Vie personnelle et vie professionnelle, vers un nouvel équilibre dans l’entreprise ?

Je viens d’achever « Vie personnelle et vie professionnelle, vers un nouvel équilibre dans l’entreprie ? » de Marc Dumas, maître de conférences en sciences de gestion et formateur en management d’équipes, qualité de vie au travail et audit social. Cet ouvrage est très riche et très complet. A la fois théorique et pratique. Je le recommande donc vivement aux entreprises et aux salarié(e)s !

Le plan est simple mais efficace : l’auteur analyse la place du travail aujourd’hui, puis les modalités concrètes d’articulation entre vie professionnelle et vie personnelle, les frontières floues entre la vie professionnelle et la vie personnelle et enfin les outils d’une politique de promotion du bien-être et d’articulation vie personnelle et vie professionnelle.

La question de la valeur travail :
– Le travail ne constitue plus le seul moyen d’épanouissement personnel et le seul fondement du lien social. Les autres temps sociaux (famille, activités personnelles ou associatives) prennent de l’importance et le hors travail contribue à une prise de distance.
– Les salariés ne veulent pas travailler moins ou plus, mais mieux.
– La priorité est donc de revaloriser la qualité de la vie au travail.
– Pour réconcilier « bonheur » et travail, quelques pistes pour les entreprises : favoriser l’autonomie, contribuer à la réalisation de projets personnels, faire la chasse au travail qui rébute (améliorer les conditions de travail, évaluer les compétences managériales, limiter les comportements de « petits chefs »), accorder davantage de place aux idées de la nouvelle génération tout en revalorisant la place des anciens, revenir au travail « réel » et agir sur le contenu du travail.

L’articulation vie personnelle et vie professionnelle :
– L’articulation travail/hors-travail peut se traduire en conflit mais aussi par un enrichissement réciproque. (Remarque personnelle : ce dernier point, très peu évoqué, me paraît personnellement fondamental à la fois pour les individus et pour les entreprises. Et pourtant voir l’articulation comme un potentiel enrichissement mutuel est très loin d’être suffisamment pris en compte par les entreprises. Un exemple tout simple : après une ou plusieurs années de « pause » professionnelle pour s’occuper de ses enfants, inutile de s’étendre sur la façon dont les employeurs vous regardent comme si vous étiez complètement « out », démotivée, pas opérationnelle…. Les mentalités ont vraiment besoin d’évoluer….)
Mais revenons au livre !
– Le conflit travail/famille peut apparaître dans les deux sens (interférence de la famille sur le travail ou l’inverse).
– Plusieurs facteurs de stress favorisent la naissance et l’intensité de ce conflit. Dans l’emploi, ce sont : la surcharge de travail, les conflits de rôle, le manque d’identité au travail et le manque d’autonomie.
Dans la vie familiale, ce sont : la mésentente conjugale, la présence de jeunes enfants, la responsabilité d’une tierce personne qui ne vit pas dans le foyer…
– Autre facteur de conflit : une implication psychologique forte dans un des rôles
– Les contraintes professionnelles qui pèsent sur la vie de famille sont : l’éloignement du lieu de travail, les horaires de travail (notamment le WE ou les horaires atypiques), le stress lié à l’activité professionnelle, les déplacements, un travail sans intérêt et peu reconnu, les problèmes relationnels dans l’équipe….
– La première approche pour mieux comprendre le conflit travail-famille est basée sur la notion de frontière (physique, temporelle et psychologique), la seconde sur la notion de ressource.
– La frontière entre les deux sphères correspond à une régulation des activités. Cela peut vouloir dire : consacrer moins de temps et d’énergie à l’une des activités pour se consacrer à l’autre, reporter une activité à plus tard (avoir des enfants après 35 ans…), modifier les modes de fonctionnement d’une activité, cloisonner. Mais qu’il y ait ou non frontière, elle est perméable et flexible.
– L’auteur rappelle que les renoncements sont très sexués, les écarts constatés reflétant souvent la division du travail entre hommes et femmes. Les femmes renoncent plus souvent que les hommes aux activités personnelles et sociales.
– Selon le modèle des ressources, les individus cherchent à obtenir et à conserver des ressources. Une perte potentielle ou réelle de ressources conduit au stress et à des tensions. Le modèle des ressources intègre les ressources disponibles à trois niveaux :
1) au travail ou dans l’organisation (soutien social et conditions de travail qui comprennent la flexibilité du temps de travail, le temps partiel, etc.),
2) dans la famille (soutien social et émotionnel telles que la compréhension, l’écoute et la sympathie et soutien instrumental tel qu’une aide domestique, possibilités de garde d’enfants par des membres de la famille…)
3) en eux-mêmes (certaines valeurs personnelles et traits de personnalité permettent de mieux faire face aux tensions et au stress : stabilité émotionnelle, extraversion, sentiment de contrôle sur les exigences professionnelles et personnelles, sentiment d’efficacité personnelle).

– Le modèle de l’enrichissement mutuel montre comment tirer partie d’une implication dans un rôle donné dans un autre rôle. Ainsi, assumer son rôle de parent permet de renforcer ses compétences au travail et de faciliter la performance individuelle et collective. La famille permet de développer ses compétences relationnelles et peut être source d’équilibre, de réconfort, source qui permet d’être plus efficace, d’évacuer le stress et les tensions.
– Autre exemple : des salariés évoquent l’importance et le caractère bénéfique de leurs responsabilités et implications dans une association de parents d’élèves dans leurs responsabilités et leurs évolutions professionnelles.
– Les employeurs doivent être convaincus de l’enrichissement dû à une implication hors-travail mais aussi que l’articulation vie privée et vie professionnelle est un élément constitutif de la qualité de l’emploi.

Frontières floues entre la vie professionnelle et la vie personnelle
L’auteur rappelle ici des choses plus connues, sur lesquelles je ne m’éterniserai donc pas :
– L’entreprise doit-elle gérer la vie privée de ses salariés ?
– Les frontières juridiques entre vie personnelle et vie professionnelle,
– Les entreprises qui essayent de développer un esprit famille (avantages et risques) ou celles qui développent un esprit de communauté à travers des formes de familiarité (tutoiement, casual friday, soirées, déjeuners…) ,
– Les entreprises qui cherchent à devenir des espaces de travail plus agréables (ex : restaurants d’entreprise, espace fitness, salle de repos, conciergeries, etc).
– L’intrusion du travail dans la vie privée avec les TIC (portable, ordinateur, etc.) surtout pour les cadres : facteur de flexibilité et de souplesse mais aussi de stress et de surcharge de travail.
– L’auteur évoque aussi un sujet tabou : celui des activités personnelles effectuées durant les heures de travail.
– Enfn, le développement du travail nomade et du télétravail (avec leurs limites)

Comme j’ai déjà été longuette, j’évoquerai dans un prochain billet la dernière partie consacrée aux outils d’une politique de promotion du bien-être et d’articulation vie personnelle et vie professionnelle.

Vie personnelle et vie professionnelle : vers un nouvel équilibre dans l’entreprise ? de  Marc Dumas, éditions ems, 2008, 19,50 euros