Autour du travail

Les émotions dans le monde du travail et les stéréotypes de genre



Nous sommes tous des êtres émotionnels, hommes et femmes, dans la vie privée ou professionnelle. Tout le monde ressent de la joie, de la peur, de la colère, de la frustration, de la tristesse, du désir, de la fierté, etc. Jusque là, nous sommes d’accord 🙂

Mais THE question is : les hommes et les femmes ont-ils le droit d’exprimer les mêmes émotions dans le monde du travail ? Y auraient-ils des « normes », des « règles » différentes pour les hommes et les femmes ? La même émotion va-t-elle être interprétée de la même façon si c’est une femme ou un homme qui l’exprime ? Existerait-il une division sexuelle des émotions ? (l’expression n’est pas de moi !)

Ursula Hess, une chercheuse canadienne, estime que les attentes en ce qui concerne l’expression des émotions des hommes et des femmes ne sont pas les mêmes. « La douceur, l’empathie, voire la tristesse, sont davantage attribuées aux femmes, tandis que l’agressivité et la colère sont mieux acceptées socialement quand elles sont manifestées par des hommes».

C’est en interviewant une psychologue du travail, spécialiste du rôle et de la place des émotions dans le monde du travail (Tanja Wranik), qui me parlait de cette différence et des stéréotypes qui avaient la vie dure que j’ai décidé de creuser un peu plus sur le sujet et de recueillir votre avis aussi (en gros, j’attends vos commentaires ! :-).

Tanja Wranik me donnait quelques exemples :

– Un homme qui exprime des émotions qui montrent la puissance, le pouvoir, voire de l’agressivité, c’est plutôt bien perçu, tandis que chez une femme, cela l’est beaucoup moins (et de là à se faire traiter d’hystérique, il n’y aurait qu’un pas…). Selon elle, cette différence
expliquerait en partie le phénomène du plafond de verre. Car pour avancer, progresser, il faut montrer de l’assertivité, un désir de puissance…or cela semble plutôt mal vu de la part des femmes…

Mais pour les hommes aussi, cette différence dans ce que l’on a le droit ou non de montrer, a des effets pervers. Exemple : en étant agressif, un hommes peut en réalité cacher une grande anxiété, de la peur mais chez un homme, cela ne se fait pas de montrer de telles émotions (= signes de faiblesse). Résultat : on peut aboutir à des situations de désespoir (cf. suicides d’employés de Renault).

Je suis également tombée sur un numéro très intéressant de la revue Travailler du CAIRN consacré aux émotions dans le travail. Angelo Soares, de l’Université du Québec à Montréal, estime que « ces stéréotypes légitiment la division sexuelle du travail dans laquelle les hommes sont associés au domaine du rationnel, du public et de la production alors que les femmes sont associés au domaine de l’émotionnel, du domestique et de la reproduction ». Il souligne également que « la division sexuelle du travail émotionnel existe non seulement entre les emplois, mais aussi à l’intérieur d’un même emploi. Ainsi, les effets possibles du travail sur la santé, seront, dans ce même travail, différents selon le sexe ».

Enfin, « un dernier aspect important concernant la division sexuelle est qu’il faut prendre en considération le travail émotionnel associé à la conciliation entre travail et famille, travail salarié et travail domestique. Il est évident que si l’on est préoccupé par les enfants, il faut accomplir un travail sur soi supplémentaire… ».

Que pensez-vous de ses analyses ? Avez-vous déjà eu l’impression que vous n’osiez pas exprimer une émotion parce que vous étiez une femme (ou un homme) ? Ou qu’une de vos émotions ait été mal interprétée ou mal perçue ?

Sinon, pour ceux et celles que le sujet passionne, voici quelques trouvailles sur internet !

Le rôle des émotions de Sylvie Roussillon (EM Lyon) : comprendre la place et l’importance des émotions dans le management d’équipe, un document court et synthétique

– un livre  : « Du bon usage des émotions au travail » de Etienne Roy et Catherine Lainé. (je ne l’ai pas lu mais il semble faire référence sur ce sujet)

3 thoughts on “Les émotions dans le monde du travail et les stéréotypes de genre

  1. je n’ai jamais exprimé vraiment « d’émotion » au travail, mais j’y étais vue, j’y suis vue, comme la mère de famille. Donc si on me présente, c’est Emelire, maman de 2 enfants … et ça me dérange. Je n’ai pas les photos des enfants dans le bureau parce que je n’en ai pas envie et que c’est « vie privée » donc ça m’ennuie qu’on me décrive comme une mère. Si je dis un truc, si je suis prévenante, il est arrivé qu’une collègue (sans enfant et plus âgée que moi) me dise : ah c’est la maman qui parle. Ou si je partage un truc, ah ben oui tu as l’habitude de couper le gateau, de ceci, de cela. Alors que je ne suis pas très « popotte » dans le style.
    En revanche, avant d’avoir les enfants, on m’a plusieurs fois posé la question aux entretiens d’embauche « et vous voulez des enfants ». J’ai loupé un poste pour raison d’age, j’étais mariée et je n’avais pas (encore) d’enfants, et on m’a dit qu’on avait préféré « une mamie » à ma candidature. C’est le chef qui a parlé de « mamie » … la femme qui a eu le poste avait en effet … 40-45 ans ! (c’est mon âge actuel et quand je me souviens de cette époque là, j’avais 25 ans, ça me fait rire jaune de repenser au qualificatif de « mamie » !) … en tous cas je n’ai pas eu le poste. Le + *drôle* … c’est que l’entreprise a licencié tout le monde 5 ans après !

      

  2. C’est très compliqué!
    Les grandes joies je n’en parlerai pas car il n’y en a pas beaucoup dans mon domaine (hopital), en revanche les autres…
    Les émotions au travail ne sont pas seulement une histoire de sexe. Il s’agit pour moi, plutot de fragilité personnelle, même si c’est certainement plus sain.
    Je dois avouer que j’ai vu plus de femmes craquer dans mon entourage que d’hommes. Quoi que, en y réfléchissant bien. Les femmes ont toujours pleuré pendant des heures, alors que les hommes ont été d’une agressivité inquiétante. Il y a ceux qui extériorisent et c’est certainement une manière d’évacuer et ceux qui vont tout garder pour eux, mais un jour il faudra que cela sorte. Il vaut mieux faire sa crise au boulot que de la réserver à sa petite famille.
    Tout va jouer pour un « pétage de plomb » en règle. Je dirai que c’est surtout tout le reste qui va influencer cette débacle émotionnelle : la fatigue, les hormones pour les femmes enceintes (j’ai personnelement testé et c’est affreux), les problèmes familiaux. Je pense que si le seul soucis est celui rencontré au travail, ce ne sera pas suffisant pour déclancher une crise émotionelle. Je parle là d’une personne avec une vie équilibrée et pas une qui vit pour travailler. Si si cela existe encore…

      

  3. Bienvenue Emelire sur le blog ! Ce que tu décris montre que l’on attend des femmes certaines émotions, réactions ou comportements (gentillesse, « maternage »…). C’est effectivement un peu pesant ! Quant à la question de savoir si être mère (ou future mère ou tout simplement « potentielle mère ») est un handicap vis à vis des recruteurs, je crois malheureusement que la réponse est un gros OUI 🙂

      

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