Témoignages vie privée / vie pro

Conciliation vie privée / vie professionnelle : Sophissime témoigne

sophissime.JPGParmi les blogs que je suis avec attention et dont je guette avec gourmandise les nouveaux billets, il y a Sophissime. Elle a gentiment accepté de répondre à toutes mes questions, avec attention et franchise. Un grand merci à elle !

Peux-te te présenter en quelques lignes ?

Je suis Sophissime, j’ai 39 ans, deux filles de bientôt 16 & 12 ans. Je suis divorcée depuis 10 ans et je vis en couple avec Chris depuis…euuh 10 ans ! (Je n’ai donc JAMAIS vécu seule). J’ai eu une scolarité hyper classique: très bonne élève en primaire, du genre à paniquer si j’avais fait une rature sur mon cahier. Elève correcte au collège (découverte des sorties à la patinoire le mercredi après-midi et des garçons!!). Elève moyenne au lycée avec un Bac A2 obtenu sans aucun honneur. Je n’avais à ce moment là aucune idée du métier que je pourrais bien pouvoir faire. Je suis partie à la Fac en LEA (Langues étrangères appliquées) pendant 2 ans. Là, j’ai vraiment découvert la vie.
L’université m’a donc très peu vue. J’ai complètement échoué à mes examens. Parallèlement, par relations, j’ai découvert le milieu de l’audiovisuel. Univers fascinant de l’extérieur. J’ai eu la sensation d’avoir trouvé MON domaine. J’ai été prise en BTS administration de la production audiovisuelle et des spectacles vivants. Je suis sortie 1ère de ma promotion, confirmant que je ne m’étais pas trompée. Durant les 2 ans de BTS, j’ai fait un stage dans une société de production audiovisuelle. Après mon diplôme, j’ai travaillé pour eux comme intermittente du spectacle, en tant qu’assistante de production. Et puis j’ai eu ma 1ère fille et rapidement, il s’est révélé très difficile de concilier un bébé et des déplacements pour les tournages. Surtout que son père était ingénieur du son et partait donc également très souvent. C’était un enfer d’organisation, et je n’avais aucune aide familiale. Ma fille était trimballée de nounou en nounou, un soir chez mamie, une journée chez tata. Bref, quand la société pour laquelle je travaillais m’a proposée un CDI comme assistante de production, j’ai accepté. Ca me coûtait d’abandonner les tournages (même si je continuais à y aller de temps en temps) et j’ai même baissé ponctuellement mon salaire, mais ça valait vraiment le coup! Voir ma fille tous les soirs et tous les we était indispensable.

Depuis, je suis toujours dans la même société. Je suis maintenant directrice de production et je ne regrette absolument pas d’avoir fait ce choix à l’époque !

Concernant l’articulation vie perso / vie pro, en es-tu satisfaite ou insatisfaite ? As-tu eu l’impression de faire des concessions dans un sens ou dans un autre ? Si oui, les regrettes-tu ?

Je suis réellement très satisfaite. Avec le recul, j’ai (souvent à l’instinct pourtant) toujours fait les bons choix. J’ai accepté des horaires de fous les 1ères années parce que je devais faire mes preuves. (C’est très simple, il suffit d’être toujours là, de bosser, de baisser la tête et de se persuader qu’un jour on aura assez de « pouvoir » pour moins subir.) A la naissance de ma 2ème fille, ma fille aînée a craqué. Elle avait 4 ans et je pense qu’elle en avait totalement marre de rester tard chez la nounou, de me voir passer des soirées entières à bosser. C’est un métier très vampirisant. J’ai donc décidé de prendre un congé parental à mi-temps pour être plus présente pour mes enfants. La chance a fait que c’était pile au moment de la démission de ma chef. Elle partie et moi connaissant tous les dossiers, la direction a complètement paniqué et nous avons trouvé un compromis : je rentrais chez moi à 14h mais je bossais de la maison l’après-midi (avec une assistante restant au bureau). Ils m’ont installée un fax (internet n’existait pas…ce n’était pas il y a 2 siècles pourtant…:)) et tout le matériel de bureau chez moi. C’était très fatiguant mais j’avais la sensation de ne pas sacrifier ni mes filles, ni mon boulot. C’était un peu l’enfer cependant… Avoir des clients au téléphone, cachée dans le garage pour qu’ils n’entendent pas ma fille pleurer. Dire « oui, j’ai pris une demi-journée parce que ma fille est malade » alors que ma grande venait de débarquer dans le même garage en hurlant « maman, j’a envie de faire caca! », parce que ce deal trouvé avec mon boite était caché à nos clients. (Le télé-travail était beaucoup plus mal vu à l’époque.) Au bout d’un an, j’étais sur les genoux. Bosser le matin, courir chez la nounou récupérer la petite, bosser de la maison, courir à l’école en priant pour que LE client n’appelle pas pendant ce temps, jouer avec mes filles et m’interrompre toutes les deux minutes parce que je devais envoyer un fax, passer un appel. Avec le recul, si je n’avais pas été jeune et en bonne santé, je n’aurais pas tenu. J’ai donc cessé le congé parental au bout d’un an et je suis revenue avec une demande : ok, je reviens plus tôt, mais je pars à 17h tous les soirs. Dans ma tête, il était hors de question que ma fille aînée fasse plus d’une heure de garderie le soir. La direction a accepté. Et je m’y suis toujours tenue. Même si je partais parfois en rasant les murs. Pas facile de quitter à 17h quand la moyenne est plutôt à 19h30. Mais une fois dans ma voiture, je savais que c’était le bon choix. Même si du coup, j’étais tout le temps disponible au téléphone. Il y a 3 ans, il y a eu une grosse bagarre entre les 3 chefs. L’un deux a fouillé dans mes mails pour tenter de voir de quel côté j’étais. Quand je l’ai découvert, j’ai crié au scandale, joué les offusquées et dit « je démissionne! » J’ai accepté de rester à la seule condition que j’ai mes mercredis avec le même salaire. Ils ont dit oui… Depuis, je travaille à nouveau le mercredi matin (mais ils m’ont augmentée pour compenser…) et je sors toujours à 17h quand mes filles ne sont pas chez leur père. J’ai eu de la chance d’être toujours au bon endroit au bon moment, j’ai bien manœuvré et j’ai surtout la délicieuse sensation de ne pas être passée à côté de mes filles pour le travail. Si je n’avais pas réussi ça, je garderais un gout amer, j’en suis certaine.

Est-ce un sujet (l’équilibre vie perso / vie pro) dont vous parlez régulièrement en couple ?

Comme je ne vis pas avec le père de mes enfants, j’essaie de lui demander le moins possible de l’aide. Parfois, je suis obligée et il répond toujours présent (genre « aller chercher Capucine à l’infirmerie »). Quand je vivais avec leur père, il était toujours en déplacement. J’avoue, j’aimais beaucoup l’idée que j’étais seule à tout gérer. J’en étais fière je pense. Même si c’était parfois compliqué, j’avais cette impression que mes filles & moi formions un trio de choc. J’aime beaucoup cette idée d’être indépendante en fait.

Qu’est ce que ton travail représente à tes yeux ? Quel rapport entretiens-tu avec ton métier ?

Je râle souvent, mais j’ai conscience d’être privilégiée. Un milieu intéressant, un bon salaire, des horaires à la cool. Mais la désorganisation qui règne chez nous me fait souvent hurler. Je pourrais changer demain, mon travail n’est absolument pas important. Je n’ai aucune ambition particulière. Mais je ne retrouverai jamais d’aussi bonnes conditions. Ceci-dit, je vais changer en début d’année, mais toujours dans la même société. C’est une demande venant de moi, donc sans doute ai-je quand même besoin de challenge ? Et puis mes filles grandissent, elles ont moins besoin de moi au quotidien. Ce nouveau poste ne s’annonce pas du tout facile et je vais peut-être me planter, mais j’avoue que ça ne me fait pas du tout flipper. Je garde au fond de moi un constant « si ça ne marche pas, je ferai autre chose ! » Je suis sereine.

Sur quels points es-tu particulièrement vigilante, attentive par rapport à tes enfants ? T’es-tu fixée quelques règles générales en terme d’organisation, de présence, de déplacements pour raisons professionnelles, etc. ?

Priorité absolue et intégrale à mes filles! J’ai refusé des tournages de fous parce que la grande avait spectacle de danse ou la petite une otite. Même si j’ai tout fait pour monter le plus possible dans ma boite, je ne l’ai jamais fait au détriment de mes enfants. Je me suis préservée d’une future culpabilité.
Pour autant, je n’ai jamais envisagé de ne pas travailler. J’aurais aimé être femme au foyer, c’est certain, mais j’ai toujours une petite voix qui me dit « ne fais pas cette connerie! » Toujours cet amour de l’indépendance ou en tous cas de me dire « si je veux, je n’ai besoin de personne! » Je connais trop de nanas qui se retrouvent sans rien le jour où elles sont quittées ou celui où elles veulent partir. J’espère vraiment avoir intégré très fort dans le cerveau de mes filles qu’il faudra qu’elles travaillent pour ne pas compter que sur leurs mecs (féministe power!!!)

Quelles mesures aimerais-tu voir mises en oeuvre (au niveau de ton entreprise ou de façon plus globale) pour t’aider à mieux concilier vie perso / vie pro ?

Sans aucune hésitation, les problèmes de garde. Même si en France, on n’est pas les plus mal lotis, c’est vraiment LA difficulté. Quand il n’y a pas mamie pour secourir, c’est juste un enfer. Mes filles étaient des enfants classiques qui tombaient donc malades le dimanche soir. Tout est compliqué : les vacances à rallonge et des centres aérés pas terribles, les places en crèche introuvables, les nounous plus que limites (nous en avons expérimenté une vraiment nase, limite dangereuse pour Capucine). Même au collège c’est encore compliqué. Dans celui de Capucine, qui n’a même pas encore 12 ans, il n’y a pas d’étude. A 16h30, tout le monde dehors. Pourquoi les Conseils Généraux ne demandent pas aux pions, qui sont souvent étudiants, de gérer une aide aux devoirs? Ou même les municipalités qui pourraient demander à des retraités bénévoles, via une asso, d’aider les 6èmes dans leurs devoirs? Avec un local mis à disposition. Ou bien des activités artistiques ou sportives, relayées avec le collège, qui permettraient aux petits 6èmes de ne pas être dans la nature à 16h30!

Parviens-tu à t’offrir des petits moments rien qu’à toi (ou à ton couple) ?

En tant que maman divorcée et avec des filles qui ne sont plus des bébés, j’ai BEAUCOUP de moments pour moi & pour mon couple ! Après, il faut apprendre à les caler et à en profiter sans culpabiliser. C’est une autre histoire. Aujourd’hui par exemple, les filles sont chez leur père mais la grande a oublié son portable à la maison et la petite a besoin de son cahier d’histoire. Devine qui va leur amener tout ça ?

Quels sont tes petits trucs pour essayer de vivre au mieux cette articulation vie perso / vie pro ?

Etre malin ! Quand ton enfant est malade, plutôt que de dire « je ne viendrai pas aujourd’hui, Jules est malade », dire « Jules est malade ! Je cherche une solution pour le faire garder! En attendant, envoie moi le dossier X, je vais m’en occuper de la maison ! » Injuste dans l’absolu (on a DROIT à des jours pour enfant malade), mais plus malin. Surtout sur le long terme…. Et ne pas hésiter à faire entrer le boulot dans le champs perso. C’est la nouvelle façon de travailler de notre génération, il faut l’accepter. Etre connectée en permanence. Savoir se dire « je rappellerai tout à l’heure, parce que là, je finis le puzzle avec Jojo », mais ne pas oublier de rappeler quand Jojo est à la
sieste. Et puis, c’est une bonne gymnastique du cerveau, ça maintient en forme !

 

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