Que deviennent-elles (ils) ?

Parcours au fil du temps : Marlène

LMPT porte à porteC’est au tour de Marlène de donner de ses nouvelles dans le cadre de la rubrique Parcours au fil du temps. Marlène,  31 ans, 2 enfants, avait témoigné la première fois en 2010 alors qu’elle était directrice éditoriale au sein d’une agence à Paris et qu’elle avait une petite fille puis une deuxième fois en 2013 alors qu’elle venait d’avoir une seconde fille, qu’elle s’apprêtait à travailler pour Lagardère et que l’association Maman travaille ne cessait de prendre de l’ampleur (notamment via la Journée Maman travaille). Et depuis ce témoignage,  il y a eu beaucoup de changements ! Merci Marlène d’avoir pris du temps pour m’envoyer tes dernières infos !

Depuis ton dernier témoignage, comment ta situation personnelle et professionnelle a-t-elle évolué ?

Evolué ? Je dirais plutôt « chamboulé » ! Depuis peu, je suis devenue adjointe au Maire du Mans, en charge de l’égalité, la lutte contre les discriminations et l’application de la charte LGBT. Au moment de notre dernière interview, je m’apprêtais à publier « Les 200 astuces de Maman travaille ». Il vient d’être réimprimé pour une deuxième édition… J’ai sorti depuis « Le Dictionnaire déjanté de la maternité » chez Michalon, presque 400 pages de définition de la novlangue maternelle. Et « Le Guide de grossesse de Maman travaille« . Je travaille à la suite des « 200 astuces de Maman travaille »; et un essai « Plafond de mère » sur les mécanismes managériaux, psycho sociaux et sociétaux du plafond de verre appliqué à la maternité, qui sortira à la rentrée dans une maison d’édition universitaire belge.

Et mon premier roman sort en mai… Là, dans 15 jours – 3 semaines, je crois; chez Stock.

Nous avons organisé avec l’équipe une Journée Maman travaille absolument formidable, et je le dis d’autant plus immodestement que j’avais été très critique sur la première (je sortais à peine de la maternité, à ma décharge). Bref, organiser ça tout en gérant un nouveau poste, en écrivant mes livres, en animant le blog Maman travaille, en restant fusionnelle avec ma fille aînée et en faisait face à une maladie tropicale de mon bébé (guérie depuis à force de prières même si Dieu merci, je ne suis pas croyante) ; m’a conduite à passer par quelques épreuves et à réaliser que je n’étais pas Wonder Woman.

Du coup, s’est imposée (pour ces raisons et pour d’autres) la décision de quitter mon nouveau poste chez Lagardère et de créer de nouveau une entreprise (je suis officiellement une serial entrepreneuse) de conseil en égalité hommes/femmes et conciliation vie professionnelle / vie familiale .

Et tant qu’à faire, quitter aussi Paris où j’avais l’impression que cette espèce de spirale d’activités professionnelles et militantes auxquelles je ne sais pas dire non allait finir par m’aspirer. Le statut de présidente de Maman travaille avec la proximité du blog fait que les gens m’abordent facilement. C’est une bonne chose, parce que c’est la preuve que Maman travaille parle et représente.

Mais à un moment, je me suis trouvée à prendre à ma charge la résolution d’une multitudes problèmes auxquels malheureusement, je ne pouvais rien. Me voilà donc cheminant gaiement en famille direction une jolie petite maison acquise à grand renfort de crédit sur 19 ans 1/2 (« Bonjour, je m’appelle Marlène et je suis phobique de l’engagement… ») dans la bonne ville du Mans, ville où j’étais allée une fois dans ma vie, dix minutes.

Avec dans l’idée de couler des jours heureux autour des thèmes suivants: relire André Breton et Fitzgerald (Francis Scott et Zelda) + composer des morceaux au piano + découvrir tous les mash-ups mixés du monde + faire des cupcakes avec mes enfants + écrire des livres, le blog Maman travaille, et animer des conférences ponctuellement.

Bon, évidemment, rien ne s’est passé comme prévu. Peu après mon arrivée, j’ai été classée par Europe 1 parmi les 100 personnes les plus influentes du web français (je n’en tire aucune gloire, on sait que les classement sont arbitraires, c’est pour contextualiser) ce qui m’a valu quelques articles et la une du journal local, le Maine Libre. L’attachée de presse du Maire et le Maire m’ont invitée à les rencontrer.

Je me suis donc retrouvée le 31 décembre dans le bureau du Maire, avec mes enfants sur les genoux et le directeur de cabinet du Maire m’expliquant en quoi allait consister cette campagne… Mais c’est un autre sujet !

Ton équilibre vie perso / vie pro a-t-il été modifié ? En quoi ? En mieux, en moins bien ? 

Totalement. Par plusieurs événements: le changement Paris / province d’abord. Tout est plus facile ici. Parfois j’ai encore le réflexe parisien de me dire que j’en ai pour 1 heure de métro pour aller à un rendez-vous, et je réalise qu’il me faut 10 minutes de tram’, ce qui augmente considérablement le nombre de choses que vous pouvez faire dans une journée. Je fais des choses qui pour moi relevaient du cliché comme du vélo ou des barbecues. Je retourne à Paris une fois par semaine en moyenne pour voir mes éditeurs, répondre à des interviews ou organiser les activités de lobby de Maman travaille auprès des institutions ou des nos partenaires. J’avais peur de me retrouver seule au Mans, éloignée de ma famille et de mes amis; mais finalement ce sont mes amis parisiens qui me disent « On n’ose pas t’appeler, tu as l’air très entourée au Mans » !

Après, bien sûr, ce sont de nouvelles habitudes à prendre. J’allais beaucoup à Beaubourg et aux avant-premières au cinéma avec ma fille, il nous a fallu remplacer ces réflexes par d’autres, comme l’Arche de la nature et bientôt, les Quinconces, un immense espace dédié aux arts (théâtre, peinture, cinéma…) en face de la Mairie.

marlene schiappa photoMon engagement corps et âme dans la campagne – qui m’a passionnée – puis dans mes missions d’élue, au contact des gens de cette ville, a aussi forcément changé mon approche de beaucoup de choses. Concilier vie pro et vie perso, c’est déjà assez complexe pour que ce soit mon thème de prédilection quotidien; mais concilier vie pro et vie perso et vie politique, c’est du surréalisme ! Les réunions à 18h30 avec une heure de fin indéterminée, l’ultradisponibilité permanente requise oblige bien des femmes (qui s’acquittent encore de 80% des tâches ménagères en moyenne) à y renoncer tout simplement.

Quand on est en « réunion de majorité » pour préparer le conseil municipal à 19 heures et qu’on se demande si les enfants ont mangé les lasagnes qu’on avait prévues et si la grande a pensé à vider son sac de piscine, on touche du doigt la complexité de la conciliation vie pro / vie perso. Parce que même si elles sont avec leur père ou avec une personne de confiance, j’ai souvent simplement envie de leur faire un bisou et de chanter une chanson avec elles. Si l’on n’a pas ces moments-là, c’est plus compliqué, je trouve, d’imposer le lendemain matin des choses comme « Non, tu n’emmènes pas de Petshop à l’école. »

Parmi les femmes élues au Mans, il y a plusieurs autres mères actives dont j’admire beaucoup l’engagement et la capacité à tout concilier. Par exemple Mariette Karamanli, qui est aussi députée; ou Agnès Besnard, mère de deux enfants (dont l’un baby-sitte les miennes) formatrice et adjointe au Maire en charge de la culture; la 1ère adjointe au Maire, Isabelle Sévère, qui est aussi enseignante; Elen Debost, qui en plus d’être adjointe au Maire en charge de la jeunesse est secrétaire régionale d’Europe Ecologie Les Verts et élève deux enfants, dont une ado… Comme l’a dit le Maire, on a des « Maman travaille » et des « Maman milite » !

Être une femme ajoute aussi une difficulté, dans la mesure où l’on est toujours jugée à travers ce prisme. En ce sens, je suis aussi admirative du travail de fond accompli par Sylvie Tolmont, députée de la Sarthe.

Nous, nous avons, au Mans, l’immense chance d’avoir un Maire, Jean-Claude Boulard, très concerné par les questions d’égalité hommes/femmes. Il soutient le travail des associations, encourage nos initiatives comme l’organisation d’un événement « Le Mans pour toutes » dédié aux femmes. Et à titre personnel, son épouse Dominique Boulard est aussi Maire, ce qui est assez rare dans un couple pour être souligné.

En ce qui me concerne, je ne sais pas si mon équilibre est « mieux » ou « moins bien », mais pendant les dernières années, j’ai souvent eu le sentiment inexplicable d’attendre quelque chose, sans savoir exactement quoi.

Je n’ai plus cette impression aujourd’hui.

Et d’ici un an ou deux, comment te projettes-tu ? Quelle articulation vie privée / vie pro aimerais-tu bien atteindre ? As-tu des projets précis ?

Je m’afflige moi-même en relisant mes interviews depuis 2010, où je formule à chaque fois des voeux pieux comme « l’an prochain, je travaillerai moins » Bon, j’ai tout de même tenu une promesse: je suis moins sur mon BlackBerry. Parce que maintenant, j’ai un iPhone…

Quant à savoir ce que je ferai dans un an, je n’en ai pas la moindre idée. J’avais des certitudes qui ont volé en éclat et des barrières que j’ai fait sauter.

J’écris en ce moment mon deuxième roman et je prends mes marques à la Mairie du Mans, avec les autres élus, les services de la Mairie, les acteurs de l’égalité dans la ville et l’ensemble de la population. J’ai beaucoup de projets à mettre en oeuvre, principalement ici au Mans, autour de l’égalité au sens large: hommes/femmes mais aussi égalité entre les quartiers, entre les personnes de toutes origines et de toutes orientations sexuelles et amoureuses. Tout l’enjeu va consister pour moi à éviter le communautarisme et à impliquer chacun dans l’égalité au sens large, qu’on parle par exemple d’accès au numérique ou de non discrimination à l’embauche, côté candidat comme côté employeur.

Le Mans est une ville pionnière dans la lutte contre toutes les discriminations et il y règne une atmosphère particulièrement accueillante pour chacun, qui que vous soyez. Ce n’est pas une ville de ghettos. Il y naît des initiatives formidables, et mon mandat d’élue consiste à passer du suivi de l’organisation de la Culture Pride par l’association Homogène à une réunion avec Femmes solidaires, qui organise des séances de tricot dans les quartiers pour habiller les enfants d’Ethiopie, à participer à des commissions et des conseils communautaires. J’ai aussi appris que j’allais siéger au CA de plusieurs organisations. Je lance aussi des projets dont je viendrai reparler, peut-être… Le Mans est une des dernières villes à être restée à gauche, même si trois élus du Front national siègent au Conseil Municipal. Nous avons 6 ans pour en faire la capitale de l’égalité.

Je travaille aussi sur deux autres projets hors Le Mans, un spectacle sur des thèmes féminins et féministes; et la création d’une revue universitaire.

C’est vrai, je parle beaucoup de la ville, là. Mais pour ce qui est de mon avenir et de projection, je ne sais pas quoi répondre. J’ai souvent répété pendant la campagne que j’avais vécu avec cette ville un mariage de raison qui s’est transformé en mariage d’amour. 

Depuis quelques mois, j’aime bien cette citation de John Lennon que j’ai lue en intro de « La tectonique des plaques » de Margaux Motin:  » Life is what happens to you while you’re busy making other plans. » Alors je vous laisse, j’ai des plans à terminer…

4 thoughts on “Parcours au fil du temps : Marlène

  1. euh, je ne comprends pas, elle a des journées de 48h ou des super-pouvoirs pour ne pas dormir, Marlène pour faire tout ça ?! Je suis admirative de son énergie et de sa lucidité !

      

  2. Sincères Congratulations.

    Une Serial Entrepreneuse Engagée, Ecrivaine et Artiste (Maudite) prenant à bras le corps la voie du Service Public, voilà une personnalité atypique et un plan de carrière imparable.

    Bon ben, on ne peut que vous souhaiter énormément de formidables rencontres avec de belles personnes merveilleuses ainsi évidemment que beaucoup, beaucoup d’inégalités générales et particulières, majeures et mineures à traiter.

    Ce dont on ne peut douter bien sûr selon le fameux principe de causalité :


    « Effet n. Le second de deux phénomènes qui apparaissent toujours ensemble et dans le même ordre. Le premier, appelé cause, est censé générer l’autre – ce qui n’est pas mieux démontré que par cette personne qui, n’ayant jamais vu de chien auparavant que dans la poursuite d’un lapin, déclare que le lapin est la cause du chien

    Admirativement vôtre….

      

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