Autour du travail

« Je travaille pour me vider la tête »

Hier, j’entendais une femme expliquer à une amie qu’elle, « elle travaillait pour se vider la tête ». « Lorsque je suis chez moi, je rumine, je broye du noir, je ne sais pas comment m’occuper » a-t-elle ajouté. J’ai compris plus tard qu’elle était assistante de vie auprès de personnes âgées.

Ces propos m’ont interpellée.

 On entend souvent que le travail est un fardeau, une peine, une contrainte.

C’est parfois le cas.

Mais pour cette personne, le travail semblait être en quelque sorte une libération. Libération de chez elle, libération de ses pensées…

Il me semble cette phrase montre bien que le travail, malgré toutes les critiques que l’on puisse lui faire n’est pas seulement un moyen de gagner sa vie, une contrainte mais peut aussi être un moyen de s’épanouir et joue un rôle important dans la construction de son identité.

Pourtant, son métier ne fait pas partie de ceux que l’on qualifie habituellement de faciles, de gratifiants, de bien rémunérés. Mais à écouter cette personne, ce travail lui semblait précieux, utile pour elle (et pour les autres, même si elle n’a pas mis cet argument en premier).

A l’heure où le travail est l’objet de nombreuses critiques, où l’organisation du travail est remise en cause, où les risques psycho-sociaux n’ont jamais été aussi importants, où le stress est devenu une cause nationale, il est bon de rappeler que le travail peut être une béquille, un cadre structurant et pas seulement une activité aliénante…

Le travail peut être source de mal-être mais aussi de bien-être (ou du moins de mieux-être).
Il revêt une fonction d’identité et de lien social qui, pour certaines personnes, est très importante, voire vitale, au-delà des considérations économiques et financières.

Le travail peut donner le sentiment d’être un simple rouage inutile ou absurde mais il peut aussi permettre de se sentir utile… Sachant que le travail ne se réduit pas à sa forme marchande (travail associatif, bénévole notamment).

Qu’en pensez-vous ?

9 thoughts on “« Je travaille pour me vider la tête »

  1. Je pense que la clé de tout réside dans le fait que cette femme travaille avec (et pour) des personnes, auprès desquelles elle se sent utile. Pour avoir eu récemment l’occasion d’interviewer une
    soixantaine de résidents en maison de retraite, je peux témoigner du fait que les contacts avec nos aînés sont extrêmement enrichissants. Il y a une humanité, une profondeur, dans ces contacts
    que l’on rencontre rarement ailleurs. Cela n’a pas de prix.

    Au début de ma vie professionnelle, j’étais analyste-programmeur. Je gagnais très bien ma vie, mais mon travail était un fardeau : il permettait juste à une grosse société d’augmenter ses
    profits. Et moi, j’étais un rouage dans une machine.

    Plus tard, j’ai été expatriée pour différentes ONG, avec un salaire réduit de plus de moitié et mon travail est devenu un plaisir car je faisais quelque chose d’utile pour « de vrais gens ».
    L’argent comptait bien peu à côté de cette satisfaction.

    Aujourd’hui, c’est toujours ce qui m’anime. Même si, au contraire de cette femme, je me sens aussi tout à fait bien chez moi !

      

  2. @ Florence : merci pour ce témoignage et ce parcours très intéressant…je comprends parfaitement ce que vous voulez dire concernant l’importance de
    l’humain dans le travail réalisé. Les métiers in tels que professions médicales ou l’enseignement sont particulièrement représentatifs et prouvent bien que malgré des conditions de travail
    souvent difficiles, voire extensibles, et pas toujours bien rémunérées, etc. les personnes peuvent y trouver un réel intérêt ou une motivation solide.
    Cependant dans le cas de la personne dont je parle, je ne suis pas sûre que le premier point positif qu’elle voyait dans son travail c’était l’aide qu’elle apportait aux personnes âgées mais
    plutôt celle d’avoir une activité à l’extérieur de chez elle, qui l’occupait, qui la structurait, qui l’empêchait de broyer du noir et de ressasser ce qui n’allait pas. Bien sûr, j’imagine que ce
    métier précis n’était pas anodin mais je ne pense pas que l’explication principale résidait là. Mais je peux me tromper bien sûr…
    Comme quoi chacun a un rapport au travail et à son métier extrêmement varié…

      

  3. Mon travail de professeur d’arts plastiques et d’arts appliqués me fait me sentir utile et épanouie. J’ai conscience de ce que mes cours apportent à mes élèves qu’ils soient enfants, ados en
    formation scolaire générale ou d’apprentissage et adultes actifs (dans des boulots pas évidents) ou retraités. Je sais que ça leur procure du plaisir, un vrai mieux-être, de la culture, des
    apports techniques, une valorisation à la fois personnelle, dans leur couple, dans leur sphère ou de travail et de relations, c’est un facteur aussi d’intégration sociale. Je me sens pivot de
    plein de bonnes choses pour un tas de gens. J’ai 250 élèves chaque semaine et cinq lieux d’enseignement différents qui n’ont rien à voir les uns avec les autres et avec des publics et des
    attentes radicalement différentes. C’est un job d’adaptation permanente et d’écoute des autres totale.

    Pour autant je suis précaire, plutôt mal payée par rapport au niveau d’investissement professionnel que je consens et l’énergie, la qualité pédagogique individualisée que je propose. Mais bon,
    quand je vois la fierté et la joie de mes élèves tous âges confondus lors d’expos ou en fin d’année scolaire, leur épanouissement personnel dans ces activités, ça me comble humainement parlant.
    Je sais que tout ce que je déploie comme énergie aboutit à de belles choses. Et c’est ce qui fait que je me lève toujours avec plaisir pour enseigner, même si je démarre souvent très tôt et
    termine mes journées très tard.

      

  4. @ Muse : merci également pour ton témoignage plein de mots positifs et gratifiants…! cela fait vraiment plaisir à lire. J’imagine aisément qu’un peu
    plus de reconnaissance financière et de stabilité seraient les bienvenues mais comme tu le dis les satisfactions personnelles et le sentiment d’utilité sociale te font continuer dans cette voie
    malgré tout.

      

  5. Peut-être, en effet, que cette femme ne réalise pas consciemment ce que les personnes âgées lui apportent. Cela dit, je pense que si elle travaillait sur une chaîne de montage ou si elle faisait
    le ménage dans des entreprises quand les employés n’y sont plus, elle se viderait moins facilement la tête. Car alors, elle serait de nouveau seule avec ses pensées. Il n’en reste pas moins que
    le temps passé à son travail peut constituer une grande bouffée d’oxygène quand on n’est pas bien dans sa vie personnelle…

      

  6. Je voudrais rebondir sur le terme « le travail peut être une béquille ».

    J’ai créé un concept (le réseau de sphères) permettant de comprendre et améliorer la qualité de vie. Il est expliqué sur le site http://www.a3qualvie.net/reseauspheres.html

    La vie professionnelle (le travail) constitue une des sphères de ce réseau. C’est une des sphères constituantes, structurantes.

    Une bonne qualité de vie, nécessite que la sphère professionnelle soit sous le signe d’une bonne qualité de vie au travail.

    Si ce n’est pas le cas, cela a de fortes probabilités d’impacter en négatif les autres sphères (dont la sphère familiale et affective).

    Si c’est le cas, cela peut impacter en positif d’autres sphères pour lesquelles il y aurait de l’insatisfaction.

    Deux aspects sont à considérer : la situation objective et la situation subjective. La situation objective pouvant être analysée sous l’angle de l’écart qu’il existe entre la situation actuelle
    et celle désirée (avec une difficulté que l’on voit bien si la situation désirée est irréaliste).

    Voilà en quelques mots, un petit éclairage à travers le concept de réseau de sphères. Je pourrai développer le cas échéant en fonction de l’intérêt par rapport au sujet initial.

    Bravo pour votre blog sur un sujet en lien avec les problématiques que je traite professionnellement et au delà.

    Olivier HOEFFEL

    Consultant en Qualité de Vie au Travail

     

      

  7. @ Olivier : bienvenue ici et merci beaucoup pour votre passage et votre commentaire. Je vais aller découvrir cela de plus près et éventuellement je
    reviendrais vers vous pour un entretien plus détaillé sur votre métier, vos missions et votre concept. Je connais bien l’ANACT qui, il me semble, travaille sur les mêmes problématiques que vous
    mais c’est la première fois que j’entends parler d’un consultant en qualité de vie au travail, alors forcément cela titille ma curiosité 🙂

      

  8.  Si le travail peut présenter un certain nombre de contraintes,il comporte bien entendu des avantages. Je partage l’idée selon laquelle le travail produit du lien social en même temps qu’il
    participe à la construction de l’identité. Qui suis je? Beaucoup de choses, mais l’évocation de mon activité professionnelle, si je dois me présenter rapidement va aider celui avec lequel je
    communique à me situer, c’est donc une manière de m’identifier. Je conçois le travail comme une manière d’aller vers l’autre,vers la société,vers le monde de façon plus élargie que via mon
    univers personnel. Comme une façon d’y contribuer.Dans le même temps c’est un moyen d’exister socialement: je suis valorisé pour ce que je réalise (même si ce que je reçois peut être
    discutable… je perçois une rémunération)  je suis reconnu par mes semblables et par la société. Il me semble que le travail participe à un certain équilibre, proche de l’accomplissement de
    soi.En ce qui me concerne, j’ai choisi de consacrer plusieurs années à l’éducation de mes enfants, malgré des études très interessantes.Je termine avec quelque chose qui n’engage que moi:même si
    l’on se sent bien chez soi, malgré les joies de la vie de famille j’ai éprouvé durant cette période un sentiment d’isolement, pour ne pas parler de marginalisation. Je trouve qu’il est important
    d’alterner, cela apporte une ouverture, quoi qu’on en dise. Travailler me tient à coeur, et j’ai grande hâte!

      

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