Témoignages vie privée / vie pro

Conciliation vie privée / vie professionnelle : Kali témoigne

Mouillage-sauvage.JPGAujourd’hui, j’ai le plaisir d’accueillir Kali pour témoigner sur la thématique conciliation vie pro / vie perso. Kali tient un blog intitulé Au fil de l’eau que j’apprécie énormément. J’adore son ton, ses billets longs comme tout, son sens du détail, ses anecdotes, ses coups de coeur et ses coups de gueule, sa sensibilité…Je vous laisse la découvrir. Je lui ai laissé carte blanche et n’ai surtout pas voulu la brider en terme d’espace ! (elle m’a gentiment envoyé cette photo pour illustrer son témoignage, une photo qui représente ce qui fait qu’elle aime autant vivre comme elle vit. Ceux et celles qui lisent son blog savent qu’elle vit en Corse sur un bateau…. Merci à elle pour avoir accepté de faire confiance à En aparté !

Peux-tu retracer ton parcours perso et pro en quelques lignes ?

En quelques lignes ???? Déjà que pour raconter un événement banal de ma journée banale, il me faut trois pages police 10 …..

Ma vie en quelques lignes …

J’ai raté deux fois le bac parce que les garçons étaient plus intéressants que l’économie. Je suis retournée à l’école trois fois dans ma vie. A 20 ans, à 30 ans et à 40 ans pour obtenir de nouveaux diplômes. Je me suis juré qu’à partir de 50 ans, je resterai sur mes acquis. Ca m’a rendue trop dingue. Mais ça valait le coup.

Je suis une fidèle sur le plan professionnel. A part deux petits boulots respectivement de 3 ans et de 3 mois, j’ai eu deux grandes expériences professionnelles d’environ dix ans et je travaille toujours dans ma deuxième expérience.

Je me suis mariée à 19 ans pour jouer la grande dame et quitter le nid familial. Trois ans plus tard, je rencontrais celui qui allait être le père de ma fille. Sa naissance l’année de mes 27 ans fut le premier cadeau que la vie se décidait enfin à me faire.

A 29 ans, je quittais le père, puis mon travail et Paris à 30 ans parce que j’avais rencontré celui qui partage encore sa vie avec la mienne. Grace à lui, j’ai réalisé un de mes rêves de petite fille, retourner vivre sur mon île. De façon plutôt marginale à l’époque, sur un voilier. Ca m’a presque coûté la garde de ma fille mais j’ai tenu bon. Depuis, nous vivons toujours sur l’eau.

A 35 ans, j’ai prévenu Rahan que si on voulait un second enfant, c’était maintenant ou jamais. 15 jours plus tard, j’étais enceinte. Faut croire qu’il était vraiment temps. A sa naissance, Timousse nous a donné 10 ans.
De vieillesse. Et depuis, il nous en redonne 10 chaque année. Nous allons bientôt fêter nos trois siècles dans la joie et l’allégresse tellement il nous épuise. 

Que représente pour toi ton métier ? Quel est le moteur (ou les moteurs) qui te fait avancer ? Quelles valeurs associes-tu au travail ?

J’adore mon travail. Je dis toujours que comme je passe la plus grande partie de ma journée à mon travail, autant que ça se passe le mieux possible. Pour avancer, j’ai besoin qu’on me fasse confiance et que l’on croit en moi. Si tu commences à vérifier, contester ou critiquer tout ce que je fais, je suis capable de te planter et de recommencer ailleurs. Je respecte la hiérarchie sans problème, pas
l’autoritarisme. Je déteste les ambiances caméra café et ferai tout mon possible pour ne jamais travailler dans une grosse entreprise, les PME me conviennent. Je n’ai pas vraiment d’ambition, c’est la vie qui s’est chargée de m’offrir la chance que j’ai aujourd’hui. Intégrité, fidélité, conscience professionnelle. C’est en cela que je crois.  Putain j’ai l’impression de me vendre là ! Mais en même temps … si Boss pouvait tomber sur ce petit texte et penser à moi à la fin du mois ….

Par rapport à ta vie familiale, sur quels points es-tu particulièrement vigilante/attentive en terme d’éducation, de présence, d’investissement ? Comment gères-tu le passage d’une sphère à une autre ? (facilement ou pas). As-tu des petits « trucs » pour cela ?

J’ai beaucoup de mal à cerner la mère que je suis. La compagne, ça va, je vois très bien qui je suis. Mais la mère … déjà mon blog affiche la couleur. « Avant, j’avais des principes, maintenant, j’ai des enfants. » Avant, je voulais des enfants polis et bien élevés, propres sur eux, respectueux et premier de la classe, les plus beaux les plus grands et les plus géniaux. D’ailleurs, j’avais mis au monde des demi-dieux, c’était évident. Et puis les enfants grandissent et tu te rends compte que si tu as plutôt bien réussi le côté « bonjour-au-revoir-pardon-s’il-vous-plait-merci » ben t’as un peu merdé pour le reste. Je ne sais pas sur quoi je suis le plus vigilante … la confiance. Mes enfants ont toute ma confiance, ils le savent. Qu’ils ne s’amusent pas à la trahir.

Le respect peut être ? On voit ce que ça donne, avec un Timousse qui est capable de dire à son prof de venir le chercher s’il veut qu’il vienne se mettre en rang avec les autres. A vrai dire, je me suis surtout démenée (et je continue) pour leur rendre la vie la plus douce possible. Je suis un peu trop couveuse voire même fusionnelle. La qualité de nos échanges, j’y tiens beaucoup. Je ménage un
temps personnel pour mes deux enfants. Des moments dans la semaine où je passe quelques heures seule avec l’un deux. C’est épuisant, surtout après une journée de vélo ou de shopping, mais gratifiant. Leur bien être tant psychologique que matériel est l’une de mes plus grandes préoccupations.

Je suis très attentive à leurs humeurs et je leur dis souvent combien je les aime. Pas que j’ai peur qu’ils oublient cette évidence, mais j’ai besoin de le dire. J’aime le dire. On ne me l’a pas dit, jamais, lorsque j’étais petite. On ne disait pas ces choses là. Alors je me suis rattrapée avec mes enfants et aujourd’hui, je sais qu’ils ont au moins cette force en eux. L’amour, la confiance et la fierté que nous ressentons pour eux. Même quand ils me font péter un câble et que je deviens hystérique, ils ne doutent jamais de l’amour que je leur porte. Et moi qui doute toujours de tout, je n’ai jamais douté de leur amour pour moi. Et je pense que c’est un merveilleux cadeau que de vivre ça.

Vous avez pris la décision de vivre en Corse. C’est un choix en faveur d’une meilleure qualité de vie j’imagine. Est-ce que cela contribue à une meilleure conciliation vie privée / vie pro ?

Vie privée, oui. Vie pro, faut pas que déc. Quand nous avons décidé de tout plaquer pour venir vivre ici, nous savions déjà que nos salaires seraient divisés par deux. Mais nous n’avons aucun regret. C’était notre choix. C’était la qualité de vie que nous recherchions, nous l’avons trouvée. Chaque matin, je pars travailler avec la mer sur ma droite et la montagne face à moi. Je ne me lasse pas de cette
beauté. En moins d’une heure, je peux emmener mes enfants faire de la luge ou ramasser des châtaignes. Enfin Timousse surtout, parce que Boudeuse, elle s’en cogne un peu. Ou bien je me retrouve l’été dans un mouillage pratiquement désertique, loin des bruits de la ville. Les trajets sont moins importants, je passe moins de temps dans les transports et plus à faire ce que je veux.
L’arrivée d’Internet a fait tomber le dernier hic que représente une vie hors de la capitale ou des grandes villes. La vie nous est beaucoup plus douce ici, on a tout simplement la sensation de la vivre pleinement.

Alors bon, on ne vit pas au pays des Bisounours non plus.  L’inconvénient de cette petite ville, c’est que justement, c’est une petite ville. Si j’aime jouer la starlette qui ne fait pas un pas sans être reconnue, ça peut être lourd parfois. Surtout quand tu viens de se prendre la tête avec son ado, que tu sors juste pour prendre l’air et au passage, éviter un adoticide et que tu croises le cousin de la voisine de ton collègue qui veut absolument te souhaiter tous ses vœux de bonheur pour la nouvelle année …

Dans cette conciliation vie privée / vie pro, qu’est-ce qu’il te semble le plus difficile ? (Que ce soit en terme d’organisation, de temps, de mental, de disponibilité, de partage des tâches, etc. ?) Et a
contrario, le plus gratifiant, le plus positif ?

Le temps et la disponibilité, ce sont mes deux grosses bêtes noires. Mon deuxième nom, c’est culpabilité. Je suis un monstre de culpabilité, toujours insatisfaite. De moi. Les journées sont trop courtes pour tout ce que je veux faire. J’ai envie de faire au mieux tant dans mon travail que dans ma vie privée. Quand j’ai passé une mauvaise journée, je reste dix bonnes minutes dans ma voiture à respirer à fond pour me retirer mes problèmes de boulot du crâne, ma famille  n’étant pas responsable de mes états d’âmes.

Je travaille trop, je le sais. Mes enfants me manquent et les soirées sont trop courtes. J’ai la chance d’avoir mon mercredi de libre, journée qui leur est intégralement consacrée. Mais la culpabilité reste là. Parce que je travaille autant par nécessité que par plaisir. Ce qui me fait penser que je ne suis pas une bonne mère.

Je ne renie pas mes origines, je suis une fainéante sur pieds. C’est pour cela que je suis super organisée. Je suis la pro des listes, j’en fais de toutes sortes, que ce soit au boulot ou chez moi. Le vendredi soir, je prépare ma semaine de boulot sur mon agenda. Comme je rentre tard, je prépare mes menus à l’avance et les courses sont faites à partir de ces menus. Rahan assume autant que moi le quotidien ce qui ne me donne pas la sensation du c’est-moi-qui-fais-tout.

Mais cette maladie du perfectionniste organisateur a ses mauvais côtés. S’il est vrai que  je ne laisse pas beaucoup de place à ma famille, ils ont tendance à se reposer totalement sur moi. Rahan est le pro du « TU as de l’aspirine ? »ou du « Timousse a de la fièvre (et c’est tout. Et il attend.)»

J’ai la tête pleine de milliers de choses à penser, pour tout le monde. A prévoir et à planifier. Parfois, la soupape s’affole. Je n’en peux plus d’avoir à gérer l’emploi du temps de quatre personnes. J’ai l’impression de passer mes journées, mes nuits trop courtes aussi à penser, réfléchir, chercher des solutions. Alors à un moment, ça pète.

A côté de ça, cette folie de l’organisation me permet de passer du temps avec ceux que j’aime, des moments où je suis totalement disponible, à ne pas laisser la vie professionnelle prendre de la place sur ma vie privée et inversement. Ce qui me m’aide à déculpabiliser un minima. Et de m’épanouir.

Est-ce un sujet dont vous parlez régulièrement en couple ? Si oui, est-ce que cela donne parfois lieu à des (petites) tensions, des désaccords ?

Alors comment dire … parler avec Rahan, ça relève du défi. C’est un homme extraordinairement gentil et prévenant mais dialoguer ne fait pas vraiment partie de son vocabulaire. Je dis toujours que ses conversations se résument à « ah bon ? oui, non, je sais pas ». Pas facile de se lancer dans un débat philosophico-éducationniste avec lui. Voire impossible. Rahan fuit toute forme de conflit, ce
qui le réduit soit à accepter tout ce que je dis en vrac, soit à emmagasiner jusqu’à l’explosion.

Nous avons, comme tout le monde je pense, quelques désaccords.

Si je suis une accro du petit écran, je ne le supporte pas le matin ou pendant les repas. Déjà, ça tue le dialogue (même le oui-non-ah-bon-je-sais-pas) ensuite, Timousse regarde les images qui défilent tel un lobotomisé, la fourchette à mi-chemin entre l’assiette et sa bouche. Et ça m’énerve. Tous les soirs, Rahan menace que puisque-c’est-comme-ça-demain-tu-n’auras-pas-la-télé et recommence le
lendemain.

Les jeux électroniques sont gérés et interdits le soir en semaine. Quand je rentre le soir, j’entends un « maman arrive, on coupe tout ». CA VEUT DIRE QUOI CA ??? je me fais l’effet d’une empêcheuse de trucideur de cerveau.

Rahan et moi ne nous disputons pratiquement jamais. Un couac annuel à tout casser. Et pour cause, va t’engueuler, toi, contre du oui-non-ah-bon-je-sais-pas !

Nos rares désaccords ne sont jamais exprimés devant les enfants, mais je me sens parfois un peu trop seule à porter les règles d’éducation et de vie chez nous. Je n’aime pas porter ce mauvais rôle toute seule. D’autant que ça me perturbe pas mal dans mes convictions. Les rares fois où j’arrive à aborder le sujet avec lui, soit je dois me contenter de : Est-ce que j’ai raison ? (oui) est-ce que j’en fais trop ? (non) pas assez ? (je sais pas) j’en peux plus !!!! (ah bon ?), soit il le prend comme une critique injustifiée et s’immerge avec ses cousines de Bretagne, les huîtres.

Qu’aimerais-tu voir évoluer dans la société ou les entreprises pour améliorer cette conciliation ? Estimes-tu que ton entreprise est plutôt conciliante sur ce sujet ?

Alors oui, j’ai beaucoup de chance parce que Boss est assez conciliant. Mais en même temps, il m’arrive plus que rarement de m’absenter pour mes enfants. A vrai dire, je n’ai pas vraiment d’idée sur le sujet. A la base, tu te dis que tu fais des enfants pour les élever et au bout de quelques années, tu t’aperçois qu’ils ont passé plus de temps avec les nounous, les dames de la garderie et le centre aéré qu’avec toi. Il y a des postes où il est difficile d’aménager ses heures de travail en fonction de ses enfants. Parce que les responsabilités de ce poste laissent difficilement entrevoir un départ du bureau, au plus tard, à 16h00. D’un autre côté, on pourrait demander à ce que les horaires de garde soit plus adaptés aux parents qui travaillent mais …. Ton gamin, il passe parfois plus de 8
heures entre l’école, la cantine et la garderie … les journées sont déjà trop longues pour lui. Alors non, je n’ai pas vraiment d’idées sur le sujet.

Avec le recul, ferais-tu certaines choses différemment que ce soit dans ta vie pro ou perso ?

A un moment, je me suis dit que je n’aurais jamais dû avoir d’enfant avec ce …. Mais si j’avais fait différemment, ma fille ne serait pas là aujourd’hui. En réalité, je passe ma vie à me dire que j’aimerai bien revenir en arrière de quelques années avec ce que je sais aujourd’hui, pour prendre d’autres chemins. Mais j’ai regardé tellement de films sur l’effet papillon que sans vraiment croire au destin, je me dis que ce que nous sommes aujourd’hui découle de ce que nous avons fait hier. Et c’est quand même pas mal.

Dans quelques années, comment te projettes-tu ? Comment gères-tu l’articulation entre tes ambitions professionnelles et tes envies liées à ta sphère personnelle et familiale ?

J’évite de me projeter parce que sous mes airs de blonde évaporée, j’ai une angoisse de l’avenir assez névrotique. La peur de perdre nos emplois, la peur de tomber malade, la peur de mal vieillir, la peur de mourir et que Rahan se remarie et que Timousse l’appelle maman cette …. ou qu’un proche me quitte … Cela fait quelques années que j’ai cessé de me languir du passé et me préparer un avenir. Sur le plan professionnel, je suis épanouie. Sur le plan amoureux, je suis une femme heureuse. Sur le plan familial, je suis comblée. Je souhaite juste que  nous puissions un jour réaliser notre rêve, larguer les amarres pour un long voyage sur la mer. Il reste un projet dont nous parlons souvent mais notre vie actuelle n’est pas du tout dirigée par lui.
J’essaie donc autant que possible de goûter à chaque instant agréable de ma vie, en transformant un petit plaisir totalement banal en un grand moment de bonheur. Et en fait, il n’y a rien de plus facile.

Merci Kali !

3 thoughts on “Conciliation vie privée / vie professionnelle : Kali témoigne

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