Avec l’élection présidentielle qui approche, En aparté a eu envie de se pencher sur le vote des femmes. Est-il différent de celui des hommes ? Quels sont les facteurs et les critères qui influencent leur vote ? Sont-ils générationnels, professionnels, culturels, géographiques, religieux… ?
J’envisage un second billet plus particulièrement consacré à ce que proposent les principaux candidats en termes d’égalité hommes/femmes ou encore de conciliation vie privée / vie professionnelle (enfin, je vais essayer… car j’ai quitté les bancs de Sciences-Po il y a longtemps ! ).
Pour rappel, les femmes françaises ont voté pour la première fois le 29 avril 1945 pour des élections municipales (oui, cela ne fait donc pas si longtemps !).
Autre donnée importante : les femmes sont plus nombreuses à être inscrites sur les listes électorales que les hommes. Sur les 43,2 millions d’électeurs en février 2011, on comptait 52,6% de femmes (source INSEE).
Peut-on dire que les femmes votent-elles différemment des hommes ? Le genre est-il un élément différenciant ou pas ? (je vous donne tout de suite la réponse : c’est non, le genre n’est plus un critère déterminant de vote, sauf peut-être face au vote d’extrême-droite et
d’extrême-gauche). Janine Mossuz-Lavau est le référence sur ce sujet (avec Mariette Sineau). Je me suis donc plongée dans quelques-unes de ses recherches.
Pour résumer, je vais citer deux extraits d’un de ses articles récents :
– Pendant quatre décennies, les femmes et les hommes ont voté en France de manière différente, les premières soutenant plus volontiers la droite. Notamment parce que les deux électorats étaient sociologiquement assez différents. Mais de grands changements se sont produits dans la période récente.
– Chez les femmes, le fait de travailler va de pair avec une plus forte politisation et des choix plus orientés à gauche.
Dans un article plus ancien, elle écrivait : « Les effets de ces trois facteurs (éducation, travail, désaffection à l’égard de la religion) vont dans le même sens, à savoir celui d’une plus forte politisation et une orientation plus marquée à gauche. Et ces effets sont suffisamment
forts pour compenser celui de l’âge qui s’exerce lui en sens contraire ».
Sinon, voici quelques données intéressantes tirées de cette étude du Cevipof de Mariette Sineau :
– Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à être indécises plus longtemps concernant le choix de leur
candidat. Leur indécision est proportionnelle au niveau culturel (28% des femmes diplômées du supérieur, 20% chez les non diplômées se disent indécises).
– Lorsqu’on demandait aux Français et aux Françaises leur appartenance politique en 2007, les secondes étaient un peu moins
nombreuses à se situer à droite (- 4) et à gauche (- 2), ralliant plus souvent le camp des « ninistes » (+
4), qui se définissent « ni de gauche ni de droite ».
– « Si l’on analyse l’univers idéologique des électeurs des deux sexes, on pourrait considérer les femmes comme plus à gauche que les
hommes sur le plan du libéralisme culturel et du féminisme. Plus à gauche également sur le plan du libéralisme économique. Les seules questions qui les rattachent à un univers idéologique de droite, voire d’extrême droite, touchent à l’autoritarisme et à l’ethnocentrisme, qui les voient plus répressives et plus tentées par la fermeture aux autres. Enfin, les femmes sont empreintes d’un plus grand pessimisme social et économique, un peu plus défiantes aussi vis-à-vis du fonctionnement du système démocratique. Ces clivages idéologiques entre hommes et femmes vont paradoxalement de pair avec le fait qu’ils et elles votent globalement de façon très semblable ».
– Si hommes et femmes ont exprimé globalement des préférences électorales très proches, ce constat dissimule des écarts importants selon leur profil sociologique respectif. Ainsi, par exemple, les jeunes hommes votent moins à gauche que les jeunes femmes, alors que, chez les seniors, le conservatisme penche du côté des femmes (on appelle cela le gender generation gap).
– Les intentions de vote par genre divergent suivant le statut professionnel et le milieu social.
– Le facteur « travail » est une ligne de clivage important. Ainsi les femmes actives votent plutôt à gauche et les femmes au foyer ou les femmes ex-actives plutôt à droite.
Un résumé entendu sur France Inter le 8 mars dernier sur le vote des femmes : « Ce qui est frappant c’est que, s’il y a une différence entre ce que votent les femmes et ce que votent les hommes (les femmes votent un peu plus à gauche), eh bien on peut en conclure qu’il n’y a pas, qu’il n’y a plus de vote des femmes pour autant ! Comment est-ce possible ? C’est tout simple, le fait d’être une femme n’est pour quasiment rien dans le choix partisan. Ce qui différencie les genres dans leur vote, c’est simplement la condition sociale, le niveau de vie et le secteur d’activité. Une policière a autant de chance de voter à droite qu’un policier. Et cette probabilité (chez les policiers) est supérieure à celle de voter à gauche. De la même façon, une institutrice a autant de chance de voter à gauche qu’un instituteur. La proportion des femmes dans la police est faible et la proportion de femmes dans l’enseignement est élevée… vous me suivez.
Dans une même entreprise, le revenu moyen des femmes est inférieur à celui des hommes. CQFD. La différence de vote selon les sexes ne traduit plus que les inégalités sociales entre les hommes et les femmes. L’idée que les femmes votent moins aux extrêmes que les hommes s’atténue et est aussi largement liée à leur secteur d’activité. Il est donc le loin le temps où les femmes, souvent
inactives votaient plus à droite que les hommes puisqu’elles étaient plus attachées à la tradition, n’étant pas directement liées au monde du travail qui était censé être celui des luttes et du progrès ».
Et pour finir, que disent les sondages les plus récents ? :
Selon un sondage publié par LH2 le 1er avril dernier, le pourcentage de femmes ayant l’intention de voter pour François Hollande au premier tour serait quasiment équivalente à celui des hommes (29% vs 28% mais le 18 mars l’écart était plus important :
32% des femmes, 29% des hommes). Pour Nicolas Sarkozy, l’écart est un peu plus important (29% pour les femmes, 26% pour les hommes) ainsi que pour Jean-Luc Mélenchon (17% des femmes, 13% des hommes). En revanche, moins de femmes déclarent vouloir vouloir voter pour Marine Le Pen (11% pour les femmes, 15% pour les hommes). Le 18 mars, les intentions de vote pour François Bayrou étaient quasiment identiques chez les femmes que chez les hommes (13% vs 12%). Mais vu les marges d’erreur, tout cela est à prendre avec beaucoup de prudence bien sûr ! Surtout que le sondage que je cite en dessous fournit des résultats un peu différents.
Selon ce sondage Ipsos, les femmes seraient également plus nombreuses à voter pour François Hollande que les hommes (29,8% contre 24,6% pour les hommes), même chose pour Nicolas Sarkozy (31,2% vs 27,2%) et François Bayrou (10,7% vs 9%). En revanche, elles seraient moins nombreuses que les hommes à voter pour Jean-Luc Mélenchon (11,9% vs 17,4%) ou pour Marine Le Pen
(11,6% vs 17%).
Au second tour, dans le cas d’un duel Hollande/Sarkozy, parmi les inscrits certains de voter (et exprimés), 54,3% femmes indiquent vouloir voter pour Hollande mais moins que les hommes (56,3% pour Hollande) et 45,7% pour Nicolas Sarkozy, donc plus que les hommes (43,7%).
Edit 4 avril 2012, 20h50 : à écouter cette émission d’Europe 1 sur le vote des femmes avec Marie-Françoise Colombani et
Mariette Sineau.
Edit du 9 mai 2012 : suite à l’élection présidentielle, j’ai repéré deux articles qui évoquent le vote des femmes. Le premier intitulé « Vote des femmes : Hollande du bout des lèvres » a été rédigé par Anne-Marie Rocco, grand reporter à Challenges, sur son blog. Selon une étude réalisée par Mediaprism auprès de 4000 personnes le soir même de l’élection, 50,9% des femmes auraient voté pour François Hollande (52,4% pour les hommes) et 49,1% pour Nicolas Sarkozy (47,6% pour les hommes). En revanche, le CEVIPOF n’apporte pas la même information. En effet, dans ce dossier réalisé avec Le Figaro, il est indiqué que les pourcentages d’hommes et de femmes qui ont voté exactement pour les deux candidats sont les mêmes.
Ainsi donc serait révolue la blague « pourquoi les femmes ont-elles eu le droit de vote? Pour que les votes des hommes mariés compte double »…..Ouf!
Maman Crevette