J’ai rencontré il y a quelques jours Agnès Stocchetti, une femme chef d’orchestre. Un parcours sous le signe de la musique et de l’envie que je suis heureuse de vous présenter !
Née dans une famille d’artistes (mère comédienne, frère musicien), Agnès Stocchetti étudie la musique dès l’âge de 10 ans. Elle apprend la flûte et le violoncelle à l’Ecole Normale de Musique de Paris. Elle obtiendra une licence de concert et une licence d’enseignement en flûte et violoncelle. Très jeune, elle donne des cours de musique. A 22 ans, le Conservatoire de Melun-Sénart lui propose de donner des cours de solfège. Elle y mettra en œuvre ses propres méthodes pédagogiques. On lui confie également la création d’un chœur. Elle décide alors de s’inscrire à un cours de chant lyrique car il lui paraît inconcevable de diriger un chœur sans savoir chanter. Elle dirigera le Chœur de Melun Sénart dans de nombreux projets durant plus de 8 ans. Ce chœur comptera jusqu’à 80 personnes, réunissant amateurs et professionnels. Agnès Stocchetti défend d’ailleurs avec ardeur les choristes amateurs et regrettent que la France ne compte plus que 6 000 chorales alors que dans d’autres pays comme l’Allemagne ou l’Angleterre, il en existe plus du triple. « Dans la culture nordique ou anglo-saxonne, on chante en chœur à l’école en pratiquant de façon décomplexée ».
En 2003, aspirant à davantage de liberté, elle décide de créer sa propre école lyrique par le biais d’une association : « le Chœur de la Ville« , située à Paris dans le 17ème arrondissement, avec l’envie de former des chanteurs, qu’ils soient chanteurs de chœur ou choristes professionnels. Elle donne 25 heures de cours en moyenne, le reste se partageant entre l’administration et l’organisation des concerts. « Il y a des périodes creuses et des périodes bien remplies où l’on travaille plus et de chez moi aussi ». Agnès a deux collaborateurs entre 5 et 10 heures par semaine et un réseau de bénévoles qui lui donnent des coups de main. A travers le Chœur de la Ville, composé de 40 chanteurs, elle propose des concerts lyriques où des grandes œuvres du répertoire sont reprises et où ses ensembles vocaux sont largement représentés. Durant les premières années, elle confie ses chœurs à un chef d’orchestre. Mais un jour alors que le chef d’orchestre ne peut assurer la direction pour raisons de santé, elle se décide à franchir le cap et devient elle-même chef d’orchestre après avoir suivi une formation. « J’y ai pris un plaisir fou. Je n’avais jamais osé le faire. Mais je me suis rapidement rendue compte que l’envie était plus forte que la peur ». Lorsqu’on lui demande de définir ce qu’est, selon elle, un chef d’orchestre, Agnès répond « une personne qui a envie de rassembler, de partager et de donner, ou d’amener à donner, le meilleur. Sur le plan technique il faut beaucoup de travail pour arriver à ce que la pensée guide le geste. C’est cela la grande maitrise technique : arriver à transmettre ce que l’on souhaite à l’orchestre et qu’ils le fassent ».
En 2009, elle monte l’Orchestre Symphonique composé de 40 musiciens professionnels qu’elle dirige à partir de 2010. Depuis cette date, elle produit chaque saison, avec son association, des concerts alliant un répertoire classique et des créations. « Je cherche à allier des créations contemporaines avec des programmes classiques qui rassurent les habitués tout essayant de les attirer vers une musique lyrique moderne ». C’est ainsi que Le Requiem de la Nativité d’Arnaud Dumond a pu côtoyer le Gloria de Vivaldi à l’Eglise de la Madeleine en 2012. Et cette année, elle dirige un programme en deux temps avec l’œuvre de La Grande Messe de Mozart, suivie par Le messager des étoiles, une création d’Hélène Blazy, notamment compositrice de musiques de films et d’ambiances. Lors de 3 représentations dans des lieux prestigieux (Eglise de la Madeleine – notamment le samedi 27 décembre prochain et Eglise Saint Louis), Agnès dirige 32 musiciens, 50 choristes et 4 solistes. « Nous répétons dans une belle ambiance, en confiance. Au fil des années, beaucoup sont devenus des amis. A travers la musique, il y a des émotions, de la générosité, de l’amour qui s’expriment » explique-t-elle le visage rayonnant.
Agnès Stocchetti fait partie des rares chefs d’orchestre féminins en France. Durant la saison 2013-2014, seules 17 femmes dirigeront un orchestre lors des 574 concerts prévus dans les différentes salles de France. On peut citer Claire Gibault à la tête du Paris Mozart Orchestra qu’elle a créé ou Emmanuelle Haïm qui a créé et dirige l’ensemble Le Concert d’Astrée. A la question de savoir s’il est difficile de faire sa place dans ce monde très masculin, Agnès répond en souriant que c’est parfois délicat. « Au départ, c’est toujours un peu difficile de s’imposer. On est obligé d’être très compétente. Et n’oublions pas que certains orchestres refusent encore d’être dirigés par une femme. De mon côté, j’ai réussi à établir de très bons rapports avec mes musiciens, qui sont pour la plupart des hommes. J’ai même parfois un rôle un peu maternant ! »
Agnès tient à sa double casquette de chanteuse lyrique et de chef d’orchestre. A un moment du concert, elle pose sa baguette pour faire un solo. « Mais il y a eu tout un travail de préparation et de répétition en amont qui fait que le jour du concert tout se passe normalement bien ».
En terme de conciliation de ses différentes sphères de vie, Agnès estime qu’elle a toujours réussi à préserver sa vie personnelle et familiale. « Je suis très présente auprès de mon fils (âgé de 11 ans), je l’ai également été pour mon beau-fils et ma belle-fille, qui maintenant volent de leurs propres ailes. Je rentre souvent à la maison vers 18h et je suis chez moi quasiment tous les week-ends. Les concerts ne sont pas si nombreux et en plus, mon fils vient y assister ! ». Elle souligne également la chance qu’elle a de pouvoir organiser son temps. « Et puis, je vis avec un compagnon qui est très présent et me soutient dans mes projets. Je suis également très entourée par ma famille ».
Lorsqu’elle regarde son parcours, Agnès le place sous le signe de l’envie. « Je n’ai jamais pensé carrière mais en fonction de ce que j’avais envie de faire. Parfois, il m’a fallu un coup de fouet pour m’affirmer et oser ! Je crois profondément que chacun a son chemin à mener ».