Portraits de femmes

Portrait de Christelle, 40 ans, mariée, 3 enfants

IMG 6662-1Aujourd’hui, j’ai eu envie de vous présenter Christelle, 40 ans, mariée, 3 enfants. Une femme que j’ai interrogé sur son parcours et notamment sur son combat et son engagement quotidiens pour faire changer les regards sur le handicap. Un grand merci à elle ! Et à titre personnel, une grande admiration pour son énergie et sa générosité.

Peux-tu nous parler de ton parcours professionnel et personnel ?

J’ai fait des études de finances à Rennes puis j’ai suivi mon mari à Biscarrosse et là, j’ai bien galéré ! J’ai effectué des petits boulots avant de donner des cours de formation à des adultes en compta et informatique. Puis j’ai eu ma première fille. Nous sommes ensuite partis en Guyane pendant 6 ans. J’ai d’abord travaillé dans un centre de formation. Je me suis arrêtée lorsque j’ai eu mon 2ème fille. J’ai alors
préparé le concours de l’IUFM avec le CNED. Je l’ai eu et j’ai fait mon année d’IUFM à Cayenne. Mon premier poste d’instit était à Kourou en 2001. Cela s’est très bien passé. Puis nous sommes rentrés à Guingamp (Bretagne). Là, j’ai obtenu un poste de directrice d’école que j’ai adoré. Nous nous sommes ensuite installés à Brest où j’ai eu la chance d’avoir un poste dans mon école de quartier. En janvier 2007, j’étais enceinte de mon 3ème enfant et j’ai été arrêtée assez tôt. En juin 2007, notre fils Elio est né. L’accouchement s’est très mal passé. A la suite de ce que nous considérons comme une erreur médicale, Elio est né handicapé moteur cérébral. Cela n’aurait jamais dû arriver…Il a dû être réanimé car il était en état de mort apparente. Je n’ai pas tout de suite réalisé son état car je pensais qu’après le choc de la naissance, il pourrait récupérer. Mon mari était plus lucide. A Brest, un neuro-pédiatre nous dit son inquiétude mais n’a pas posé le diagnostic de « lésions cérébrales » ou prononcé le mot de « handicap ». 
Ce n’est qu’en allant consulter à Paris en septembre 2007 que l’on nous a dit les choses clairement (noyaux gris centraux touchés, handicap moteur). On s’en doutait mais ce fut quand même un coup de massue.

A partir du moment où le diagnostic a été posé, quelle a été votre réaction ?
Selon les médecins, il n’y avait rien à faire. Pour eux, la seule solution à terme était de placer notre enfant. C’était hors de question. On s’est donc renseigné. Pascal, mon mari, avait un ami qui avait une petite fille handicapée et qui nous a parlé de la sur-stimulation (méthode Doman à Philadelphie). Nous avons pris contact avec l’association Neuf de Coeur (fondée par Jean-Pierre Papin) qui a appliqué en France cette méthode aux IMC. Celle-ci nous a conseillé de nous tourner vers l’association Dominique près de Toulouse où des thérapeutes forment les parents à ces méthodes. Au début, j’étais un peu réticente et je craignais de ne pas y arriver mais le contact avec Helen (une thérapeute de la méthode Brain Solutions) a fini de me convaincre. Nous y sommes donc allés tous les trois. Je me suis sentie bien, à ma place, et très bien accueillie. Nous avons appris à faire les gestes (l’enfant est sur-stimulé 3 fois par jour). Il s’agit de ceux de la méthode Doman mais allégés de façon à pouvoir avoir une vie de famille la plus normale possible. Il faut savoir que ces thérapies sont très chères, le matériel étant souvent non pris en charge par la sécurité sociale, ce qui explique que les parents montent souvent des associations pour récolter des dons.

J’ai donc commencé à stimuler Elio mais au bout de 2 mois, je n’en pouvais plus. C’est pour cette raison qu’en janvier 2008, j’ai créé notre association, Petit Prince du Soleil, et ai commencé à chercher des bénévoles sur Brest, mais cela n’a pas été facile. Nous avons eu quelques articles sur l’association dans la presse locale et avons organisé des événements pour récolter de l’argent.

Envisageais-tu de reprendre ton activité professionnelle ?

A la naissance d’Elio, je m’étais mise en congé maladie jusqu’en janvier 2008 et je pensais reprendre à 80%. J’ai vite compris que cela ne serait pas possible. J’ai réussi à obtenir un mi-temps mais là, ma nounou m’a dit qu’elle ne se sentait pas capable de garder Elio. Je n’ai donc pas pu reprendre mon activité d’instit. Il faut également savoir qu’il n’y a aucune structure prévue pour accueillir les très jeunes enfants handicapés. Cela a été dur. Je m’étais déjà sacrifié une première fois en suivant mon mari à Biscarrosse, j’avais eu la fierté de rebondir en réussissant le concours d’instit, et là, une fois encore, tout s’arrête. Heureusement, à peu près au même moment, nous avons su que nous allions bientôt partir en Martinique. Cela m’a aidée à mieux accepter la situation.

En Martinique, comment cela s’est-il passé ?

Dès que nous sommes arrivés, j’ai créé une section de l’association en Martinique et j’ai recruté beaucoup de bénévoles. Cela a été nettement plus facile qu’à Brest et très vite j’ai eu beaucoup de soutien. J’ai également eu envie de développer l’association pour que d’autres enfants puissent en profiter et que leurs parents ne restent pas dans leur coin, désemparés. En règle générale, ils ne reçoivent aucun soutien, aucune information de la part de l’hôpital.
Actuellement, nous aidons 7 enfants. Grâce aux soirées organisées chaque année avec l’aide de sponsors, nous avons pu verser cette année un chèque aux familles de 2500 euros pour les aider à financer du matériel ou une thérapie,  parfois à l’étranger. L’association est parrainée par Claire Denamur, une jeune chanteuse pleine de talent et par Jean-Paul Hellequin, le président de l’association des remorqueurs hauturiers et également président de l’association « Mor Glaz ».

Je passe beaucoup de temps à gérer mon association. Cela me fait un bien fou de me sentir utile. Je ne suis plus instit mais thérapeute, kiné, psychomotricienne… multi-tâches ! C’est ça maintenant mon boulot.

En avril 2010, tu as publié un livre « Bonjour de Mahana, des enfants différents »

Un soir d’août 2009, je racontais à Elio sa vie et j’ai eu envie d’en faire un livre. Il y avait déjà le blog d’Elio que je tenais où il parle à la première personne. Mais j’ai voulu expliquer son parcours, à travers une histoire qui plairait aux enfants et en même temps qui intégrerait des informations et des messages sur le handicap. Je voulais montrer comment on peut vivre et bien vivre avec un
enfant handicapé. Mon objectif était également d’apporter un autre regard sur le handicap et évoquer les méthodes différentes de traitement. Je me suis renseignée sur les ouvrages existants et me suis rendue compte que s’il existait beaucoup de choses sur l’autisme ou la trisomie, il y avait assez peu de livres sur les IMC. Mes filles et d’autres enfants lisaient les chapitres au fur et à mesure et je tenais compte de leurs réactions. Puis j’ai envoyé mon manuscrit à 35 éditeurs. Assez rapidement, L’Harmattan Jeunesse m’a répondu positivement et en avril 2010 « Bonjour de Mahana, des enfants différents » était publié. Je suis intervenue dans des classes en Martinique pour en parler aux enfants et j’ai fait une séance dédicace dans une librairie à Brest. Mais j’aurais aimé que mon livre, mon message soient davantage relayés dans les médias, les magazines pour enfants, les émissions telles que les Maternelles. Mais c’est un travail de longue haleine…

Que penses-tu de la façon dont est perçu le handicap en France ?

Le regard sur le handicap change très lentement. C’est encore un sujet tabou. Et concernant les thérapies, la France est très en retard par rapport à d’autres pays européens et aux pays anglo-saxons. D’autre part, les médecins français sont très réticents par rapport à ces méthodes et n’y croient pas vraiment. Ils ont du mal à accepter que, nous parents, nous puissions faire de la psychomotricité. Pourtant les progrès sont réels.

D’autre part, comme je le disais plus haut, beaucoup de matériel n’est pas pris en charge (ou si peu) par la Sécurité sociale. Par exemple, elle estime qu’une poussette médicalisée ou un déambulateur sont des éléments de confort donc pris en charge de façon dérisoire. En revanche, les coques, les attelles sont remboursées mais ce matériel a tendance à enfermer l’enfant dans son handicap et non à l’en sortir.

Et tes filles, comment vivent-elles le handicap de leur petit frère ?

Lorsqu’Elio a eu 6 mois, nous avons pris le temps de bien leur expliquer ce que leur frère avait, son handicap, les conséquences, etc. Aujourd’hui, à 13 et 10 ans, elles l’ont très bien intégré. Elles en parlent beaucoup, à leurs copines, à leurs profs… Elles sont très proches de lui et s’en occupent bien.

Vous allez bientôt rentrer en métropole, quels sont tes projets ?

Nous espérons effectivement revenir sur Brest l’été prochain. J’ai un projet qui me tient très à cœur. Je voudrais ouvrir un centre pour enfants handicapées (une école maternelle en quelque sorte). J’essaye de rencontrer les élus pour les sensibiliser à ce projet qui, je le
sais, sera de longue haleine et difficile…car j’ai besoin de soutiens financiers. Il s’appellera Les AMIS d’Elio (pour Accompagnement moteur et intellectuel spécialisé). Il comporterait 2 petites classes de 5 enfants, animées par un enseignant qui appliquerait des méthodes d’apprentissage adaptées aux enfants (PECS (Système de Communication Par Echange d’images et méthode Montessori
notamment). Chacun  des enfants aurait un(e) auxiliaire scolaire ou éducateur spécialisé ce qui n’est pas le cas des CLIS (classe d’intégration scolaire qui existe pour les malvoyants, malentendants ou encore les IMC). Je sais que cela sera un parcours du combattant pour arriver à mener ce projet à terme mais je suis motivée. De toute façon, je ne peux qu’avancer…
Par ailleurs, cet été, je me suis formée à la méthode du neurofeedback (une méthode qui aide le cerveau à mieux se réguler grâce à
sa plasticité naturelle). Je suis donc à même de proposer des séances à d’autres enfants. Je me suis mise en auto-entrepreneur pour pouvoir développer cette activité. Enfin, j’ai un autre projet de livre en cours.

PS : je ne peux que conseiller aux parents, instits, etc. d’acheter le petit livre de Christelle (7,50 euros) pour le lire et en discuter avec leurs enfants ou leurs élèves.

10 thoughts on “Portrait de Christelle, 40 ans, mariée, 3 enfants

  1. Je suis très admirative de votre façon d’appréhender la vie. Merci pour votre témoignage très enrichissant et motivant pour toutes celles qui auraient envie de baisser les bras !

      

  2. Très beau témognage! Nous vous souhaitons bon courage! En espérant que votre projet d’ouverture d’école se réalise!!!! bonne continuation et gardez espoir

      

  3. elle est forte cette christelle! et en plus, elle a plein d’énergie à consacrer à ses amis; même si on se voit souvent, je réalisais pas tout ton parcours du combattant…. M…. pour la suite
    des événements!

      

  4. Je suis touchée par ce témoignage parce que je suis AVS mais aussi parce que mon fils est allé dans un jardin d’enfants qui accueille et suit scolairement des enfants IMC. Il s’agit des Galopins
    à Cergy (AVERTI :
    Association à Vocation d’Education et de Réadaptation Thérapeuthique des Enfants IMC
    ). C’est une très belle association, très active comme toi Christelle, ils pourraient peut être te faire
    partager leur expérience (presque 20 ans). Bonne chance pour ton projet.

      

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