Interviews d'expert(e)s

Entretien avec Guillemette Leneveu, directrice de l’UNAF

UNAF-DG_LENEVEU.jpgJ’ai lu récemment avec intérêt une intervention de Guillemette Leneveu, directrice de l’UNAF
– l’Union Nationale des Associations Familiales, sur le thème de la conciliation vie privée / vie professionnelle. J’ai eu envie d’aller l’interviewer sur ce sujet complexe et riche. 

Pouvez-vous rappeler en quelques mots ce qu’est l’UNAF et ses principales missions ?

L’Union Nationale des Associations Familiales est un organisme créé par les pouvoirs publics en 1945 et remplit trois principales missions. Elle représente officiellement toutes les familles vivant sur le territoire français et donne des avis aux pouvoirs publics. Nous pouvons être auditionnés sur des questions politiques familiales (accueil de la petite enfance, allocations familiales…) ou plus larges (santé, logement, consommation, éducation, nouvelles technologies…). Enfin, nous gérons les services d’intérêt familial. Près de 2 millions de familles (soit plus de 6 millions de personnes) adhèrent à un mouvement familial en tant que membres actifs ou associés.

Les entreprises sont un acteur important pour favoriser la conciliation vie privée / vie pro. Les choses évoluent notamment avec l’Observatoire et la Charte de la parentalité. Qu’en pensez-vous ?

Il s’agit d’une excellente initiative que nous soutenons entièrement. Sur ces sujets, tout ne peut pas se faire par la loi.  En effet, une meilleure prise en compte de la parentalité passe aussi par une prise de conscience et un changement de culture. Or, montrer ce
qui se fait de manière positive est une très bonne méthode pour faire évoluer les mentalités. Ceci permet de mettre en exergue des initiatives variées, mises en œuvre par toutes les catégories d’entreprises (les grandes, comme les plus petites).

Les façons de mieux prendre en compte la parentalité sont nombreuses : crèches d’entreprise, rémunération des congés paternité, flexibilité horaire, aménagement du temps de travail, etc. L’OPE permet de recenser toutes ces formes d’innovation sociale.

Pour les entreprises qui s’engagent, c’est à la fois positif en termes d’image et de fidélisation. Les entreprises ne sont pas philanthropes mais elles ont tout à gagner à être plus attentives au bien-être et à la satisfaction de leurs salariés parents.

Pendant longtemps, il y a eu une double réticence, aussi bien de la part des entreprises que des salariés. On estimait que cela relevait du domaine de la sphère privée. Mais les choses ont beaucoup évolué. Pour les entreprises, il ne s’agit pas de porter un regard inquisitoire sur la vie privée de leurs salariés mais de les accompagner à la recherche d’un meilleur équilibre.

J’entends les critiques concernant cet Observatoire mais on ne peut qu’encourager les initiatives qui font évoluer les choses. Il ne s’agit pas de décerner un label de bonne conduite ou d’être trop naïf sur l’intérêt des entreprises. Mais pour avoir assisté à de nombreuses signatures de cette Charte par des entreprises, je peux affirmer qu’elles tiennent un vrai discours de responsabilité sociale et économique.

Vous estimez également que les choses doivent évoluer au niveau des couples. Quelles tendances observez-vous ? Comment faire en sorte que la parentalité se conjugue davantage au masculin ?

Le problème de la conciliation ne devrait pas concerner que les femmes. La parentalité au masculin constitue un vrai enjeu. Beaucoup d’hommes y sont d’ailleurs favorables.  

En revanche, je ne suis pas favorable à une égalité coercitive. Davantage qu’une égalité stricte, je préfère parler d’une question de partage qui doit être plus important. Les femmes et les hommes ne doivent pas forcément faire les mêmes choses, leur rôle de parent peut être différent.

Au sein des couples, il est important de libérer la parole. On note encore trop souvent des défauts de communication autour de l’organisation du temps de travail, de l’éducation des enfants, etc. qui peuvent parfois aboutir à des crises au sein des couples, voire à des ruptures brutales. Trop souvent ces sujets sont du domaine de l’accord implicite, pourtant ils font partie des éléments à discuter en couple.

Je pense aussi qu’il faut arrêter de toujours présenter les femmes comme des victimes. Les choses sont plus nuancées. Certaines d’entre elles n’ont pas toujours comportements très clairs, elles ont parfois tendance à  s’approprier la sphère parentale et à écarter les hommes de cette fonction. Elles devraient abandonner une part de leurs prérogatives dans ce domaine et davantage ouvrir aux hommes l’espace de l’éducation. Mais leur proposent-elles toujours assez ?

Je suis optimiste avec les jeunes pères mais aussi avec les pères plus âgés de 45-50 ans qui ont de jeunes enfants, suite à une recomposition familiale par exemple.  Ces hommes expriment le désir de réussir à la fois leur vie sentimentale, personnelle, familiale et professionnelle. Parfois, ils ont vu leurs pères s’investir énormément dans le travail – sans en retirer forcément beaucoup de gratifications – et exprimer le sentiment d’avoir raté quelque chose.

Je pense que les jeunes générations vont imposer aux entreprises leurs conditions. Peut-être l’anomalie française qui consiste à rester tard le soir au travail, à l’inverse des pays anglo-saxons, finira-t-elle par disparaître.

Il faut réfléchir aux façons de permettre aux hommes de s’investir dans la sphère familiale et dans l’éducation. Les entreprises ont encore trop tendance à réfléchir aux questions de conciliation en s’adressant aux femmes alors qu’elles devraient le faire en pensant au salarié parent. Car il y a aussi des hommes qui ont envie de consacrer davantage de temps à leur enfants, d’aller les chercher à la crèche ou à l’école par exemple.

En conclusion, vous estimez qu’il est important reconquérir du temps en famille. Qu’entendez-vous par là ?  

Au salon de l’éducation, l’an dernier, l’UNAF avait demandé aux jeunes : « à notre place, que demanderiez-vous au gouvernement pour défendre la famille ? ». Spontanément beaucoup d’entre eux ont répondu : « nous aimerions avoir plus de temps pour passer des moments en famille ». Une réponse qui révèle que les jeunes souffrent des tensions rencontrées par leurs parents à concilier vie professionnelle et vie familiale. Les jeunes restent très attachés à la valeur « famille » et sans renoncer au monde du travail, ils recherchent une manière de vivre plus harmonieuse.

Une meilleure conciliation ne doit pas seulement viser les femmes mais aussi les hommes, les couples et les enfants. Elle doit permettre aux salariés d’avoir des vies plus équilibrées et de pouvoir passer plus de temps avec leurs enfants. Car le temps en famille est important pour que les enfants ne se sentent pas en déshérence. Enfin, lorsque les salariés font des choix en faveur de leur vie familiale (aménagement horaire, congé parental, temps partiel, etc.) il ne faut qu’ils soient pas perçus comme des salariés désinvestis par les entreprises.

De façon générale, l’UNAF plaide une meilleure conciliation tout en respectant les choix individuels et de couple. Car chacun a sa manière de s’investir. L’idée est de donner les moyens pour exercer cette liberté  de choix.

J’ai également interrogée Guillemette Leneuveu sur le congé parental d’éducation, sur ce qu’elle pensait des critiques formulées à son encontre et sur les recommandations que l’UNAF avait émises. Pour en savoir plus, c’est ici sur le site Maviepro.

N’hésitez pas à réagir à cet entretien et/ou à poser des questions.

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