J’avais interviewé Valérie Duez-Ruff, avocate et créatrice de l’association Moms à la Barre, en décembre 2012 sur En Aparté. Grâce à Twitter, j’ai suivi un peu sa campagne pour être élue au Conseil de l’Ordre* de Paris et j’ai appris avec joie son élection le 11 décembre 2013.
Il y avait 35 candidats (dont 12 femmes), pour 14 places. Chaque année, un tiers du Conseil de l’Ordre, composé de 42 membres, est renouvelé. J’ai voulu savoir comment s’était déroulée sa campagne et la façon dont elle avait géré de front cet engagement, son activité et sa vie familiale. Valérie raconte pour En Aparté ces derniers mois particulièrement intenses.
« Me présenter aux élections du Conseil de l’Ordre de Paris était pour moi une façon de poursuivre mon engagement avec l’association Moms à la barre. J’avais envie d’être utile, d’être dans les instances où les décisions se prennent. Toute seule, il est beaucoup plus difficile de faire bouger les choses.
Il a d’abord fallu que je m’assure de l’adhésion de mon mari à ce projet car nous savions tous les deux que la campagne et surtout un éventuel mandat seraient très prenants. J’en avais envie depuis deux ans déjà mais j’ai préféré faire un deuxième enfant et attendre qu’il soit sorti de sa première année.
J’ai annoncé ma candidature en mars 2013.
Cela commence par une phase de formalités non obligatoires mais qui font partie des usages. J’ai envoyé environ 400 courriers pour annoncer ma candidature à tous les bâtonniers, anciens bâtonniers, membres et anciens membres du Conseil de l’Ordre, outre les présidents d’associations.
Puis il faut rencontrer beaucoup de personnes. Jusqu’à l’été, le rythme était tenable et je pouvais rentrer tous les soirs chez moi.
Mais entre septembre et la date des élections (10 et 11 décembre), j’ai vraiment eu l’impression de vivre une campagne politique ! Tous les soirs, je participais à des congrès, colloques, cocktails et je ne rentrais pas chez moi avant 23h-minuit. Aurais-je été élue si je n’avais pas été présente à tous ces événements ? C’est difficile à dire mais j’avais envie de faire les choses jusqu’au bout. En parallèle, il me fallait continuer mon activité d’avocate. Par ailleurs, il faut savoir qu’une campagne coûte entre 1500 et 2000 euros.
Pour mener de front la campagne, mon activité professionnelle et ma vie familiale, il m’a fallu être endurante ! Parfois, j’ai eu des moments de grande fatigue, de doutes, mais mon mari a toujours été là pour me rebooster. Comme pour un entraînement sportif, il faut veiller à son alimentation, à son sommeil, à ne pas boire d’alcool, si l’on veut tenir. Physiquement, j’ai trouvé cela éprouvant.
Mon mari a été un vrai partenaire dans cette campagne. Il a pu lever un peu le pied dans son travail pour s’occuper des enfants tous les soirs. De mon côté, j’arrivais à voir mes enfants une fois par jour, souvent le matin, mais rapidement, et les week-end. J’ai ressenti parfois de la culpabilité. Par exemple, quand je voyais mon fils aîné lutter contre le sommeil le soir pour m’attendre. Même si je m’y étais préparée, cela a été dur de ne pas les voir plus.
Pendant la journée, j’ai participé à de nombreuses présentations dans des cabinets d’avocats. On est une quinzaine de candidats, chacun parle 2 à 3 minutes pour présenter son « programme ». Savoir se vendre, ce n’était pas quelque chose de naturel pour moi mais à force, on se rode ! C’est également un très bon exercice pour apprendre à avoir confiance en soi et à prendre la parole en public ! Par ailleurs, il y avait une bonne ambiance et une vraie solidarité entre candidats. En tout cas, c’est un vrai parcours initiatique…mais sans aucune certitude du résultat !
En revanche, une chose m’a agacée durant ma campagne. On me posait sans cesse les questions suivantes : « êtes-vous mariée ? » , « avez-vous des enfants ? », « si vous êtes élue, comment allez-vous vous en occuper ? ». Pourquoi ne le pose-t-on jamais à un homme ? Ne doit-il pas lui aussi s’occuper de ses enfants ?
Mon message était tourné autour de l’amélioration des conditions d’exercice, et la solidarité entre les générations.. J’avais choisi comme slogan « Pour un ordre qui nous accompagne ». Trop souvent encore, le Conseil de l’Ordre est perçu comme un organe répressif et non pas comme une instance qui peut soutenir les avocats.
Le 10 décembre, a eu lieu le 1er tour. Sur 26 000 avocats, 10 000 d’entre eux ont voté puis le 11 décembre, lors du second tour, j’ai été élue avec 3285 voix, ce qui représente un joli score. Mon mandat va durer trois ans et il est d’usage de ne pas se représenter. Je précise qu’il s’agit d’un engagement bénévole.
J’ai commencé mon mandat il y a un mois. Je participe à un certain nombre de commissions et je vais bientôt rendre un rapport avec différentes propositions pour améliorer le quotidien des avocats parents. J’ai vraiment envie de faire avancer le système. C’est passionnant, enrichissant, exaltant ! Pour exercer pleinement son mandat, il faut être disposée à consacrer beaucoup de temps et de son énergie. Cela peut rapidement devenir très chronophage, il faut donc veiller à rester vigilante. Je suis également consciente que je vais faire des sacrifices au détriment de mes loisirs et de mon sommeil ! »
* Le Conseil de l’Ordre est l’organe délibérant, législatif et disciplinaire du barreau. Il est présidé par le Bâtonnier. Le Conseil de l’Ordre traite les dossiers concernant la profession d’avocat, son organisation, son avenir, mais aussi la justice et son administration, la sauvegarde des droits de l’homme et le respect des libertés fondamentales.