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Portrait de Florence, écrivain public et biographe

FloLorsque j’ai écrit mon billet « Un blog pour parler de son métier« , Florence m’a signalé son propre blog consacré à un métier méconnu : écrivain public / biographe. Son message a bien évidemment attiré ma curiosité ! J’ai eu envie de lui donner la parole pour qu’elle puisse nous présenter son parcours et son métier.

Pouvez-vous nous décrire votre parcours en quelques lignes ?
J’ai commencé ma vie professionnelle comme analyste-programmeur. Rien à voir, donc, avec ma profession actuelle ! J’aimais l’aspect novateur de ce travail (c’était la fin des années 1980, une époque où Windows n’existait pas encore), le fait de créer de nouveaux programmes. Mais j’ai toujours su que je n’y ferais pas de vieux os. D’autant qu’un premier voyage au long cours en Afrique de l’Ouest m’avait fait découvrir d’autres horizons et surtout d’autres valeurs. Mon travail (j’étais employée par une société de services et mon client était un groupe de la grande distribution) me tenait trop éloignée de l’humain pour que je m’y éternise.
Ma formation initiale comportant également une grande part de gestion, je me suis donc réorientée une première fois et ai passé quelques années à travailler avec des ONG comme administratrice (responsable des finances, de l’administration et des ressources humaines). Ces missions humanitaires, ainsi que d’autres voyages au long cours (sur le continent américain, cette fois) m’ont donné le matière pour rédiger plusieurs livres : récits de voyage, roman, récit de mission humanitaire en famille.
Entre-temps, j’ai également eu deux enfants, qui sont nés à l’étranger et m’ont suivie partout. Jusqu’à ce que, l’aîné entrant au lycée, il devienne difficile de leur faire suivre une scolarité autour du monde. C’est à ce moment-là que j’ai démarré mon activité d’écrivain public biographe.

Pourquoi avoir choisi ce métier d’écrivain public/biographe ?
Comme beaucoup de gens, je ne connaissais absolument pas ce métier quand j’en ai entendu parler pour la première fois. Ou plutôt, j’en avais la même image désuète que la plupart des gens : celle d’un homme (ou femme) de lettres installé à son bureau ou devant sa machine à écrire, parfois en pleine rue. Image qu’il m’avait d’ailleurs été donné de rencontrer au cours de mes voyages !
Mais pour moi, cette découverte s’est apparentée à une révélation : j’ai tout de suite su que ce métier était fait pour moi et que j’étais faite pour l’exercer. C’était une évidence. Avec le recul, je pense simplement que c’est une profession qui relie parfaitement tous mes intérêts dans la vie : l’écriture, le goût du service et  le goût des autres. J’écris depuis toujours, facilement et avec plaisir. J’aime me sentir utile, apporter ma petite contribution à un monde plus solidaire. Et j’aime le contact avec les gens : écouter leurs histoires, découvrir d’autres univers, voyager par leur intermédiaire. C’est aussi un métier d’une grande variété. Chaque client est différent, les demandes sont parfois inattendues. Il faut savoir faire preuve d’adaptabilité, mais on ne risque pas de tomber dans la routine.

Pouvez-vous nous raconter quelques anecdotes ?
Quand j’ai commencé à réfléchir à une possible installation, je suis allée assister à une réunion d’informations à destination de porteurs de projets. L’intervenante a commencé par faire un tour de table, au cours duquel chacun devait préciser les raisons de sa venue… et le projet qu’il portait. Ceux-ci étaient très variés : chambres d’hôte, commerce de linge de maison, spa… Lorsque mon tour est venu et que j’ai annoncé « écrivain public », il y a eu un blanc de plusieurs secondes, suivi d’un « pardon ? » : c’est assez représentatif de la façon dont les gens accueillent l’énoncé de mon métier !

Comment organisez-vous vos journées ?
Bien sûr, il n’y a pas de journée type. Néanmoins, elles démarrent toutes de la même manière : j’allume mon ordinateur dès que je me lève ! Ensuite, je vérifie mes mails et je me prépare un planning pour la journée.  Déplacements chez les clients, permanences en mairie et phases de rédaction (chez moi) sont les gros morceaux à caser. Je prévois aussi toujours une plage horaire pour la prospection et l’utilisation des réseaux sociaux. Pas d’horaires stricts, en tous cas. Je fixe mes rendez-vous en fonction des disponibilités des clients et de mes propres contraintes familiales.

Quelles sont vos principales activités ?
Je propose quatre types de services : la rédaction de textes (qui va du simple courrier administratif au récit de vie, en passant par la lettre de motivation ou le contenu de bulletin municipal), la correction ortho-typographique (de manuscrits, de mémoires…), la traduction (de l’anglais ou de l’espagnol vers le français) et la retranscription de fichiers audio.
La plus grosse partie de mon temps est consacrée aux récits de vie et à la retranscription. Les récits de vie, car ce sont des travaux de longue haleine : il faut en moyenne dix heures d’entretien, suivies de leur mise par écrit (trois à cinq heures de travail pour une heure d’entretien) pour en venir à bout. La retranscription car je travaille régulièrement avec les enseignants-chercheurs de la faculté de géographie de Toulouse : ils me confient des enregistrements d’interviews ou de tables rondes.

Comment vous faites-vous connaître ?
Beaucoup par Internet. J’ai d’abord créé un site « vitrine », lors du lancement de mon activité, puis je me suis inscrite sur Viadeo (le réseau professionnel), j’ai démarré un blog que j’alimente en moyenne deux fois par semaine et j’ai également créé une page Facebook.
Bien sûr, j’ai fait imprimer un petit dépliant qui présente mon activité et que j’ai déposé dans toutes les mairies de mon secteur (je suis installée en zone rurale). J’ai également fait divers mailings à destination des maisons de retraite, des clubs des aînés ruraux, des psychologues…
Il y aussi eu des articles dans la presse locale et une interview à la radio. Et maintenant sur En aparté 😉
Après, tout est affaire de réseau. Ou de bouche à oreille.

Que représente pour vous votre métier ? Quelles valeurs associez-vous au travail ?
De manière générale, j’attends de mon travail qu’il me permette de me sentir utile à la société, et donc à mes contemporains. C’est ce qui m’a amenée à passer de l’informatique aux missions humanitaires : j’ai alors divisé mes revenus par trois,  mais y ai gagné au centuple sur le plan de la satisfaction personnelle !
En ce qui concerne mon métier actuel, je l’ai un peu évoqué tout à l’heure : c’est la possibilité de concilier tout ce qui compte vraiment pour moi dans la vie. C’est donc clairement un métier-passion, que je pratique avec plaisir et dont je suis très fière. C’est aussi un enrichissement permanent. Les entretiens avec les personnes qui me racontent leur vie (parfois à leur initiative, plus souvent à la demande de leurs enfants ou petits-enfants) sont souvent des moments très forts, au cours desquels des émotions anciennes reviennent à la surface. Parfois, on me demande même de ne pas tout écrire : « ça, gardez-le pour vous ». Je reçois ces mots comme un cadeau. Une marque de confiance qui me touche beaucoup. Lorsque, au bout du chemin, on me remercie parce que « j’ai dit tout ce que j’avais sur le coeur, je peux partir en paix », je pense que j’ai bien fait mon travail. Que le relais de la mémoire a été passé.

Quels conseils donneriez-vous à une personne qui souhaite faire ce métier ?
Je lui conseillerais de démarrer, si possible, avec une autre activité (à temps partiel) en parallèle, car c’est un métier encore peu connu, auquel les gens n’ont pas forcément l’idée de recourir. C’est aussi un métier dans lequel le bouche à oreille est le meilleur ambassadeur, mais se faire connaître de cette manière demande du temps.
Je lui conseillerais aussi d’écrire. Tout le temps. Plus on écrit, plus cela devient facile, plus on aime ça et mieux on le fait !
Enfin, je lui conseillerais de ne pas hésiter à prendre contact avec des écrivains publics en exercice (qui sont d’ailleurs plus souvent des écrivaines !) pour échanger avec eux : c’est important pour ne pas se sentir trop seul au départ.

Avez-vous choisi ce métier pour mieux concilier vie perso et vie pro ? Pensez-vous avoir trouvé un certain équilibre ?
Non, j’ai choisi ce métier parce qu’il était en moi et que je ne pouvais pas imaginer ne pas l’exercer ! La conciliation vie personnelle, vie professionnelle, cela a été la cerise sur le gâteau.
Le supplément de bonheur. Car effectivement, exerçant de façon indépendante, je m’organise comme je veux. Ce qui me permet d’être disponible pour mes enfants lorsque c’est nécessaire : amener l’aîné au lycée le lundi matin, aller le chercher le vendredi soir (il est interne), superviser les devoirs de la cadette…
En général, je me déplace au domicile de mes clients pour les entretiens ou pour qu’ils m’expliquent leurs demandes. Sauf pour les retranscriptions de fichiers audio, où je pratique le télétravail. Ensuite, je rédige chez moi, aux horaires qui me conviennent. Souvent tard le soir, car c’est à ce moment de la journée que je suis le plus efficace.
Pour tout dire, non, je ne pense pas avoir trouvé « un certain équilibre » ; je pense avoir trouvé exactement le genre de vie qui me convient 🙂

7 thoughts on “Portrait de Florence, écrivain public et biographe

  1. A un moment (terminale?) c’est un métier qui m’a tentée. Et puis, vas sa voir pourquoi, je me suis dit que ce serait écrire des courriers administratifs à la chaine et je n’ai pas chercher plus
    loin. Ce témoignage remet les choses à leur place et donne sa vraie dimension à ce très beau métier.

      

  2. Merci Gaëlle pour cet article !

    @Maman-Crevette Il n’est jamais trop tard. C’est souvent une reconversion qui conduit à ce métier. Et les courriers administratifs sont finalement une demande assez rare.

      

  3. Un bien joli portrait, plein de sincérité et d’amour de ce métier si peu connu… ça donne envie de faire le tri dans sa tête, de se demander ce qu’on aimerait vraiment faire de sa vie… se
    lancer est autre chose!!! (j’adorerais suivre cet exemple!) Ce billet est rempli d’un bel optimisme… merci!!!

      

  4. @ Véro : ton passage ici me fait plaisir ! tu as raison, se lancer est loin d’être évident mais je crois que lorsque l’on a la chance d’avoir une envie bien
    définie, la volonté est décuplée. Sinon, je suis d’accord avec toi, Florence a un beau métier ! Très bonne continuation à toi..

      

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