Lu pour vous

En aparté a lu pour vous « Le travail sous tensions »

J’ai lu avec intérêt le dernier ouvrage de Michel Lallement intitulé « Le travail sous tensions » (Editions Sciences Humaines, 10 euros). Professeur titulaire de la chaire d’Analyse sociologique du travail et de l’emploi au Cnam, il avait publié en 2007 chez Gallimard « Le travail. Une sociologie contemporaine« . Un pavé (550 pages) et une référence.

Cette fois-ci, il s’agit d’un court ouvrage (128 pages), qui tente de montrer les principales tensions structurelles et conjoncturelles, de type macrosocial ou microsocial, qui traversent le monde du travail aujourd’hui. Ces tensions sont « le produit de mutations (nouvelle donne économique et technologique) et de stratégies gestionnaires qui ont des conséquences tous azimuts sur les flux de main d’oeuvre internationaux, le marché de l’emploi, l’organisation des entreprises, les conditions de travail ou encore l’articulation entre les multiples temps sociaux qui rythment notre vie quotidienne ».

Voici quelques-unes des tensions évoquées :
– des mondes du travail en pleine recomposition à l’échelle internationale et de la France qui notamment durcissent les oppositions entre travail de riche et travail de pauvre et brouillent les frontières entre les secteurs publics et privés.
– le travail entre autonomie et contrainte (les fameuses injonctions contradictoires, du genre « passez du temps avec le client » et « faites du chiffre » )
– la coopération dans la division
– l’emploi contre le travail (en cherchant à créer coûte que coûte de l’emploi, n’est-ce pas les conditions de travail qu’indirectement on abîme, s’interroge l’auteur)
– catégories anciennes et réalités nouvelles (les catégories dont nous disposons aujourd’hui pour penser le travail sont en partie obsolètes et peinent à rendre compte de toutes les transformations contemporaines).

Un point a particulièrement attiré mon attention (même s’il ne s’agit que d’un point parmi d’autres explorés par l’auteur) : le fait que parmi les sources de souffrance et de stress au travail (l’auteur préfère parler des maux du travail), il en est une dont on parle moins mais qui a son importance. C’est celle qui vient non pas tant de l’organisation du travail, de l’entreprise, des modes managériaux, etc. mais de nous  (en tant qu’usagers, clients, patients, etc.) ! Il rappelle que près de 7 salariés sur 10 sont désormais en contact avec le public et que parmi ceux-là, « près d’un salarié sur quatre travaillant avec le public subit des agressions verbales » (selon une étude de la Dares). C’est le cas des chauffeurs de bus, des postiers, des banquiers, des enseignants mais également des personnels de santé, des employés des services publics…

Si l’on évoque (et dénonce) largement le conséquences potentiellement néfastes des systèmes d’évaluation, des injonctions contradictoires, de l’intensification du travail, du court-termisme, du poids de la finance, il me semble que l’on parle moins du stress, voire de la violence que l’homme (au sens générique) fait parfois subir à l’autre par son comportement, son langage, son arrogance, son impatience, son mépris, sa colère, etc.

Et l’on se dit, un peu naïvement peut-être, que si des comportements aussi simples que le respect, la politesse, l’écoute, la patience étaient un peu plus respectés, le stress au travail serait peut-être moindre dans certaines professions.

Je conseille la lecture de 2 interviews intéressantes de Michel Lallement à propos de cet ouvrage  :

Il faut redonner droit aux cultures de métier » (parue dans le journal La Croix)
Il faut réinventer les utopies du travail (parue sur le site scienceshumaines.com)

Merci à Elsa, du blog Et voilà le travail, d’avoir signalé la sortie de cet ouvrage dans sa revue de presse et de livres. C’est grâce à elle que je l’ai lu.

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