Lu pour vous

En aparté a lu « L’enquête » de Philippe Claudel

Philippe Claudel fait partie des auteurs français que je suis de près. Ainsi me suis-je réjouie à l’annonce de la sortie de son nouveau livre, L’enquête (éditions Stock, 19 euros).

De plus, ma curiosité avait été aiguisée lorsque j’avais su que l’auteur s’était emparé du monde du travail et de l’actualité sociale. En réalité, je ne pense pas que ce roman puisse vraiment s’apparenter à un livre sur l’entreprise comme avait pu le faire Delphine de Vigan dans Les heures souterraines. Il se rapproche davantage selon moi d’une fable, d’un récit philosophique. Même si une critique du monde économique contemporain et de certains travers du management est sous-jacente.

Alors ? J’ai bien aimé mais il ne fera pas partie de mes préférés. Je l’ai trouvé un peu froid, moins dense, moins riche que ses précédents (tels que La petite fille de Madame Linh, Les âmes grises ou encore Le rapport de Brodeck),  

L’histoire : un homme, l’Enquêteur, est envoyé dans une ville inconnue pour enquêter sur l’Entreprise dans laquelle une série de suicides se sont produits, pour des raisons mystérieuses. Cela commence « normalement » sur un quai de gare un peu sinistre, sous la neige, puis petit à petit, on tombe dans le non-sens, l’absurde, voire la folie. Après une longue errance, l’Enquêteur finit par atterrir dans un hôtel, ironiquement nommé hôtel de l’Espérance, où il doit apprendre le réglement par coeur avant de pouvoir accéder à sa chambre n° 14 située au neuvième étage et aux fenêtres murées. On pense bien sûr à Kafka. Le lendemain, l’Enquêteur espère encore pouvoir mener à bien sa mission. Mais déjà atteindre l’Entreprise, tentaculaire, menaçante, protégée par des fils barbelés, est une épopée. Il lui faut traverser une route envahie par un flot ininterrompu de voitures qui refusent de le laisser passer et de passants tout aussi robotisés, que rien ne fait dévier de leur trajectoire. Les personnages qu’il rencontre sont tous réduits à leurs fonctions le Vigile,
le Garde, le Guide, le Psychologue, le Policier, etc. Au bout de quelques jours, même notre narrateur en vient à oublier sa propre identité. Le terrible engrenage se déroule sans nos yeux et il devient de plus en plus difficile pour l’Enquêteur de lutter contre le non-sens, de comprendre quelque chose à un monde indéchiffrable.

Il s’agit donc d’un récit très métaphorique, qui relate le lent cheminement vers le néant, vers la négation de la personnalité, vers la déshumanisation. Mais j’ai trouvé que le trait était parfois un peu trop marqué. J’ai largement préféré ses précédents romans qui avançaient davantages par petites touches, plus humaines. L’Enquête manque de la puissance émotionnelle que j’avais trouvé dans ses autres romans. Mais cela ne m’empêchera pas d’acheter son prochain !

Pour rappel, j’avais écrit un billet consacré au monde du travail et de l’entreprise à travers la littérature.

Edit du dimanche 10 octobre : Tulisquoi a écrit un compte-rendu très intéressant de sa rencontre avec Philippe Claudel qui était venu parler de son livre à Metz.

3 thoughts on “En aparté a lu « L’enquête » de Philippe Claudel

  1. Bhou! J’ai dévoré les mêmes livres que toi mais je crois que celui-là je vais m’en passer. Il me reste sous le coude « le bruit des trousseaux de clés », j’espère ne pas être déçue!

    Et pour les 2 ans de blog, héhéhé, je vois que tu cogites. Moi, ça y est, j’ai même fait les photos ce week-end….encore 3 petites semaines….je compte sur toi pour participer!

      

  2. @ mamancrevette : j’ai lu le bruit des trousseau de clés mais il y a un bon petit moment déjà. J’en garde un bon souvenir mais très différents de ces romans,
    plus un témoignage sur son expérience du milieu carcéral. Et bien sûr que je participerai à ton concours…moi, j’avoue que je ne suis pas très créative pour organiser des concours .

      

  3. Alors voilà, lecture terminée. Je suis d’accord avec toi, le trait est parfois un peu gros et certaines ficelles se repètent un peu. Mais dans l’ensemble, j’ai beaucoup aimé ce roman qui gomme
    justement tout le côté humain pour ne plus laisser place qu’à des robots… Mais c’est effectivement assez différent de La petite fille de M. Linh ou Le rapport de Brodeck.

    Peut-être que le fait de l’avoir rencontré une semaine avant de lire le livre a aussi joué sur ma façon de le lire…

      

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