Clothilde a déjà témoigné à 4 reprises : témoignage en 2009, témoignage en 2013, témoignage en 2014. Elle est cadre dans une administration territoriale à Toulouse. Elle gère également un gite. Lors de son dernier témoignage, côté personnel, son divorce avait été prononcé, côté professionnel, Clothilde travaillait beaucoup et continuait à se poser pas mal de questions concernant son évolution professionnelle. Elle souhaitait repasser en octobre 2015 le concours d’administrateur territorial.
Depuis votre dernier témoignage, comment votre situation personnelle et professionnelle a-t-elle évolué ?
La dernière fois que j’ai témoigné pour vous, je venais de rentrer au Cabinet du président du département de l’Aude, c’était en octobre 2014. J’ai d’abord été en charge de la culture, de la coopération décentralisée et de l’éducation. Mon périmètre a évolué avec l’agriculture, la viticulture et l’aménagement du territoire. Ce furent 4 années très intenses et très positives, j’ai travaillé dans de très bonnes conditions malgré des temps de trajet assez longs (70 km et 55 minutes matin et soir) et donc une organisation personnelle au cordeau (seule avec deux adolescents). La qualité des échanges avec mes collègues et les élus comme l’intérêt des sujets venaient pondérer ces inconvénients. Grâce à la logistique mise en place avec mes parents pour prendre le relais quand je rentrais tard, tout cela s’est fort bien passé.
Et puis, il y a eu un point de bascule, la campagne pour les élections législatives pour laquelle je me suis beaucoup investie auprès du président du département qui était aussi candidat. Des mois très intenses, intéressants au possible, formateurs et passionnants et au bout, l’échec, la vague de la ”République en marche” qui a emporté bien des candidats. Le coup a été très rude, je me suis beaucoup remise en question et il est devenu évident que je ne pouvais pas rester. Je me sentais moins légitime, j’ai endossé ma part dans l’échec et je trouvais que je devais m’effacer. J’ai donc cherché ailleurs, dans un contexte où je me sentais amoindrie dans mes fondamentaux professionnels. J’ai candidaté à la Préfecture de région sur un poste de chargée de mission du SGAR (secrétariat aux affaires régionales) en charge de l’éducation, de la culture et du sport. J’avoue n’avoir pas crû que j’étais capable de décrocher ce job, je n’en avais parlé à personne. Il a fallu que je sorte du bureau du Préfet avec mon acte de recrutement pour en faire part chez moi, à mes enfants, à mes parents. C’était le saut dans l’inconnu. Quitter la territoriale pour intégrer l’Etat, au niveau régional d’autant plus ! J’ai vécu un été 2018 un peu fou. En un mois, je quittais Carcassonne pour Toulouse. Ma résidence familiale était désormais à 35 km de mon lieu de travail.
Longtemps, quand je passais devant la préfecture, je me disais, un jour, c’est ici que j’aimerais travailler. C’est arrivé !
Votre équilibre vie perso/vie pro a-t-il été modifié ? En quoi ? en mieux, en moins bien ?
Mon équilibre vie pro/vie perso a diamétralement changé. D’abord par la proximité géographique, passer de 55 minutes de trajet à 30 minutes en train, avec le confort que cela peut représenter, cela change complètement la vie. D’autant plus que les deux premières années, mon fils était au lycée à Toulouse aussi. Nous pouvions partir ensemble le matin, le soir, selon ma charge de travail, il m’attendait ou mes parents le récupéraient au bus scolaire (nous habitons à 7 km de l’arrêt le plus proche). Ma fille entretemps était devenue étudiante à Toulouse avec son propre appartement, nous nous voyions parfois en journée pour déjeuner ensemble. Il y a eu d’un coup dans ma vie comme une facilité, une évidence, une douceur de vivre au quotidien. Et puis j’aime tellement la ville, au début, j’étais fascinée, je me demandais comment j’avais pu arriver à vivre ce que j’avais tant désiré.
Même si j’étais moins dans le contexte ”politique”, je découvrais un fonctionnement différent mais intéressant. Je côtoyais des collègues venus d’horizon très hétéroclites, j’ai jamais autant croisé d’énarques qu’en ce moment ! Mon travail dépend beaucoup de la personnalité du Préfet, de mon N+1et N+2, cela demande une grande adaptabilité car la stabilité se compte davantage en mois qu’en année. Je ne m’en plains pas, au contraire, il y a un nouvel apprentissage et une remise en question régulière, très régulière même.
J’avais un premier contrat de trois ans, il vient d’être renouvelé. Ce sera le dernier au SGAR.
Et d’ici 1 ou 2 ans, comment vous projetez-vous ? Quelle articulation vie privée / vie pro aimeriez vous bien atteindre ? Avez vous des projets précis ?
Cette question, je suis obligée de me la poser. En effet, sur le poste que j’occupe, je ne peux pas aller au delà de 6 ans. C’est une règle. Je dois donc me projeter déjà dans l’après pour éviter d’être acculée à un non choix dans 3 ans. Alors où me vois-je ? Disons que je vais peut-être arrêter de m’excuser d’avoir de l’ambition ! J’aimerais retrouver un poste en cabinet. Pourquoi pas directrice de cabinet dans une ville moyenne ou dans un département. La politique me manque.
Pour ce qui est de l’articulation avec ma vie privée, les enfants auront grandi, ils sont sur la voie d’une vie professionnelle, peut-être alors que je pourrais penser ma vie privée au sens plus personnel, plus individuel.
Et puis, il y a le gite qui a pris encore plus de place dans ma vie, il se développe, je suis en train d’ouvrir une annexe pour créer des produits intégrés de type ”week-end d’activités”. C’est le complément de ma vie de ”fonctionnaire”, je prends des risques plus individuels, je réalise ma part de créativité, je teste des idées, je tisse un réseau. Cela me passionne et je sens qu’une partie de mon avenir s’organisera autour de lui.
Jusque-là ma vie professionnelle a été une succession de bonnes nouvelles, de coups de chance, de belles rencontres, mon patron actuel m’a dit que le prochain poste sera ”le poste de ma vie”. Je n’ai pas osé lui dire que j’enquille les postes de ma vie depuis le début, jamais je ne me suis ennuyée, jamais je n’ai regretté un choix. Alors, j’ai presque la trouille que le prochain soit moins excitant. Je souffle sur ma chance pour qu’elle s’éteigne pas.
Vous pouvez retrouver l’ensemble des témoignages dans la rubrique Parcours au fil du temps.
Merci à Clothilde pour ces témoignages courageux et tellement inspirants! Et merci à Gaelle de mettre en lumière nos parcours
lathelize