Dictionnaire Spécial Eté

C comme Course

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C comme Course (par Carole)

Dès que notre enfant a poussé son premier cri, on entre dans un marathon qui s’arrêtera bien des années plus tard. Au début on court pour changer la couche, préparer le biberon, l’eau du bain, la compote, les légumes. On court pour prendre sa douche en 2 minutes chrono, limite on mettrait le minuteur de la cuisine. On court parce qu’on veut bien, parce qu’on ne veut pas faire attendre un bébé qui hurle de faim, parce qu’on a envie d’être aux petits soins.

Mais toute cette course du début n’est rien comparée à celle qui nous attend dès que l’on reprend le travail. La course insidieuse qui s’installe au fil des jours, la gestion du temps qui ne doit pas nous échapper, une course contre la montre du matin au soir, un timing qui peut être lourd de conséquences s’il n’est pas respecté.

On court pour être à l’heure à la crèche ou à l’école puis on embraye avec la course pour être à l’heure au bureau. Celle du matin passe encore mais quand l’heure de la course du soir arrive c’est l’angoisse.

Le soir on ne peut pas être en retard à la crèche, à la sortie de l’école, à la maison pour libérer la baby sitter ou la nounou. On peut être en retard une fois, deux fois mais pas systématiquement.

On ne peut pas partir tous les soirs cinq ou dix minutes avant les autres parce qu’on aimerait bien ne pas avoir à courir justement. Alors on surveille sa montre et on essaie de ne pas partir sur le fil, on s’excuse parce que la réunion qui a commencé il y a trois heures n’est toujours pas terminée, on évite la case pipi quitte à se retenir jusqu’à l’arrivée, on ne pense plus à rien et on court pour attraper son métro ou son train. Le temps est calculé à la minute près et il suffit d’une panne de signalisation, d’un accident voyageur pour que la panique nous gagne. On court entre les correspondances, on sait que le choix des chaussures le matin est primordial parce qu’on sait qu’on va courir et qu’il faut éviter tout ce qui peut nous faire perdre du temps.

On sort du métro, on court dans la rue, on court à perdre haleine parce que l’école où la crèche vont fermer, parce que ça fait déjà deux fois cette semaine qu’on a 5 minutes de retard et que la jeune fille qui garde notre enfant est gentille mais il ne faut pas abuser. On se maudit de n’avoir pas réussi à quitter plus tôt pour une fois, on aimerait ne plus avoir à courir mais le lendemain ça recommence. Course est aussi synonyme de culpabilité. On court mais on culpabilise, on culpabilise et on court…

Comment concilier vie professionnelle et maternité sans courir ? Je n’y arrive pas. La course est ancrée dans ma vie de mère au travail, elle fait partie du quotidien.

C’est ce que je déteste le plus dans le fait de travailler, devoir toujours courir parce que l’heure c’est l’heure et que la mentalité française préfère regarder sa montre plutôt que le travail accompli, parce que les gens qui partent tôt sont mal vus, parce que la société du travail n’est pas compatible avec le reste, parce qu’il faudrait faire des sacrifices dans l’un ou l’autre domaine, parce qu’on nous fait toujours culpabiliser. Parce qu’il faudrait s’excuser d’avoir des enfants, de ne pas être disponible en permanence, de ne pas toujours avoir envie de faire plus que ce que pour quoi nous sommes payés… Alors je cours encore et encore et un jour mon enfant sera grand et peut être que j’arrêterais de courir !

Retrouvez Carole (Nipette) sur son blog

6 thoughts on “C comme Course

  1. Que ce « C comme course » me parle… Heureusement, quand les enfants grandissent, qu’ils gagnent en autonomie, le C s’estompe 😉
    Merci de ce témoignage dynamique ! Espérant que ces articles contribuent à faire évoluer les mentalités 😉

      

  2. Ce « C » ne me parle pas, puisque je ne travaille pas, même si j’ai quand même l’impression de toujours courir 😉 Alors est-ce que la reprise d’un travail est le bon choix ??
    Merci pour ce témoignage si réaliste ! Vivement le changement de mentalité !!

      

  3. merci pour ce billet si réaliste….
    ce que je trouve compliqué c’est que je cours, je cours, je cours…. pour proposer à ma famille de ne pas avoir à courir. Pour leur proposer un rythme sans stress, je prends le stress pour moi. Et aussi pour ne pas leur communiquer mon stress. Anticiper, organiser, prévoir, rassurer, c’est pour moi aussi.
    Ahhhh vive les vacances qui permettent de lâcher prise!

      

  4. Je pense qu’une nounou est indispensable pour toutes les mamans qui travaillent. Sinon, on a plus une seule minute à s’accorder et ce n’est pas parce que l’on a un enfant que l’on doit se négliger.

      

  5. Merci pour ce billet tellement vrai !

    Pour ma part, le recours à un babysitteur 2-3 soirs par semaine pour la sortie d’école a tout changé. C’est un investissement, mais la possibilité de moins courir de temps en temps le vaut largement !

      

  6. Excellent article, amer mais tellement lucide !!

    J’ai vécu ce dont vous parlez, même si aujourd’hui j’ai fait un autre choix en prenant le statut d’indépendant.. J’ai toujours détesté cette mentalité, qui hélas perdure, consistant à rester tard pour rester tard, même si c’est pour peigner la girafe. Comme si partir après 20h était un gage d’efficacité, alors que c’est souvent le signe d’une mauvaise organisation et de temps perdu ! Ah, le collègue qui arrive à 9h30, passe sa journée à la machine à café et en pause cigarette, prend 2 h à déjeuner mais qui, à 19h30, vous regarde de travers parce que vous demandez d’une toute petite voix si vous pouvez quitter la réunion qui n’en finit pas…!

    Heureusement, dans certains grands groupes, les choses semblent évoluer, avec des chartes de conciliation vie privée/vie pro. Mais c’est encore embryonnaire et, malgré tout, peu appliqué.!

    Alors courage Carole ! Avec les années, vous retrouverez un peu de temps pour vous. C’est promis, c’est une quadra mère de trois grands qui vous le dit.

      

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