Lu pour vous

En aparté a lu « Travailler mieux pour vivre plus » de Jérôme Ballarin

Jérôme Ballarin, président de l’Observatoire de la Parentalité en Entreprise (OPE), vient d’écrire un livre « Travailler mieux pour vivre plus » (Editions Nouveaux débats publics, 18 euros). Je ne pouvais pas ne pas le lire ! Pour ceux et celles qui suivent ce blog régulièrement, vous devez savoir que je suis cet Observatoire depuis sa création. J’en avais parlé et . J’avais également eu l’occasion d’interviewer Jérôme Ballarin pour faire un point avec lui sur les activités de l’OPE. Les critiques concernant cet Observatoire sont fréquentes et je peux les comprendre (par exemple, nous avions eu, Marlène de Mamantravaille et moi, quelques échanges intéressants sur le sujet) . « Joli outil de com », « occasion de faire parler de son entreprise mais dans les faits, cela ne suit pas », « gadget », etc.

Personnellement, j’adopte une posture un peu différente. J’estime qu’un Observatoire ne peut pas faire des miracles à lui tout seul, une Charte signée ne va probablement faire évoluer l’entreprise du jour au lendemain et tous les services, tous les salariés ne vont pas en bénéficier dès la Charte signée. Cependant, je trouve que l’initative est bonne, l’impulsion mérite d’être relayée, encouragée, diffusée. Et puis n’oublions pas que tout cela n’est pas seulement une question de moyens et de services financiers notamment mais aussi (et surtout ?) d’individus (en tant que personne, salarié, conjoint, manager, dirigeant) et que là, forcément, les changements ne peuvent se mettre en place que petit à petit.

Mais revenons-en à son livre. Il se lit bien, facilement et rapidement.

De façon globale, j’adhère à ce qu’écrit Jérôme Ballarin. Il y a des points sur lesquels je suis moins d’accord ou moins optimiste que lui mais dans l’ensemble, je trouve ses propos très justes. Je considère qu’il traite la question de façon globale, ce qui est pour moi, indispensable. 

Points principaux développés dans son livre

– Selon lui, apporter des réponses à cette question de la conciliation vie privée / vie professionnelle, c’est affronter des enjeux sociétaux majeurs : la lutte contre le stress au travail, l’éducation des enfants, l’égalité professionnelle entre les femmes et les homme mais également le réenchantement d’une certaine forme de travail – et d’une certaine forme d’entreprise, qui investit dans l’humain. Pour les entreprises, il s’agit d’un enjeu de recrutement, de fidélisation et plus globalement d’un enjeu de performance.

– Il revient sur les différents baromètres réalisés par l’OPE auprès des employeurs et des salariés, les actions mises en place par les entreprises signataires de la Charte que l’on peut regrouper sous 4 grandes catégories (services facilitant le quotidien des salariés-parents, soutien financier, organisation du travail et prise en compte des enjeux de conciliation par les DRH et les dirigeants), les initiatives telles que la Journée de la Famille en Entreprise, le Club Crèches et Entreprises, et enfin les enjeux actuels (l’offre de garde des jeunes enfants, la réforme du congé de maternité et du congé parental…). Vous pourrez également retrouver une partie de ces informations ici. (rubrique Bonnes pratiques)

  Ce que j’ai particulièrement apprécié :

il parle des questions de conciliation de façon concrète et non pas théorique. Cela sent le vécu, l’expérience. Il parle d’anecdotes réelles, qui parleront à chacun d’entre nous.  C’est important !

– il revient sur l’importance de l’éducation, du rôle de parent et son exigence. Là aussi, c’est fondamental !

– il exhorte les hommes à prendre bien conscience de ce que signifie la double journée pour les femmes et à s’impliquer davantage si on veut que toutes ces mesures puissent aboutir.

– il évoque la notion de confiance qui doit se mettre en place aussi bien dans le sens du salarié vis-à-vis de l’employeur que de l’employeur vis-à-vis de son collaborateur. « Si l’entreprise les aider à concilier vie pro et vie perso, à eux de montrer à leurs employeurs que cette action en faveur de la parentalité se trouve, en retour, bénéfique à l’entreprise ». Il est temps de restaurer (ou d’instaurer) une confiance réciproque, écrit-il.

– son chapitre intitulé « L’individu, chef d’orchestre de sa vie » est intéressant. Je cite : « Les clés dont il est question (dans ce chapitre) ne touchent pas aux politiques publiques ou à des problèmes d’organisation mais relèvent de la psychologie ou de la philosophie. Ces clés ouvrent sur le vaste domaine des représentations mentales des individus, héritées de leur culture, de leur éducation, de leurs expériences successives, heureuses ou malheureuses ». Il parle de l’importance de se mettre en mouvement, de savoir affronter ou résister à ses peurs et croyances limitantes. « Bien sûr, cela repose sur l’idée d’un individu responsable, capable de prendre lui-même sa vie en main.
Or, il est parfois plus facile pour l’individu de se poser en victime et de reporter la faute de son malaise sur l’entreprise, le manager, les collègues, la famille » poursuit-il. Cela ne veut pas dire nier les responsabilités réelles de l’entreprise ou des managers, mais de ne pas non plus oublier les siennes. « Pour l’être humain qui veut équilibrer sa vie, une des conditions du changement est de se poser en adulte, acteur de sa propre vie ». Ensuite, il rappelle les différentes sphères d’épanouissement (professionnelle, familiale, sportive, spirituelle, etc.), l’importance de faire « un check up existentiel », d’inscrire des objectifs dans chacune de ces sphères. Autres citations : « L’impact de ses choix – y compris à long terme – sur son propre bien-être et sur le bien-être de ses proches est le seul bémol que l’on puisse objecter au libre-arbitre individuel » ou encore « L’individu doit mûrir pour prendre conscience que, quelle que soit la pression de l’extérieur, il reste en son for intérieur, le seul et unique architecte de son existence ».

– il estime que l’objectif d’une meilleure conciliation n’est pas de travailler moins mais mieux pour vivre plus. « Il ne s’agit pas loin s’en faut de prôner un quelconque désengagement, voire une politique de décroissance économique » mais d’un développement durable, d’une croissance humainement supportable. « (…)Un nouveau chemin d’expansion pour nos sociétés développées, un chemin fondé sur l’instauration d’un cercle vertueux entre investissement dans l’humain et performance économique ».

Il rappelle que le travail n’existe pas que dans la sphère professionnelle. Trop souvent, il y a une confusion entre travail, emploi et activité professionnelle. « Or le travail est présent dans toutes les activités humaines : familiale, artistique, spirituelle, sportive…y compris dans les tâches les plus prosaïques. Dès qu’il y a action ou réflexion, dépense d’énergie, effort, création d’une oeuvre, lancement d’un projet, il y a travail ». Selon lui, ce n’est pas une crise du travail en tant que telle que nous traversons mais une crise de la valeur « activité professionnelle », de la valeur « entreprise », une crise d’un certain modèle de développement capitaliste.  

N’hésitez pas à réagir ou à poser des questions l’auteur (je pense qu’il prendra le temps de répondre comme il l’avait fait lors de son interview sur ce blog).

4 thoughts on “En aparté a lu « Travailler mieux pour vivre plus » de Jérôme Ballarin

  1. J’ai une question pour l’auteur, mais aussi peut-être des thèmes de billets pour notre chère Gaëlle :

    Existe-t-il une cartographie précise des métiers pour lesquels la conciliation vie privée et vie professionnelle est particulièrement délicate, voire peut poser un problème réel de recrutement.
    Je pense aux restaurateurs, aux médecins, mais aussi aux policiers, aux militaires, toute sorte de métiers nécessitant un fort investissement et des horaires atypiques ou une disponibilité
    extrême.

    De fait, si une telle cartographie existe, il y a-t-il un travail collaboratif entre l’observatoire et les branches professionnelles pour rechercher des solutions pouvant améliorer cet aspect qui
    peut alors revêtir une importance stratégique pour l’emploi et l’attractivité du métier?

    Dans cette veine, il pourrait être intéressant de mener des enquêtes auprès de ce type de branches professionnelles pour connaître les initiatives mises en place (et  c’est là que tu
    interviens Gaëlle).

      

  2. J’ai également une question . Une fois que les entreprises ont signé cette
    Charte, existe-t-il des moyens pour suivre leurs engagements de façon concrète ? Et sinon, un regret : que sur le site de l’OPE les bonnes pratiques ne soient pas « présentées » également par les
    salariés eux-mêmes (qui pourraient dire ce qu’ils en pensent, ce qui pourrait être améliorer, etc.) mais seulement de façon un peu « institutionnel ». Bonne continuation !

     

      

  3. @Gaëlle : pour répondre à ta question, il y a un baromètre annuel des entreprises signataires de la Charte de la Parentalité qui détaille les pratiques appliquées ou non. Le dernier date du 19
    octobre  Ce serait intéressant effectivement qu’il y ait des audits de terrain (non contraignants !) incluant les
    salariés. Cela permettrait notamment d’évaluer les solutions mises en place et surtout de noter celles qui sont vraiment utilisées et appréciées des salariés. 

      

  4. Merci à vous pour ces idées, nous allons le faire. Dès 2011, nous souhaitons mener une enquête sur un échantillon représentatif d’employeurs français d’un grand nombre de secteurs d’activité pour
    voir là où la conciliation marche et là où elle est plus difficile pour les salariés. Nous étudions aussi avec plusieurs grands groupes signataires de la Charte de la Parentalité la possibilité
    d’interroger – outre le volet employeurs de notre Baromètre 2010 dont parle Karen et qui est en effet en ligne depuis cette semaine – des salariés en leur sein pour leur demander s’ils
    trouvent que les choses ont bougé depuis la signature de la Charte. A court terme, c’est-à-dire en novembre, nous allons publier un Guide du manager de proximité qui a été construit à partir de situations réelles auxquelles les managers sont régulièrement confrontés : une coéquipière qui annonce sa grossesse, un collaborateur qui souhaite prendre
    son congé de paternité, une salariée qui envisage de demander un quatre cinquièmes, un jeune homme qui voudrait essayer le télétravail… Sur chacune de ces situations, ce Guide vous aidera à
    prendre du recul et à réfléchir sur les comportements à adopter ou à éviter. Il vous rappellera également certaines règles de droit à respecter. L’OPE travaille et améliore ses actions mois après
    mois. A suivre donc.

      

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