Quel beau sujet de philo nos bacheliers de la série ES ont eu à traiter ce matin ! Ceux de la série L n’ont pas été en reste avec ce sujet « Que gagne-t-on en travaillant ? ».
Je me suis « amusée » à revenir quelques (!) années en arrière pour tenter de répondre au premier sujet.
Je n’ai pas planché pendant 4 heures mais je me suis fixée 30 minutes de réflexion !
Alors..d’abord essayons de définir les termes, avant de bâtir un plan !
Etre utile, qu’est-ce que cela veut dire ? Est utile, ce qui sert à quelque chose ou à quelqu’un. Utile pour qui ? Pour soi, pour les autres, pour la collectivité, pour la société ?
Et travailler ? Qu’entend par travailler ? Est-ce seulement le travail rémunéré ? Ou toute tâche réalisée ? (et dans ce cas, cela inclut le bénévolat, le « travail » domestique ou parental par exemple…?)
Pourquoi la question n’est-elle pas « Travailler, est-ce seulement utile ? ». Pourquoi a-t-on ajouter le verbe « être » ? (hein, pourquoi ????). Est-ce que cela est important ? (je cogite, je cogite…donc je suis !)
Bref. Comme dirait une émission hautement philosophique ;-).
Je pense que j’aurais construit ma dissertation de la façon suivante : Travailler est utile, mais pas toujours et pas seulement. (très classique, je sais !)
Travailler est une activité utile à la fois pour soi et pour la société. Utile pour les autres car on produit quelque chose pour la société (un bien, un service, une connaissance…). Et utile pour soi car on gagne quelque chose en échange de cette production (une rémunération, de la reconnaissance, des compétences, de l’expérience, etc.).
Il y a donc bien une notion d’utilité dans le travail. Mais…
Est-ce que travailler peut-être inutile ? Oui, dans certaines situations absurdes, contre-productives, aliénantes (cf. Marx). Exemples : euh….lorsque le travail réalisé détruit quelque chose d’utile (ressources naturelles).
Mais on peut également dire que travailler est un besoin, une nécessité. (Ouh là, là, le temps passe et je piétine un peu moi !!!!). Le travail est nécessaire pour gagner de l’argent et donc pour pouvoir vivre (manger, avoir un toit, etc.). On peut aussi travailler pour répondre à des besoins secondaires (cf. pyramide des besoins de Maslow, bateau, certes, mais toujours utile) sans que ce que l’on produise soit réellement utile.
Comment définir ce travail alors ? Il peut ne pas avoir d’utilité concrète, de valeur marchande mais avoir toutefois de la valeur (exemple : travail artistique, pas forcément dans le circuit marchand).
Je rappelle que ce billet est rédigé en direct, soyez indulgents !
Peut-être ensuite aurais-je élargi sur la crise de la valeur travail. Évoquer le sentiment d’inutilité que ressentent certaines personnes qui ne perçoivent plus le sens de ce qu’elles font, de leur travail, des objectifs qu’on leur assigne. Alors là, je pourrais citer Dominique Méda, Yves Clot (avec la « qualité empêchée »), Marie Pezé (pas vraiment des philosophes, je vous l’accorde !).
Bon, les 30 minutes se sont écoulées.
Conclusion : qu’est-ce que c’est dur ! (heureusement que je n’ai pas à repasser mon bac).
Et vous ? Cela vous inspire-t-il ? 😉
Pour ceux et celles que cela amuse, voici quelques liens avec des « corrigés » ou en tout cas, des pistes données par des profs de philo pour traiter ce sujet :
– http://www.europe1.fr/France/Bac-de-philo-le-debrief-des-sujets-en-ES-1134357/
– http://www.atlantico.fr/decryptage/travailler-seulement-utile-philosophe-planche-bac-philo-bertrand-vergely-393877.html
– http://www.letudiant.fr/examen/baccalaureat/bac-es/corriges-et-sujets-du-bac-es/corrige-du-bac-es-le-sujet-de-philosophie-sujet-2.html
Gaëlle
En entendant les sujets hier matin, je me suis fait la même réflexion « heureusement que je n’ai pas à repasser mon bac ! ». Cela dit, je pense ça chaque année 😉
Mais moi je n’ai même pas eu le courage d’essayer d’y réfléchir, alors bravo ! Et puis je trouve ton plan tout à fait logique, il se déroule bien, et répond à la question (il me semble hein, parce que j’ai jamais eu de super notes en philo !). Pas mal en 30 minutes 😉
Agathe
@ Agathe : merci pour tes encouragements ! Cela m’a amusée d’essayer de me creuser un peu les méninges, même si j’aurais été bien incapable de développer pendant 4 heures mon brouillon :-). J’admire le monsieur de 87 ans qui a décidé de passer son bac cette année…!
Gaëlle
Bravo Gaëlle de te pencher sur les sujets de philo du bac!!! Je n’aurais pas fait mieux en 30 minutes! Et moi aussi je suis bien contente que ce soit loin derrière moi tout ça!
Christelle
Aude s’est prise au jeu pendant 1/2 heure aussi et voici sa copie (qu’elle m’a transmise via FB)
« Le travail, est-ce seulement être utile ?
Question très axée, qui pose comme postulat que le travail donne quoiqu’il arrive un sentiment d’utilité au travailleur. Tout le reste, on ne sait pas, et c’est l’objet de la question, mais être utile, ça oui, pas de doute possible…
Considérer le travail d’emblée comme utile c’est occulter l’Histoire de ce mot et le sens qui lui a été imputé au fil du temps. Passons rapidement sur l’association du travail et de la douleur dont la culture occidentale est pétrie, et ce depuis qu’Adam et Eve ont commis le pêché originel et ont été punis respectivement à « produire son pain à la sueur de son front » et à « enfanter dans la douleur ».
« Tripalium » est à l’origine du terme travail. Le tripalium était un instrument utilisé pour les soins sur les animaux dans les fermes, permettant de les immobiliser, détourné de son usage on a, grâce à lui, fait subir les pires tortures aux êtres humains, mais ça c’était avant le moyen-âge. Cependant, jusqu’au 12-13ème siècle, l’ancien français applique le terme « travail » aux suppliciés, aux agonisants et aux parturiantes. La douleur est bien un élément constitutif du sens du travail.
Petite digression pour un complément de réflexion : la médecine moderne ne considère plus comme indispensable ou une fatalité le fait de passer par d’intenses douleurs pour guérir, là où il était admis, encore à la moitié du 20ème siècle, que cette même douleur pouvait être « utile » : punitive, rédemptrice…
Bref (comme disait Pépin) considérer que travailler et donc d’une certaine manière être en souffrance, c’est utile, ne revient-il pas à avoir une vision bien pessimiste, voire masochiste de l’existence ?
Avant de savoir si le travail peut être utile et définir pour qui, pour quoi, s’il y a des conditions et des circonstances particulières à cette utilité ; voyons si le travail n’est pas autre.
Qu’est-ce que le travail ? Pourquoi/pour quoi travailler ? Comment expliquer que le travail est, dans notre société moderne : incontournable, posé comme le seul et unique but de l’apprentissage dispensé aux individus depuis leur tout jeune âge, (sur)valorisé, et cependant difficile d’accès, inégal, précaire ?
Autrement dit quelle est la place de ce que l’on nomme « travail » dans la vie des hommes. A partir de là, nous verrons dans quelle mesure il peut signifier « être utile » pour l’individu. »
Aude
Super intéressant ces échanges !!
Je me rends compte qu’on a souvent une vision très « latine » du travail… Les anglo saxons n’y voient pas tant de contraintes et de douleur mais plutôt une façon de se réaliser pleinement et d’exprimer un talent même dans les tâches les moins valorisantes. Le travail c’est aussi, pour quelques veinards, être heureux notamment lorsqu’il s’exprime au service d’une vocation ou d’une authentique passion.
Vos réflexions Gaëlle et Aude, m’inspirent l’envie d’explorer une autre piste : qu’il y ait souffrance ou pas, le travail c’est également être « occupé ».
Une personne qui travaille est moins disponible pour son entourage, mais aussi pour réfléchir, lire, s’informer, remettre en cause ce qu’elle vit, ce qu’elle fait et l’ensemble de la société…
Ce temps pour soi et pour la réflexion est considéré comme un luxe, voire même une source de problèmes et de complications : ne dit-on pas que l’oisiveté est la mère de tous les vices ?
Ceux qui ont ce luxe en profitent rarement, culpabilisent et sont stigmatisés : les chômeurs et le retraités sont accusés de coûter cher à la collectivité (et les handicapés dont on ne parle jamais ? terrain miné ?).
On ne souligne jamais ce qu’ils peuvent apporter, développer et ce à quoi ils contribuent grâce au précieux temps dont ils disposent… On n’évoque jamais à quel point les « pauses » voulues ou subies, peuvent être révélatrices et salutaires. On redoute les vides dans les agendas, les trous dans les CV, le silence et l’ennui alors que c’est ce qui nourrit la créativité, l’imagination, la solution à bien des problèmes et la génèse d’inestimables progrès…
Et si être « oisif » c’était aussi, incontestablement, être utile ?
Merci Gaëlle pour ce petit exercice :)))
Katia