a pas laissé sa place au temps humain de la réflexion et de la solution créative, le temps peut alors rappeler brutalement ses exigences et ses contraintes en faisant exploser des systèmes ou des organisations,

Au niveau indiviuel, elle rappelle ces implosions parfois silencieuses qui touchent de plus en plus de personnes.

Individu moderne : un homme sans avenir ?

Faire de plus en plus de choses dans une même unité de temps s’avère souvent le seul moyen que l’homme ait trouver pour se donner le sentiment de remplir son temps, de vivre de pleins et non de vides, pour donner un certain sens à son existence.

Le présent serait devenu son propre horizon, un présent sans passé ni futur, presque au jour le jour ou ne générant que le passé ou le futur dont il aurait quotidiennement besoin. L’homme moderne serait centré sur le présent immédiat, l’homme-présent vit au jour le jour.

A travers différents témoignages qu’elle a pu recueillir, elle estime que le temps est perçu comme une denrée rare et précieuse, soumise aux lois de la valeur d’échange. Le temps « hors travail » se retrouve contaminé par la conception du temps au travail : le seul temps valorisé est celui de l’activité, tous les autres sont perdus ou morts (surtout ne pas avoir l’impression de « perdre son temps »). « La notion de rythme est important, l’individu est en quelque sorte obligé de formater sa temporalité intérieure sur celle du travail, de l’urgence (surtout ne pas perdre de temps sur un escalier roulant, ou à regarder l’eau des pates bouillir, etc.)

D’autre part, le travail apparaît comme la valeur absolue : mais il ne s’agit pas d’un travail qui aurait telle ou telle finalité, porteuse de telle ou telle valeur mais d’un travail qui est LA valeur en soi. Cela ne veut pas dire que l’homme ne s’intéresse pas à ce qu’il fait mais simplement que cela n’implique pour lui aucune dimension sentimentale ou idéologique et n’est investi que d’une valeur relative, celle d’employer au mieux ses capacités ou compétences. D’où l’opportunisme de certains : ils n’hésiteront pas à partir ailleurs s’ils trouvent mieux ailleurs.

L’individu moderne serait dominé par le besoin de satisfaction immédiate, intolérant à la frustration, exigeant tout et  tout de suite, dans un contexte où la satisfaction d’un tel besoin est rendue possible par l’hyperchoix permanent de la société de consommation  mais aussi par la quasi instantanéité avec laquelle le moindre désir peut être satisfait. Il est un homme-instant, incapable de s’inscrire dans le moindre projet  ni une quelconque continuité de soi.

On est passé d’un temps long au temps court : « entre un passé dissous et un futur effacé, c’est la règle de l’instant ». La vie s’éphémérise et se rentabilise. L’éphémère a fait son apparition au sein de l’institution familiale (temps conjugal versus temps de la filiation).

Les individus, les sentiments, les activités, les croyances sont soumis aux mêmes critères d’efficacité et de rapidité que les objectifs ou activités marchandes. Avec des risques de conduites à risque (alcoolémie, boulimie, toxicomanie).

« Nous sommes passés du salut à la fin des temps au mieux-être ici et maintenant, de la recherche du temps perdu à l’hédonisme de l’instant. Un plaisir de l’instant qui ne veut rien savoir de l’avant ou de l’après et qui trouve dans sa propre intensité son unique justification ». Selon elle, l’évolution de la littérature traduit bien ce changement (de Proust à Delerm). Nous sommes passés de la quête d’éternité à la quête d’intensité de soi.

Conclusion

L’individu s’efforce de nier le temps : par l’urgence, en traitant le plus de choses possibles dans le moins de temps possible il pense triompher du temps  et par l’instantanéité, il pense abolir le temps. Mais si l’urgence le submerge, il se retrouve englué dans le temps, vaincu par le temps.

L’urgence peut être libératrice, prétexte à la créativité, à la spontanéité, à l’imagination et à l’improvisation. Elle permet la flexibilité de la pensée et non la rigidité. Mais l’individu peut aussi être pulvérisé par la vitesse, avec l’impossibilité de trouver son propre rythme.

Simultanément, nous sommes de plus en plus intolérants à la frustration : attendre nous angoisse, nos désirs doivent être satisfaits à tout instant, en tout lieu.

Le principal sujet de plainte est : « Je suis submergé. » Simultanément, la perspective du temps inemployé nous angoisse. N’est-ce pas paradoxal ? Non, car cette société exige sans cesse de nous des performances. Nous devons nous accomplir, et ce sur tous les plans : professionnel, personnel, amoureux, conjugal, familial. Comme si notre mission sur cette terre était de nous construire au maximum de nos potentialités. Aussi le temps libre est-il de plus en plus pensé sur le modèle du temps de travail. Le voyageur ne visite plus le Sénégal ou le Maroc, il « fait » le Sénégal ou le Maroc. Il inscrit ces pays à son tableau de chasse.

Nos existences se justifient essentiellement par notre capacité à « faire », et à faire de plus en plus vite, car « plus j’agis, plus je vaux ». Il ne s’agit plus seulement d’avoir du temps pour soi, il s’agit d’être le maître du temps, à l’égal de Dieu. Nous avons si bien intégré cette façon de vivre que nous sommes aujourd’hui devenus des tyrans pour nous-mêmes.

Face à cette logique de l’urgence, Nicole Aubert en appelle à une « reconquête de soi », et invite à ne pas se laisser déposséder de sa propre temporalité et de ses propres rythmes et à « réintroduire l’épaisseur du temps de la maturation, de la réflexion et de la méditation là où le heurt de l’immédiat et de l’urgence oblige à réagir trop souvent sous le mode de l’impulsion » (elle reprend les mots de Francis Jauréguiberry dans son livre Les branchés du portable).

Conclusion personnelle : un essai vraiment passionnant, résumé de façon forcément incomplète, et que je vous invite vivement à lire.

Et vous, face à cette pression de l’urgence et de l’instantanéité, êtes-vous plutôt dans le plaisir ou dans l’épuisement ?

14 thoughts on “Le culte de l’urgence. La société malade du temps

  1. Je suis contente que cette suggestion de lecture t’ait autant plu. Paru il y a 10 ans, dans ce contexte de temps si rapide, il pourrait être un peu dépassé déjà, mais ne l’est pas tant que ça. Je l’ai lu il y a 7 ou 8 ans je crois, et j’ai senti, depuis, une certaine évolution vers la quête de sens dans notre société (éthique, durable), un début de réaction à ces alertes, à ces analyses (nombreuses publications sur le burn-out, par exemple), et c’est un bon signe.

      

  2. Merci pour cet article passionnant qui donne envie de se pencher sur le livre de Nicole Aubert. On comprend mieux certains mécanisme sociaux comme aller toujours plus vite, doubler en voiture, inscrire ses gamins à de nouvelles activités les mercredis, tenter la zumba, le yoga et le krav maga dans la même année… Tout ça, pour moi, reflète l’éternel divertissement pascalien « occupez-moi tout de suite pour que je n’aie plus le temps de réfléchir à ma condition humaine misérable ».

      

  3. Article très intéressant. Je travaille dans une société que l’on dit très « agile », « réactive » et en mode crise permanent. C’est effectivement très grisant car même a un niveau relativement bas dans la hiérarchie, on peut faire des choses vraiment passionnantes. Le revers de la médaille c’est qu’a force d’être en mode crise, on ne prend plus le temps de se poser, de réfléchir, d’investir. Je passe pour un moine bouddhiste quand je prends du recul sur ma charge de travail et dit que tout arrivera, quoique je fasse.

    Un autre point qui me choque souvent quand je lis des témoignages de femmes et qui rejoint cet article est la connectivité permanente. Les femmes disent souvent qu’elles partent certes a 18h mais qu’elles se reconnectent a la maison pour finir leur travail. Pourquoi? J’ai beau aimer mon boulot, j’aime aussi ma famille et je n’ai pas envie de passer mes soirées et weekend sur mon pc. Mon mari non plus d’ailleurs. Je fais bien mon travail dans la journée donc je compte bien profiter de mes soirées.

      

  4. Gaëlle,

    Voilà que depuis le début de la semaine je lis cet ouvrage, je vous contact au sujet de la gestion du temps dans la même semaine et je tombe par hasard sur votre article. Quelle coïncidence !


    Pour ma part, le temps est autant lié au plaisir qu’à l’épuisement. Plaisir, car je sais m’en accorder pour profiter pleinement de la vie et le consacrer aux personnes que j’aime. Mais également épuisement car pour 100% de mon temps je puise dans 200% d’énergie ! Autant dire qu’il me faut aussi du temps pour récupérer.


    Pour rebondir sur le commentaire de Nanouak :


    Je fais partie de ces femmes qui se reconnectent à la maison. Je l’ai choisi, puisque je le fais, mais ce n’est pas par envie. Certains imprévus comme des nouvelles inattendues, des événements douloureux, des problèmes de santé… autant de facteurs environnementaux, peuvent et viennent chambouler une journée de travail.


    Quand j’ai appris le décès de mon oncle au travail, j’ai en réalité choisi d’autoriser mon entourage à m’écrire sur mon adresse mail professionnelle durant mon temps de travail. Ainsi, je pense que l’une comme l’autre nous consacrons chacune du temps à notre famille et à notre travail, mais de façon différente.


    Merci pour cet article Gaëlle, je vais de ce pas me remettre à ma lecture.


    Bon week-end à toutes et à tous !


    Visouda

      

  5. Merci Gaëlle pour cet article que j’ai dévoré ce midi sur mon smartphone. Je prends le temps de laisser un commentaire ce soir, car tu m’as vraiment décidée à lire cet ouvrage.

    J’ai vécu, dans mon dernier poste, beaucoup de choses qui sont décrites ici : ce sentiment d’urgence permanente (l’impression de n’agir qu’en mode « pompier »), le fait d’être « débordée » tout le temps (cette fois-ci, pas du tout une impression, mais une réalité : énormément de projets/opérations lancées en même temps, chaque jour une nouvelle mission plus importante que la précédente, des interruptions permanentes, etc…). Personnellement, je l’ai mal vécu, et je me suis épuisée.

    J’en profite pour répondre à nanouak, car j’ai été dans ce cas : j’étais à 80% et j’ai « compensé » en bossant souvent tard le soir, par exemple le dimanche soir de la maison, ou en faisant « nocturne » le mardi soir (avant le mercredi off pour m’occuper des enfants). Ca a été un vrai piège, car au final je faisais même plus que 100%, et à la maison aussi parce que « j’avais mon mercredi » et donc je devais faire plus de tâches ménagères ou liées aux enfants.

    Je suis tombée dans cette spirale infernale pour plusieurs raisons: j’étais chef d’équipe et mes gars bossaient énormément. En fait, autour de moi, tout le monde faisait énormément d’heures supp, et il fallait que je « suive » en terme de productivité. J’enchaînais les réunions toute la journée, et je n’avais donc plus de temps pour le travail « personnel » (mails, compte-rendus de séance, étude de dossiers….), que je faisais donc quand j’étais enfin « tranquille ». Et puis je voulais bien faire mon boulot…

    J’ai finalement réussi à négocier mon départ, et il m’a fallu pas mal de temps pour réussir à me poser, et revenir à des choses « non-productives » (écriture personnelle, yoga, lecture, méditation…), car j’avais été fortement marquée par cette mentalité, pour reprendre les mots de l’article qui conviennent à merveille : « plus j’agis, plus je vaux ». C’était exactement ça.

      

  6. Question déjà évoquée par le philosophe Sénèque : ce compte-rendu me rappelle le début du De la brièveté de la vie : « La plupart des mortels, Paulinus, se plaignent de l’avarice de la nature : elle nous fait naître, disent-ils, pour si peu de temps! ce qu’elle nous donne d’espace est si vite, si rapidement parcouru! enfin, sauf de bien rares exceptions, c’est alors qu’on s’apprête à vivre, que la vie nous abandonne. Et sur ce prétendu malheur du genre humain la multitude et le vulgaire ignorant n’ont pas été seuls à gémir : même des hommes célèbres s’en sont affligés et n’ont pu retenir leurs plaintes. De là cette exclamation du prince de la médecine : La vie est courte, l’art est long. […] Non : la nature ne nous donne pas trop peu : c’est nous qui perdons beaucoup trop. Notre existence est assez longue et largement suffisante pour l’achèvement des œuvres les plus vastes.’

      

  7. Pour répondre a Visouda, je ne voulais pas montrer du doigt les femmes qui se reconnectent le soir, loin de moi cette idée. Je le fais aussi de temps en temps en cas de pic de travail ou comme vous, quand j’ai du m’absenter de mon travail dans la journée pour amener mon fils chez le médecin. Mais j’essaye de faire en sorte que cela reste très exceptionnel.

    Je m’interrogeai plutôt sur les modèles que l’on nous donne: Pour être un mère et une travailleuse parfaite, il faut aller chercher ses enfants a 18h et se reconnecter a 20h pour continuer de travailler. Personnellement, je suis cadre, je travaille de 8h30 a 20h et je ne considère pas comme modèle a suivre le fait de devoir se connecter le soir, le weekend, ou les vacances pour « vérifier » si quelque chose d’important s’est passé sans moi. Au contraire, on ne prend plus le recul nécessaire. L »indispensabilité » est pour moi une faute professionnelle dans le sens ou s’il m’arrivait quelque chose, mon entreprise devrait pouvoir continuer a travailler sans impact majeur sur le business. Donc je documente, je communique, je partage… Apres tout dépend du métier et du contexte bien sur.

      

  8. J’invite les gens qui ont « choisi » de rester connectes a leur travail a reflechir un peu aux autres: chaque personne qui accepte de mettre autant en retrait sa vie privee condamne un peu les autres a faire de meme, meme (et surtout) quand cela n’est pas necessaire.


    Le culte de la performance, le culte de « je reste au boulot meme si ce n’est pas indispensable »… a des consequences extremement negatives sur tous les gens qui n’adherent pas a cette vision des choses.


    Typiquement, si vous abattez 15h de boulot en plus par semaine, peut-etre que votre entreprise devrait envisager d’embaucher ?.. mais bon, tant que vous tenez la pression, ca n’est pas grave n’est-ce pas ?


    Il n’est pas normal d’avoir dans la meme societe des gens qualifies qui ne trouvent pas de travail (et sont en survie dans la societe..) et des gens tres occupes qui ne trouvent pas le temps de vivre (voire meme de depenser l’argent en trop qu’ils ont gagne!). C’est souvent les memes qui vont se plaindre que « les impots les assomment »… mais comment faire autrement pour redistribuer ces revenus en trop, « kidnappes » par des gens qui n’en ont pas vraiment besoin, et qui pourraient en profiter pour vivre un peu plus.



    Posez-vous la question: preferez-vous vivre votre vie « par procuration », en laissant a de super-nounous le soin d’elever et de connaitre vos enfants, en oubliant le plaisir de faire les choses soit-meme, comme un peu de cuisine, ou discuter avec un commercant au marche ? Ce temps est precieux, vous etes pris dans un cercle vicieux de « je bosse plus -> je gagne plus -> je depense cet argent en achetant du temps aux autres »….

      

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