En tête à tête

En tête à tête : Cécile et sa fille Coline

cecile&colineAprès une longue pause, En Aparté est de retour ! Et j’ai le grand plaisir d’accueillir Cécile et sa fille Coline dans la rubrique Parent / Enfant (pour en savoir plus sur l’esprit de cette rubrique, je vous invite à (re)lire ce billet).

Cécile est bien connue des lecteurs de ce blog : en effet, elle témoigne régulièrement autour de la façon dont elle concilie vie personnelle et vie professionnelle (en 2012, 2014 et 2016).

Un très grand merci à elle et à sa fille Coline de leur confiance ! A chaque fois, je lis les réponses avec beaucoup de plaisir et d’émotion.

Cécile

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je suis Cécile, j’ai 47 28 ans passés un peu et 6 enfants. 4 garçons et 2 filles, qui ont de 11 ans à 19 ans. J’habite en banlieue parisienne depuis 12 ans maintenant. Chaque vendredi la maison se remplit des enfants ou se vide. Pour une semaine. Je travaille à plein temps pour un constructeur automobile. J’ai en charge un programme international qui permet de mesurer la qualité de service apportée à nos clients. Et y’a du boulot !

Même si j’ai plusieurs fois changé de poste, ce constructeur a été mon premier et seul employeur depuis 1990, mais entre 2000 et 2011, j’ai été à la maison pour accoucher, élever les enfants, couver, accoucher, élever les enfants, militer pour une association, couver, passer un ou 2 diplômes, accoucher, élever les enfants.

Quelle image pensez-vous avoir transmis de la vie professionnelle/ de votre métier ?

Coline doit se souvenir de moi mère au foyer, et m’a vue reprendre le travail en 2011. Je pense lui transmettre (j’ai du mal à parler au passé parce que je suis encore en plein dedans) pas mal d’enthousiasme autour de la vie professionnelle. Ce n’est pas l’enfer, on peut avoir la chance de faire un métier qu’on aime. Et ça vaut la peine de se battre pour cela, et donner pas mal de soi.

Quelles valeurs avez-vous souhaité transmettre à votre fille ?

Je pense lui avoir transmis (et ce n’est pas fini j’espère) des valeurs qui ont à voir avec l’enthousiasme, l’optimisme, une pincée d’autodérision et d’humilité, un peu de dépassement de soi, la confiance en soi avec les talents qu’on possède, et l’exigence aussi. Réussir demande des efforts, mais l’estime de soi est un sentiment magnifique à ressentir. Et puis la force de la famille, et de la fratrie, celle qui sera là, toujours, irrévocablement, dans quelque situation que ce soit.

Quel modèle de conciliation vie privée / vie pro pensez-vous avoir donné ?

Je n’ai pas la prétention de penser que ce soit un modèle. C’est un exemple vivant dans une situation donnée. Et évidemment en solo une semaine sur 2 avec 6 enfants, c’est un sujet hyper important. Parce que déraper est facile, se noyer aussi. Je propose l’exemple d’une carrière interrompue pendant 11 ans parce que nous avions fait le choix d’avoir une famille nombreuse, et que je souhaitais profiter de ces années avec les enfants petits. Ensuite, la réalité économique s’est imposée, et l’envie de travailler pour m’épanouir, pour progresser, pour être utile. D’ailleurs je crois pouvoir dire que c’est  cette reprise qui a été à l’origine, ou le révélateur du déséquilibre du couple que je formais avec le père de mes enfants. Pour autant, ce n’est pas parce que les 2 parents travaillent qu’ils doivent divorcer. Même avec une famille nombreuse !

Je trouve aussi très important de parler avec mes enfants du rôle et de la place de la femme dans la famille, et dans le couple mais aussi dans l’entreprise. Même si cela a beaucoup évolué, le secteur de l’industrie automobile est majoritairement masculin et « viril ». Alors j’ai tous les jours des anecdotes à raconter, et je n’hésite pas. Pendant les années où j’étais à la maison, même s’ils étaient petits pour en avoir conscience, nous proposions un schéma « papa travaille, maman reste à la maison », et ce n’est pas le seul exemple que je souhaitais transmettre, même s’il s’agissait d’un choix commun. Mais plutôt montrer que la conciliation vie pro/vie familiale c’est une forme d’adaptation permanente à des situations qui changent, et dans laquelle les parents doivent chacun, individuellement, trouver leur place, leur épanouissement, et beaucoup de plaisir.

Aujourd’hui, je leur montre aussi qu’avoir fait le choix d’interrompre ma carrière pendant 11 ans ne m’a pas empêché d’avoir aujourd’hui un job que j’aime, dans lequel je réussis plutôt pas mal et je progresse.  Et c’est compatible avec un choix d’élever une famille nombreuse.

Pouvez-vous me citer un moment privilégié avec votre fille auquel vous êtes attaché ?

Ces moments privilégiés ne sont pas forcément réguliers ou répétés. Quand on vit à 7 dans une maison, les moments à 2 sont par essence privilégiés : regarder un film planquées sous un plaid sur le canapé, vider et trier les placards de sa chambre, partager un trajet en voiture, je profite de chacun de ces instants.

Estimez-vous avoir été plutôt disponible pour votre fille durant son enfance / adolescence ?

Oui je pense l’avoir été autant que c’était possible, pour elle, comme pour chacun de ses frères et sœurs. A certaines périodes plus qu’à d’autres. Parce que je pense que mon rôle est de toujours rester attentive aux besoins des enfants pour pouvoir y répondre au moment voulu, sans négliger le fait que 5 autres ont besoin de moi également. Me rendre disponible pour elle à des périodes de plus grande fragilité ou de questionnement. Et Coline ne donne pas toujours la clé, il faut lire à travers les émotions qu’elle exprime.

A votre avis, de quoi a-t-elle le plus pâti du fait de votre activité professionnelle ?

Hum, j’espère qu’elle n’en pâtit pas… j’ai adapté mon rythme de travail à son âge, et à celui de ses frères et sœur. Plus ils sont absents de la maison, plus je le suis aussi. J’ai commencé par reprendre à mi-temps, puis à 60% et maintenant à plein temps avec 2 journées en télétravail. Les mercredis où les enfants sont à la maison, je suis en RTT l’après-midi. Je suis une adepte du blurring, terme affreux qui décrit cette possibilité que je me donne de tout lâcher au bureau pour me rendre disponible pour les enfants pour un coup de fil, ou un RV, mais aussi de rallonger mes soirées pour finir de préparer une réunion.

Quels conseils lui donnez-vous régulièrement concernant son avenir ?

Coline est à l’âge où elle doit poser des choix. Elle a une idée précise du métier qu’elle souhaite faire depuis qu’elle a 10 ans. Elle est ambitieuse, elle est courageuse, elle est volontaire. Le seul conseil que je puisse lui donner est d’aller au bout de ses ambitions, de ses rêves, il sera bien temps de s’adapter en cours de route si nécessaire. Je ne la lâcherai pas en route.

Comment qualifieriez-vous l’éducation que vous avez souhaité donner à votre fille ?

Pas simple de répondre à cette question. Je pourrais dire que j’ai essayé de lui donner une éducation qui soit une bonne adéquation entre mes propres valeurs (reçues et adaptées de ma propre éducation), sa personnalité en voie de construction, et le monde dans lequel elle se prépare à vivre sa vie d’adulte.

De quoi êtes-vous le plus fier dans l’éducation que vous lui avez donné ?

Je pense lui avoir permis d’avoir une individualité très forte, originale, affirmée, plutôt solide, sans pourtant être individualiste. Elle a le sens de l’autre, de sa famille, de ses amis, et ça, c’est chouette.

Avec le recul, changeriez-vous certaines choses dans la façon dont vous avez concilié vie professionnelle et vie familiale ?

Rien, pas d’un iota.

Estimez-vous avoir suivi de près sa scolarité, ses devoirs ?

Je m’y suis toujours intéressée, je pose des questions, j’ai essayé de lui donner des billes en méthodologie. Pour le reste, elle s’est toujours débrouillée seule et sait me trouver quand c’est nécessaire. Elle a tenté récemment de me demander de l’aide en génétique, mais les chromosomes et les gamètes, ça ne rentre pas dans mon schéma intellectuel.

Par contre j’ai toujours été attentive à son bien-être à l’école. Quand je rentre à la maison, même si elle est dans sa chambre, je crie un bonjour et selon le ton de la réponse, je sens assez facilement si la journée s’est mal passée. Si c’est le cas, je m’assure que la soirée qui suit lui permet de se détendre, de lâcher le morceau si besoin, de passer à autre chose, de recharger ses batteries.

Le dosage n’est pas toujours facile à trouver, je ne souhaite pas être intrusive, mais juste m’assurer de son bien-être. Sa scolarité, sa vie à l’école, c’est sa route vers l’autonomie.

Coline

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Coline, j’ai 18 ans et je suis en terminale S. J’ai 4 frères de 19, 16 14 et 11 ans, une sœur de 11 ans et une lapine. Je passe la moitié de mon temps chez maman, l’autre chez papa.

Quelle image de la vie professionnelle vous a été transmise par votre mère ?

J’en ai une image super positive. Maman a arrêté de travailler longtemps pour s’occuper de nous, j’ai eu l’impression qu’à son retour elle a été accueillie comme si elle n’était jamais partie. J’imagine que sa reprise n’a pas été des plus faciles mais aujourd’hui elle a un métier qui lui plait. Elle prend plaisir à travailler et ça se voit. Je pense que se plaire dans son milieu professionnel est essentiel. Cette image qu’elle m’a transmise me donne vraiment envie de rentrer dans la vie active.

Quelles valeurs vous a-t-elle transmises ?

J’ai toujours eu du mal avec cette question de valeurs…

Pouvez-vous me citer un moment privilégié avec votre mère auquel vous êtes attaché ?

Avant j’aurais dit les trajets en voiture qu’on partageait pour aller à la natation synchronisée, on parlait de tout et de rien 3 fois par semaine, ça me faisait vraiment du bien; aujourd’hui je dirais plutôt les moments où l’on a l’occasion d’être juste toutes les deux pour discuter et échanger. Je prends plaisir à rester des heures seule dans ma chambre, mais ce que je préfère c’est quand parfois elle ouvre ma porte juste avant d’aller se coucher pour qu’on discute 3 minutes. J’aime tout autant des moments un peu moins privilégiés comme des discussions entre maman, mon grand frère et moi ou alors nos sorties en famille qui sont rares par manque de disponibilité mais toujours au top.

Quel modèle de conciliation vie privée / vie pro vous a-t-elle transmis ?

Pendant les semaines où nous sommes avec elle, Maman travaille de la maison 2 jours, le mercredi et le vendredi. Ca nous permet de profiter d’elle toute un après-midi. Et puis le soir elle rentre vers 18h30. Elle reste vraiment disponible pour nous. Plus tard, je ne me vois vraiment pas travailler de la maison mais c’est vrai qu’être là le soir pour le diner c’est vraiment quelque chose que j’essayerai d’imiter.

Estimez-vous avoir manqué de quelque chose du fait de son métier ?

Vraiment pas. Maman a toujours été disponible quand il le fallait, je n’ai manqué de rien du fait de son travail.

De quoi êtes-vous le plus fier chez votre mère ?

Je suis fière de tout son parcours professionnel, de sa conciliation famille-boulot, de ce qu’on est devenu grâce à elle, de sa faculté à toujours trouver des solutions, je suis fière de son aventure grâce à son blog, de son talent d’écriture.

Estimez-vous qu’elle a été globalement disponible pour vous durant votre enfance / adolescence ?

Oui, maman a toujours été disponible dans n’importe quelles circonstances.

Diriez-vous qu’elle a suivi de près votre scolarité, vos devoirs ? Trop, pas assez, juste ce qu’il faut ?

Maman suit ma scolarité juste ce qu’il faut. Je n’aime pas qu’on suive de trop près chacun de mes faits et gestes au lycée, non pas parce que j’ai des choses à cacher, mais parce que j’aime être autonome dans ce que je fais. Je sais qu’en primaire elle suivait beaucoup plus ma scolarité; je me souviens des leçons d’histoires interminables que j’avais à apprendre, maman m’aidait à les mémoriser en trouvant des aide-mémoires improbables. J’en souriais devant ma feuille de contrôle. Je ne disais pas non à un petit coup de pouce dans ces moments là. C’est à partir de la 6ème que j’ai commencé à être de plus en plus indépendante au niveau de mes devoirs. Mais je sais qu’elle garde un oeil sur tout ça et que Pronote n’est jamais très loin.

Comment qualifieriez-vous l’éducation que vous avez reçue ?

Je n’ai rien à redire sur mon éducation, mes parents ont su être aussi souples que fermes aux moments venus.

Pensez-vous plutôt reproduire l’éducation que vous avez reçue si un jour vous avez des enfants ?

Je pense que je reproduirai naturellement l’éducation que j’ai reçue avec mes enfants.

Quel équilibre entre votre travail et votre vie personnelle/familiale souhaitez-vous atteindre adulte ?

J’espère être disponible autant que nécessaire pour mes enfants sans pour autant être sur leur dos tout le temps. J’aimerais parvenir à trouver ce bon équilibre entre mon travail et ma vie perso que maman maîtrise.

Avez-vous déjà une idée du métier que vous souhaitez faire plus tard ? Et pensez-vous faire le même métier toute votre vie ?

J’aimerais être gynécologue obstétricienne, et oui j’aimerais vraiment que ce soit mon métier pour la vie.

Quels conseils régulièrement donnés par votre mère vous semblent porter leurs fruits ?

Je reviendrai dans quelques années pour répondre à cette question, il est peut être encore un peu tôt pour savoir si ses conseils portent leurs fruits sur le long terme, mais ils le feront c’est certain. Aujourd’hui, je me sens bien dans ma peau, et si je suis celle que je suis c’est grâce à elle.

2 thoughts on “En tête à tête : Cécile et sa fille Coline

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