Je viens de regarder La maison de la rue en pente (6 épisodes, disponibles sur Arte), une série japonaise mettant en scène Risako, une mère de famille sans histoire qui va être bouleversée par son rôle de jurée suppléante, lors d’un procès pour infanticide qui change radicalement sa vision de la maternité. Une série japonaise aussi dure que poignante, éclairant les angles morts d’une société patriarcale corsetée par les conventions et où l’émancipation professionnelle des mères est encore très mal vue.
Même s’il existe de fortes différences culturelles, sociales, professionnelles entre la France et le Japon, il y a des éléments universels, me semble-t-il, dans cette série : le partage des tâches au sein d’un couple, la charge mentale liée à la maternité, le burn-out maternel, les normes sociales ou familiales, etc.
J’ai trouvé cette mini-série psychologiquement réussie. Au départ, tous les jurés jugent très sévèrement et sans nuance cette mère qui a causé la mort de sa fille de 8 mois par noyade (mais comment en est-elle arrivée là : était-ce un accident, une perte du discernement, un acte volontaire ? ). Ils sont horrifiés, choqués, effrayés. Mais progressivement, durant les quelques jours que dure le procès, chacun des jurés et une femme juge, vont réfléchir et questionner leur propre couple, leur façon de vivre la maternité (ou la non-maternité) ou la paternité, les injonctions/conseils que la société, la belle-famille, les amies transmettent avec plus ou moins de bienveillance. On comprend rapidement que l’accusée a subi des violences psychologiques et qu’elle traversait un véritable burn-out maternel.
Le personnage principal de la série, Risako, une jeune femme, mariée, mère d’une fillette de trois ans, est bouleversée par le geste de cette femme. Cela remue en elle des choses douloureuses et progressivement elle s’identifie à l’accusée. La façon dont son mari met en doute ses capacités de mère et rentre tard du travail, les conseils de sa belle-mère qui sous couverts de conseils jugés bienveillants la font terriblement douter et culpabiliser, etc. Parfois une simple parole, un geste (ou une absence de geste) suffise à fragiliser une jeune mère.
Alors bien sûr, la société japonaise et française sont différentes. Et la condition féminine au Japon, telle qu’elle est montrée dans la série, n’est guère enviable. En France, les sujets du baby blues, de la dépression post-partum sont abordés et pris en charge, les femmes sont très largement entrées dans la vie active, la charge mentale et le partage des tâches sont également régulièrement discutés. Cependant, certains sujets sont très largement universels : la pression pour tout mener de front et réussir, la question des injonctions vis-à-vis des mères (personnellement, je trouve que ces pressions sont de plus en plus fortes, notamment à cause des « excès » de l’éducation bienveillante, du sur-investissement dans l’enfant et des réseaux sociaux, il faudrait d’ailleurs que j’écrive un billet sur ce sujet), mais aussi le sujet des violences psychologiques, les questionnements et inquiétudes inhérents à la maternité, les tiraillements entre vie professionnelle et éducation des enfants, l’isolement et la solitude de certaines jeunes mères dans nos sociétés occidentales, la fatigue face aux caprices enfantins, etc.
Une question posée par la jeune juge m’a frappée : « être une mère inapte, quelle est la gravité de ce crime ? »
Bref, une série vraiment qualitative et sensible que je vous conseille. Pour information, cette série a été réalisée par Yukihiro Morigaki d’après un roman de Mitsuyo Kakuta (Saka no Tochū no Ie, paru en 2016, inédit en France).
J’avais déjà abordé le sujet du burn-out maternel dans ce billet en 2012, L’épuisement des mères, un sujet difficile à aborder.
Voici la bande-annonce et pour visionner la série, c’est là.