J’ai découvert que Typhaine Lebègue, docteur en sciences de gestion, professeur en entrepreneuriat et gestion des ressources humaines à l’ESCEM, Ecole de Management, avait soutenu fin 2011 en Bretagne la première thèse en France sur l’entrepreneuriat au féminin.Elle a interviewé et suivi durant 4 ans une centaine de femmes en France, au Canada et en Belgique. Elle s’est intéressée au processus de création, aux critères que les femmes retiennent pour mesurer leur réussite, aux organismes d’accompagnement (j’avais rédigé un billet sur les réseaux et dispositifs en faveur de l’entrepreneuriat au féminin en 2009), au rôle de l’Etat, aux réseaux féminins…Pour rappel, 30% des créateurs d’entreprise sont des femmes. Ce chiffre n’évolue guère depuis plusieurs années.
Voici ce que j’ai retenu (je me suis appuyée sur différentes interviews de Typhaine Lebègue pour rédiger ce billet (cf. Aller plus loin). J’ai essayé de la joindre pour solliciter une interview mais je n’ai malheureusement pas eu de retour à ce jour) :
– des motivations singulières à la création : le désir d’indépendance et d’autonomie, l’envie de s’épanouir personnellement, de « profiter » d’un licenciement pour rebondir professionnellement, de sortir d’un environnement professionnel non valorisant, voire frustrant, de contourner le plafond de verre, de créer une activité à leur image, de pouvoir mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle.
– les freins et les difficultés qu’affrontent les femmes : le manque de soutien de leur conjoint et/ou de leur entourage, l’auto-censure, lanécessité de faire du développement commercial, d’acquérir une légitimité, de communiquer avec les banques (une certaine « discrimination » bancaire dans certains cas qui se traduit par des taux d’intérêt majorés ou la demande du cautionnement de leur conjoint mais également une question de perception : si elles perçoivent qu’il y a une possibilité de discrimination, elles peuvent se mettre en position d’infériorité et ne pas réussir leur négociation bancaire), le fait qu’il y ait encore très peu de modèles féminins notamment dans les médias, la difficulté à à se constituer des réseaux ou à s’insérer dans des réseaux d’affaire, à être visibles. Elle note cependant une montée en puissance des réseaux féminins.
– les femmes créent souvent dans un secteur d’activité qui n’était pas le leur lorsqu’elles étaient salariées. Le secteur des services est massivement représenté.
– les femmes démarrent avec un capital plus faible que les hommes, souvent puisé dans leur épargne personnelle et ont moins facilement recours aux prêts bancaires afin de limiter les risques et de ne pas mettre en danger leur famille. Mais ceci peut poser problème pour le développement de leur entreprise.
– la création d’entreprise s’apparente à « une quête de sens » : les femmes veulent donner du sens à leur vie de manière générale, pour elles-mêmes et pour les autres. Elles souhaitent que la création de leur entreprise ait un impact positif sur leur environnement social. Tyhpaine Lebègue parle « d’entrepreneuriat du coeur ». Elles veulent créer dans leur domaine de créativité, elles veulent se réaliser, s’accomplir. Elles entreprennent dans ce qu’elles sont.
– pour les femmes, leurs critères de réussite ne sont pas seulement économiques et se différencient par certains aspects de ceux des hommes. « La réussite implique également de parvenir à un équilibre vie privée / vie professionnelle, ainsi que d’apporter une contribution sociétale ».
– selon Typhaine Lebègue, les femmes qu’elle a suivies n’ont jamais évoqué les enfants comme un frein. Au contraire, le fait d’avoir des enfants est un moteur, qui leur donne « un souffle dynamisant pour suivre ce rêve et continuer à avancer dans la création ». Celle-ci leur permet de mieux gérer leur vie de femme et de famille, d’accorder le temps qu’elles souhaitent à leur vie personnelle et professionnelle. L’indépendance dans leur emploi du temps et la liberté dans les horaires sont soulignées. Elles ne travaillent pas moins mais elles gèrent leur temps comme elles l’entendent.
– selon elles, s’il existe des points communs entre les créateurs et créatrices d’entreprise, il y a également « des différences notables » à prendre en compte. Elle insiste sur l’importance d’un vrai travail d’accompagnement à mener sur la durée pour aider les femmes passer le cap de la création et à réussir leur développement.
■ Aller plus loin
– Une interview parue dans Les Echos,
– Un entretien réalisé par NetPME
– Une interview réalisée par La Nouvelle République
– Un billet paru sur le blog d’Anne-Marie Rocco, Challenges
– Une vidéo parue sur Emarketing
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